[Streetball Legend] Demetrius « Hook » Mitchell : accro au bitume

Si le basket avait été sa seule drogue, Demetrius "Hook" Mitchell aurait pu devenir l'un des plus grands.

[Streetball Legend] Demetrius « Hook » Mitchell : accro au bitume
Mais il n’avait pas le temps pour se poser et réfléchir à tout ça, sa vie allait à 200 à l’heure. Les prises de têtes liées à l’école, il les fuyait dans la rue. Là où il pouvait fixer ses propres règles. Antonio Davis se souvient encore du «posse» qui accompagnait Hook partout où il allait.

« Il traînait avec les pires cailleras du coin. Ces mecs me foutaient littéralement la trouille  ! »

En dehors des terrains, la personne dont il se sentait le plus proche, celui qui jouait un rôle de mentor pour lui et qu’il appelait son «frère», comme s’ils partageaient le même sang, un certain Larry Parker, était le plus gros trafiquant de drogue de toute la région. Et quand sa tête était mise à prix par des gangs rivaux, celle de Mitchell l’était aussi. Ça, c’est de la pression ! Pour autant, Hook ne changeait rien à ses habitudes et continuait de semer la terreur sur les playgrounds de la Baie. C’est d’ailleurs là, bien plus que sur les parquets rutilants, qu’il a bâti sa légende.

« Hook avait un bon shoot, un handle digne de celui d’Iverson ou de Marbury et la même rage de vaincre que Payton, tout ça compressé dans un corps d’1,76 m », se souvient Brian Shaw. « Quand on faisait les équipes, tout le monde voulait le prendre  ! »

En même temps, qui aurait voulu se retrouver face à lui et courir le risque de se faire humilier, mâcher puis recracher comme un chewing-gum sans goût ?

De héros a zéro

Pour tous les gamins du coin, Hook était un héros. Une célébrité du block, un exemple. Quand Jason Kidd était encore trop juste pour taffer avec les «grands» et qu’il devait rester sur le côté, c’était sur Hook qu’il gardait les yeux rivés.

« Jason est la première personne au-dessus de laquelle j’ai sauté durant un concours de dunk », se souvient Mitchell avec nostalgie.

Kidd non plus n’a pas oublié son idole de jeunesse :

« Il n’y avait pas de comparaison entre lui, Gary, Antonio Davis, Brian Shaw ou moi... il était le meilleur. »

Brookdale, Mosswood, Strawberry Canyon, Westdale, Venice, autant de playgrounds sur lesquels il a régné, comme autant d’encoches sur la crosse du flingue de Jesse James. Au-delà du jeu lui-même, Hook a marqué son époque en remportant à peu près tous les concours de dunk auxquels il a participé.

« Tout ce que les mecs faisaient de face, je le faisais en arrière. Ce qu’ils faisaient en arrière, je le faisais en 3-6. Les gars m’appelaient le «cascadeur» parce que quand j’ai commencé à le faire, personne n’avait encore vu quelqu’un passer au-dessus de voitures ou de motos. »

Ceux qui étaient là savent et gardent leurs histoires pour eux.

« Les gens ne me croient pas quand je leur dis que je l’ai vu faire un 360° au-dessus d’une voiture », se désole Drew Gooden, lui aussi originaire de la région.

Rien d’étonnant quand on sait que Hook pouvait sauter à deux-pieds au-dessus d’une caisse... pas au-dessus du capot, au-dessus du toit ! Et à chaque, fois ça remplissait un peu plus ses poches. C’était pas Roc-A-Fella, mais ça suffisait pour continuer de planer. Seulement, pendant ce temps, GP, AD et les autres recevaient des offres de bourses universitaires et se préparaient pour le long terme... Vu ses notes, impossible pour lui d’entrer direct à la fac. Direction un Juco donc, Contra Costa, à San Pablo. Pas très loin de chez lui. Pas ASSEZ loin. La drogue, les potes, les embrouilles ou les sales affaires, tout ça à deux pas, avec souvent de l’argent vite gagné au bout, c’était plus attirant et plus facile que de penser diplôme, D1 NCAA, workouts, NBA... peut-être. Et quand son « frère » Larry Parker s’est fait dessouder, sa vie a pris un tournant plus drastique encore. Sûr, il s’est mis à enchaîner les matches à 35 ou 40 pions en sa mémoire, mais quand ses semelles ne battaient pas les lattes lustrées, elles tournaient en rond dans les rues d’Oakland, à la dérive. Pendant que Payton devenait l’un des meilleurs meneurs du pays à Oregon State, lui retournait briller sur les plays. Pendant que Kidd ou J.R. Rider endossaient à leur tour les espoirs de la Bay, Hook continuait de sauter par-dessus des Mustangs pour payer ses doses. Enchaîner les concours de dunk c’est bien, mais ça ne mène pas en NBA, encore moins au Hall Of Fame. Ses potes d’enfance essayaient bien de le remettre un peu en piste, mais à chaque fois, ça tournait au fiasco. Comme la fois où Brian Shaw lui avait dégotté un poste de moniteur durant l’un de ses camps d’été. Avant même la fin de la première journée, il a dû le virer quand il s’est rendu compte qu’il volait des t-shirts et des ballons. Ou, pire encore, la fois où Payton et Shaw avaient dû saouler Kenny Smith pour qu’il laisse leur gars briller durant un match de bienfaisance à l’Arco Arena de Sacramento. Salle comble, spotlights brillants, speaker gueulard qui énumère son palmarès, et Hook qui se pointe, short pourri, t-shirt en lambeaux et les yeux rougis par les vapeurs.

« Dès que je l’ai vu arriver, je me suis dit ‘‘Oh merde !’’ », se souvient encore Shaw. « Il était raide défoncé. Des 14 dunks qu’il a tentés, il n’en a réussi qu’un. Ce qui était moche, ce n’était pas juste qu’il les ratait, mais qu’il les foirait salement. Si tu demandes à Kenny aujourd’hui, je suis sûr qu’il te dira, ‘‘Ouais, ils avaient ramené une espèce de charclo qui était censé être un as’’... Si seulement il savait. »