Les grands chantiers de l’équipe de France à un an des JO

Sortie de la Coupe du Monde par la toute petite porte, l'équipe de France a un an pour se relever avant « ses »Jeux Olympiques.

Les grands chantiers de l’équipe de France à un an des JO

C’est sans doute l’échec le plus retentissant de l’Histoire du basket hexagonal. L’équipe de France visait l’Or mondial cet été. Elle ne verra finalement même pas Manille, où se disputeront les phases finales sans du vice-champion olympique et vice-champion d’Europe, éliminé dès le premier tour. Largement dominés par le Canada (65-95) puis terrassés par la Lettonie (86-88) alors qu’ils savaient qu’ils n’avaient plus le droit à l’erreur, les Bleus ont déçu. Terriblement déçu.

Un crash inattendu qui pourrait laisser des traces. Un résultat inquiétant aussi, à un an des Jeux Olympiques de Paris, où les tricolores rêvent là aussi d’une médaille d’Or. Sauf que gagner dans la capitale ne devait pas relever de l’exploit et les Evan Fournier, Rudy Gobert, Nicolas Batum étaient censés se rapprocher encore un peu plus des sommets de la scène internationale à l’occasion de cette Coupe du Monde en Asie. Mais après ce qu’ils ont montré durant ces deux rencontres, il n’est pas facile de les imaginer rivaliser avec les meilleurs dans douze mois. Surtout en comparaison des performances solides des équipes qui montent, comme l’Allemagne, le Canada ou l’Australie (pour ne citer qu’elles).

L’équipe de France en plein cauchemar

Chaque compétition est différente et la réalité d’une année n’est pas forcément celle de la suivante. Les Français, finalistes des deux derniers tournois qu’ils ont disputé, en savent quelque chose. Ils peuvent donc aussi voir ça comme un simple « accident » mais ce serait se voiler la face. Batum et ses camarades ont raison de préciser qu’ils constituent toujours l’une des « 5 ou 6 plus grandes équipes du monde. » Mais cette énorme désillusion à Jakarta est, d’une certaine manière, aussi la continuité d’un Eurobasket où les Bleus ont été aidés par deux sacrés coups du destin en huitièmes puis en quarts de finale.

Il n’est pas idée de remettre en question la médaille d’Argent décrochée l’an dernier, après une énième défaite contre l’Espagne. Plutôt de souligner que certaines lacunes aperçues en Indonésie étaient déjà présentes un an plus tôt, malgré une impression globale complètement différente en raison du résultat final. La vérité, c’est qu’il existe différents chantiers majeurs pour l’équipe de France. Des chantiers qui vont devoir être abordés par le staff durant les prochains mois avant d’attaquer la préparation pour les Jeux en juillet prochain.

Le poste de meneur de jeu

Il y a-t-il un pilote dans l’avion ? Voilà déjà deux compétitions de suite que les tricolores semblent légers à la mène. En l’absence de Nando De Colo, Thomas Heurtel avait été le seul « vrai playmaker » à l’Euro. Les rôles ont été inversés un an plus tard. De Colo est revenu et il est le meilleur passeur de l’EDF avec 5,5 offrandes par match. Aucun autre joueur n’atteint la barre des 3 caviars. Mais Heurtel, lui, n’est plus là. Pourtant il n’est pas blessé.

Puisque que c’est sur quoi Nicolas Batum a tenu à mettre l’accent, certes à chaud, au micro de BeIN Sports juste après l’élimination des siens, alors parlons-en. Le vétéran, qui a appelé « tout le monde à se remettre en question », y compris « la fédération », a regretté « qu’on se prive de certains joueurs » ajoutant d’ailleurs : « J'en ai rien à foutre de ce qui est politique, il nous faut la meilleure équipe de France possible. » Il fait donc référence au cas Heurtel, indisponible parce qu’il évolue… en Russie. Une décision qui n’a rien à voir avec le sport mais qui a déjà été prise depuis un moment maintenant.

Thomas Heurtel

Pas sûr que la présence du natif de Béziers aurait franchement changé la donne sur ces deux matches en question mais il est évident que l’équipe a besoin de meneurs plus solides. Elle a manqué la gestion et la sérénité que peuvent apporter un général des parquets. 17 pertes de balle contre le Canada, 20 contre la Lettonie. De Colo sait s’illustrer dans ce registre de chef d’orchestre mais il paraît encore plus intéressant en tant que deuxième créateur. Le problème, c’est que Fournier, aussi étincelant qu’il puisse l’être au scoring, n’est pas un très bon passeur. Il faudrait trouver la combinaison idéal. Ce tandem a tout de même mené les Bleus en finales des Jeux Olympiques de Tokyo mais c’était il y a deux ans maintenant.

Nando De Colo a fêté ses 36 printemps en juin dernier. Fournier est à son apogée – vivement que les New York Knicks le libèrent – mais il lui faudra sans doute un autre partenaire dans le backcourt. Mais alors qui ? Heurtel ? Frank Ntilikina ? Ce dernier, forfait pour la CdM en raison d’une blessure à la cheville, est sans doute celui qui présente le plus de garanties en défense. Mais ce n’est pas non plus un playmaker de génie. Sylvain Francisco a montré de belles choses malgré le contexte mais son profil reste celui d’un joker offensif plus que d’un titulaire. Elie Okobo s’est (encore) planté et c’est finalement plus un arrière qu’un meneur.

Les grands amateurs de NBA essayent souvent de ramener le nom de Killian Hayes dans la conversation. Non seulement il est encore jeune mais il manque surtout cruellement d’expérience au niveau FIBA chez les A. Il doit déjà s’imposer en NBA avant de pouvoir prétendre à une place de titulaire en équipe de France. Après, ça peut valoir le coup de le tester pendant la prépa. Sacré chantier en tout cas. Il y a plusieurs profils, plusieurs candidats et certainement une place à prendre d’ici l’été prochain.

Une mentalité à revoir

Les Bleus se sont-ils vus trop beaux ? Ils avaient des raisons légitimes de penser qu’ils pouvaient aller très loin dans la compétition. Par contre, ils n’ont pas affiché le visage qui collent avec leurs ambitions. Vincent Collet parlait notamment « d’humilité » en conférence de presse, notamment en raison de ce que l’équipe de France « pensait être devenue. »

« Je ne l'ai pas dit assez fort avant qu'on commence la compétition mais on ne peut pas être performants à ce niveau dans un tel concert de concurrence si on n'a pas l'humilité pour se battre. Ça n'empêche pas l'ambition. Bien sûr qu'il faut aussi du talent, mais ce qu'on a pu faire ces dernières années n'était pas fait qu'autour du talent. Le croire serait une erreur fondamentale. C'était un travail de tous les instants pour être une grande équipe », poursuivait le sélectionneur.

Evan Fournier : “Il faut une grosse remise en question”

Avec ou sans De Colo après son expulsion, avec ou sans Heurtel, la France ne devrait jamais craquer contre une Lettonie, encore plus une Lettonie privée de Kristaps Porzingis. Et encore plus après avoir mené de 12 points ! Mentalement, ce groupe montre parfois une certaine fragilité. Il y a eu un craquage mental. Pas un craquage complet, mais un craquage quand même. De la même manière que les joueurs sont restés complètement impuissants quand le Team Canada a enclenché le rouleau-compresseur. Aucune adaptation. Parfois même aucune réaction.

Il y a aussi un sérieux problème de rigueur au sein de cette équipe de France. Et ce n’est pas tout à fait nouveau. Les pertes de balle, elles ne s’expliquent pas juste par l’absence de meneurs de renom. Parfois, elles sont le résultat d’un manque de dureté. De même que les rebonds offensifs laissés en pagaille depuis plus d’un mois maintenant ! « Encore une fois, on manque de rigueur : les rebonds, les fautes... Des petites choses qui au final font la différence », notait Rudy Gobert. « Le match est allé vers l'équipe qui en avait le plus envie au global. Eux, ils étaient possédés. Même en difficulté, ils n'ont jamais renoncé », ajoutait Collet. « Sur le dernier quart-temps, c'est à nouveau les mêmes péchés mignons qui nous condamnent : les balles perdues, les rebonds offensifs aux pires des moments. Comme depuis le début de la prépa. » Dommage, vraiment dommage.

Retrouver une identité défensive

C’est lié à la rigueur. La France a encaissé 95 et 88 points sur ses deux premiers matches de Coupe du Monde. Impensable à l’époque pas si lointaine des Mike Gelabale, Florent Piétrus et compagnie. Oui, les Bleus n’ont jamais eu le basket le plus léché. En revanche, c’est une formation qui savait faire peur de par sa capacité à éteindre ses adversaires. Ce n’est plus le cas. Et ça déjà lors de la compétition précédente. Où sont les stops ? Où est la pression défensive ? Ce que les Canadiens ont infligé aux porteurs de ballon tricolores, c’est ce que ces derniers faisaient subir à leurs vis-à-vis. Enfin plus ou moins.

Le pire, c’est que des nations qui jouent déjà mieux en attaque, comme l’Allemagne ou l’Australie, se sont elles aussi mises à défendre comme des acharnés. Leur intensité est bien supérieure à celle de l’EDF sur ce tournoi. C’est ça, normalement, l’identité de cette équipe. Alors, oui, les joueurs changent. Ntilikina manquait à l’appel, Andrew Albicy n’a pas été pris, etc. Mais cette ADN de jeu doit se transmettre d’une génération à l’autre. Surtout qu’avec Gobert, Batum, Yabusele, un Fournier impliqué qui a vraiment fait de progrès défensifs, il y a la place pour construire un rideau défensif digne de ce nom. Ce n’est que comme ça que la France ira chercher un nouveau titre. En tout cas pour l’instant.

Quelle locomotive pour l’équipe de France ?

Victor Wembanyama

On répète souvent que pour gagner un titre NBA, il faut pouvoir compter sur l’un des cinq meilleurs joueurs de la ligue. C’est à peine légèrement moins vrai en ce qui concerne les compétitions internationales. Pour aller au bout, il faut encore une individualité de tout premier plan. Evan Fournier a été assez incroyable par séquences au scoring. Il a déjà mené cette équipe à des médailles. Mais ce n’est pas non plus un joueur de la trempe d’un Luka Doncic, Shai Gilgeous-Alexander, etc.

La logique voudrait que Victor Wembanyama prenne le contrôle de l’équipe de France dans un futur proche. Mais sans doute pas aussi proche que 2024, après une seule saison NBA dans les jambes. Même Tony Parker, en 2003, fraîchement champion avec les San Antonio Spurs, n’a pas fait gagner son pays. Un ticket Fournier-Wembanyama peut-il suffire (en se reposant bien sûr sur tout le reste : le collectif, la défense, l’expérience) ?

Ou alors Joel Embiid ? Lui serait clairement d’emblée l’un des cinq meilleurs joueurs d’une compétition sur le papier s’il venait à être aligné. Reste à savoir si ce sera pour l’équipe de France ou pour Team USA.