L’équipe de France, la fin d’une époque formidable

L'équipe de France a quitté les Jeux Olympiques par la petite porte. Une triste fin pour la génération de Tony Parker, roue motrice du basket français depuis plus de dix ans.

Antoine PimmelPar Antoine Pimmel | Publié  | BasketSession.com / MAGAZINES / Analyse
L’équipe de France, la fin d’une époque formidable
« Ils seront toujours les rois. » Furieux et frustré par l’arbitrage après la défaite crève-coeur de l’équipe de France contre l’Espagne en demi-finale de « son » Eurobasket, Nicolas Batum ne croyait pas si bien dire. Presque un an après avoir conquis le sacre européen sur les terres de leurs plus vieux ennemis, les Espagnols ont toujours la couronne coiffée sur la tête, le scalp des Bleus à la main. Ils ont encore une fois brisé les rêves tricolores en éliminant Tony Parker et ses coéquipiers en quart de finale des Jeux Olympiques de Rio - comme ils l’avaient déjà fait à Londres il y a quatre ans. Plus qu’une victoire, ils ont infligé une correction (95-67). Plus qu’un succès, ils ont enterré pour de bon des années de luttes acharnées entre deux générations dorées de basketteurs. [superquote pos="d"]Le plus beau chapitre de l’Histoire du basket français s’est refermé avec l’une des pages les plus laides[/superquote]Le plus beau chapitre de l’Histoire du basket français s’est refermé avec l’une des pages les plus laides. Une lourde défaite - « humiliante » pour reprendre les mots de Batum - qui met fin à dix ans d’une rivalité intense marquée par des flops, des coups dans les testicules, du vice, des speech mémorables, des altercations, des performances dantesques, du sang, des pleurs, de la joie. Dix ans de pur basket. Pour Parker, il « était écrit » que Français et Espagnols étaient amenés à se retrouver une dernière fois à Rio. Mais personne n’était prêt à voir une si grande légende de notre sport, « le meilleur joueur français de tous les temps » selon Vincent Collet, quitter la scène internationale sur une telle gifle. Il va falloir maintenant encaisser la défaite, ravaler notre fierté, digérer les départs de trois cadres (« TP » donc mais aussi Mickael Gelabale et Florent Piétrus), sécher les larmes, remercier les géants qui nous quittent et opérer rapidement une transition avec les yeux déjà braqués sur l’Eurobasket 2017.
« Il va falloir remettre les choses dans le droit chemin. »
Cette déclaration, prononcée platement par un Boris Diaw si souvent lisse devant un micro, est terriblement lourde de sens. Quelque chose ne tournait pas rond à Rio. Et même avant. Cette défaite, cette leçon de basket, elle est le point d’orge sévère d’une campagne de préparation mal négociée avec un Parker absent pendant trois semaines et trois défaites contre des équipes plus convaincantes - Argentine, Croatie et Serbie - quelques jours avant le départ au Brésil. Le revers cuisant en ouverture contre l’Australie suivait cette logique d’une équipe de France un ton en-dessous des ténors de la compétition Olympique. L’élimination contre l’Espagne conclut ce dernier chapitre au goût d’inachevé.

Ce qui n'a pas marché à Rio pour l'équipe de France

Alors quoi, que faut-il remettre en place ? Les Bleus, à l’image de leur meilleur élément depuis plus de quinze ans, sont arrivés en fin de cycle, autant au sens propre que figuré. Le collectif construit année après année, campagne après campagne, a affiché ses lacunes des deux côtés du parquet : rotations manquées en défense, absence de circulation de balle, joueurs attentistes en attaque lorsque Parker tricote, défauts de concentration. C’est comme si les champions d’Europe en Slovénie avaient remonté le temps jusqu’en 2012 et à une défaite contre l’Espagne, déjà, quand « TP » s’était retrouvé esseulé dans le dernier quart d’un match couperet. [superquote pos="g"]« Il va falloir remettre les choses dans le droit chemin. » Boris Diaw[/superquote]Les Bleus de Rio étaient pourtant bien plus talentueux sur le papier avec un Batum, sportif français le mieux payé de l’histoire après avoir signé un contrat à 120 millions de dollars sur cinq ans, plus mûr, un Rudy Gobert en plein ascension, un Diaw toujours vert, des soldats aguerris aux joutes FIBA et un Nando De Colo Tsar d’Europe. Pourtant, ces mêmes Bleus ont pris une piquette que nos voisins espagnols n’hésiteront pas à remettre sur le tapis lors de chaque conversation sur le sujet. C’est paradoxalement sans Parker, mis au repos, et avec un backcourt composé par De Colo, meilleur joueur français du tournoi, et Thomas Heurtel, que les tricolores ont délivré leur meilleure prestation des Jeux en s’inclinant de trois petits points contre les stars NBA de Team USA (97-100). C’était déjà sans lui qu’ils avaient éliminé la (grande) Espagne sur son royaume lors de la Coupe du Monde 2014. Alors, oui, le quadruple champion NBA était plus clinquant que lors du dernier Euro. Mais le constat est froid, glacial, comme la dernière performance française : les Bleus ont mieux joué - ils ont plus partagé la balle - quand les deux arrières alignés d’entrées contre les Etats-Unis ont assuré la gestion des phases offensives. C’était déjà le cas à Montpellier et à Lille avec un De Colo responsabilisé et impeccable dans son rôle de nouveau patron sur le parquet. [caption id="attachment_336245" align="alignright" width="318"] Nando De Colo a encore été le meilleur bleu du tournoi.[/caption] Il n’a étonnement pas eu le même boulot cet été. Sa mission était d’assurer la finition (meilleur marqueur de l’équipe avec 14,7 points par match) tout en déchargeant un peu Parker de la pression à la création. De Colo est capable de briller sans le ballon. Plus que son camarade All-Star, moins adroit de loin. Mais le multiple MVP du CSKA Moscou est encore plus efficace quand il est en charge de la gestion du jeu. Un rôle visiblement impossible à assurer en la présence de son glorieux aîné. Il y avait des choix à faire. Vincent Collet s’est tourné vers son cadre de toujours. Et c’est presque normal. C’est dans la continuité de tout ce qui se fait en équipe de France depuis 2009, date à laquelle il a débarqué sur le banc. C’est ce qui a fait le succès de ce groupe, médaillé à quatre reprises au cours de ses six dernières campagnes. Sans ses cannes d’antan, difficile pour Tony de défendre avec constance sur les meilleurs extérieurs adverses, surtout lorsqu’il a aussi la tâche de marquer des points. Au bout du compte, les Français auront été baladés par les arrières adverses - Patty Mills, Milos Teodosic, Ricky Rubio - tout au long du tournoi, piégés sur les pick&roll et incapables d’imposer une pression accrue sur les porteurs de balles.

Et si Tony Parker avait joué sixième homme ?

[caption id="attachment_334721" align="alignleft" width="318"] Sortir Parker du cinq, une mission impossible.[/caption] Il est facile de disserter les échecs après coup. Peut-être aurait-il fallu oser placer Tony Parker dans un rôle de sixième homme - un poste que les San Antonio Spurs envisageaient de lui confier avant de se rabattre sur Manu Ginobili, plus enclin à sortir du cinq majeur, il y a quelques saisons. La France aurait pu s’appuyer sur le backcourt De Colo / Heurtel tout en alignant un second cinq à vocation défensive, avec Charles Kahudi et Mickael Gelabale, tout en laissant Parker prendre feu dans les seconds quarts temps face à une adversité réduite et surtout sans que ses errements défensifs s’avèrent trop pénalisants. Mais difficile d’imaginer les conséquences psychologiques - auprès des adversaires mais aussi au sein du groupe - d’un tel changement radical. Parker a les clés de cette équipe depuis plusieurs années maintenant et, même après son dernier Euro raté, Collet reconnaissait que faire jouer les cadres « historiques » contre l’Espagne - en demie donc - était peut-être une erreur qu’il aurait de tout façon refaite si c’était à refaire. Une manière de dire que le respect des anciens prévaut, dans certains moments clés, sur la réalité du parquet. Il a eu l’occasion de refaire cette erreur. Et il a effectivement adopté la même stratégie. Cibler autant le plus grand basketteur tricolore ou même le coach qui a eu le plus de succès dans l’histoire récente de l’EDF ne doit pas faire oublier pour autant les autres zones d’ombre. Parker a réalisé un bon tournoi sur le plan individuel - 13,2 points à 51%. Cette compétition, c’était principalement la sienne. Celle de sa tournée d’adieu avec l’ambition de prendre une plaisir et, si possible, l’espoir de ramener une médaille sans que cela soit un objectif majeur selon ses propres mots. Les Bleus n’étaient pas autant en mission qu’ils ont pu l’être et cela a pu se sentir sur le parquet. Les efforts affichés n’étaient tout simplement pas les mêmes que ceux déployés par les Espagnols ou les Australiens à chaque match disputé à la Carioca Arena. [superquote pos="d"]Une génération fantastique qui nous a fait vibrer[/superquote]On peut s’interroger sur le très faible temps de jeu accordé à Kahudi (10 minutes), spécialiste défensif en pleine progression depuis deux ans, alors que l’équipe prenait l’eau lorsqu’il s’agissait de contenir les attaquants adverses au-delà de l’arc à trois-points. Les Bleus ont inscrit 9 points de plus que leurs adversaires en moyenne quand l’ailier de l’ASVEL était sur le parquet. On peut aussi se pencher sur le cas de Batum, attendu au tournant et encore une fois décevant. Le joueur des Hornets s’est justifié en mettant en avant l’adaptation nécessaire avec un « rôle complètement différent » du sien en club tout en rappelant qu’il « mettait son ego de côté » pour faire « ce qu’on lui demande ». Jusqu’aux dernières nouvelles, Collet a toujours demandé à ses hommes d’être agressifs, de jouer avec un sentiment de révolte et surtout de rester concentrés pendant quarante minutes. Des aspects qui ont fait défaut aux tricolores à Rio. Mais, histoire de terminer une note positive au moins sur le papier à défaut de l’avoir fait sur le terrain, il est important de rappeler à quel point ce groupe nous a fait vibrer depuis tant d’années. Si nous avions des attentes, c’est d’abord parce que Parker, Piétrus et tous leurs collègues ont su remettre la France sur la carte du basket à une époque où elle en était effacée. Ils ont construit cette équipe. Ils lui ont donné des identités et inculqué des valeurs. Si le but de ce tournoi était de ne pas oublier, alors n’oublions pas. N’oublions pas que les Bleus n’en seraient pas là sans eux. Que, même s’il est temps de tourner la page, leur histoire est la plus belle de celle connue par le basket dans notre pays. Ils ont développé notre sport favori tout en s’accomplissant en tant qu’Homme. Ils ont donné de leur temps, de leur énergie chaque été, parfois après avoir joué plus de cent matches en l’espace de quelques mois. Ils nous ont appris à y croire. Le revers de la médaille, ou de l’absence de médaille, c’est que l’on a appris du même coup à être déçu. A rêver grand avant de redescendre sur terre. Mais, grâce à eux, nous avons vibré. Et pour tout ça, on ne peut dire qu’un grand MERCI.
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