Le game 1 des Finales de l’intérieur, c’était comment ?

Jean-Sébastien Blondel a pu vivre l'expérience d'un match des Finales NBA en tant que journaliste accrédité. Il nous raconte cette aventure de l'intérieur.

Le game 1 des Finales de l’intérieur, c’était comment ?
La petite remorque improvisée à l’arrière de la Scotiabank Arena ne paie pas de mine. On l’oublie très vite, mais c’est le passage obligé des journalistes accrédités pour couvrir les Finales NBA. Quelques tables, quelques ordinateurs portables, 3 ou 4 employés de la ligue, et beaucoup de lanières « 2019 NBA Finals » attendent les médias du monde entier. L’essentiel du travail a évidemment été fait en amont. Dans mon cas, la ligue a même été assez souple, assez réactive et, disons-le, assez généreuse pour passer outre le retard de ma demande d’accréditation (la date limite était le 22 mai, je me suis réveillé le 27…) pour m’accorder tout de même le précieux sésame. Un sésame, à ma grande surprise, accompagné de petits cadeaux divers. Me voici donc, trois heures avant le début du match 1, accréditation pour les deux premiers matchs autour du cou, prêt à vivre de l’intérieur la folie du premier match des Finales NBA jamais joué en dehors des frontières états-uniennes. La zone des médias est une vraie fourmilière. Plus petite que lors de ma dernière expérience de ce genre, au Final Four NCAA 2015, qui, il faut le rappeler, se déroulait dans un immense stade NFL. Les places assises aux postes de travail sont chères, mais nous avons chacun une place réservée dans les hauteurs de la salle pour voir le match. « Les Éditions REVERSE », que je représente évidemment, sont placées à côté du journaliste de La Presse, un quotidien montréalais. Le monde est petit : j’ai hâte de rencontrer mon compatriote d’adoption. En attendant, je continue mon repérage. L’élément central de la zone médias, bien entendu, est la zone où se tiendront les conférences de presse. Une douzaine de rangées d’une douzaine de chaises, un podium. C'est ici qu’à 19h15 les deux coaches, Nick Nurse et Steve Kerr, viendront tour à tour répondre aux questions d’avant-match. Puis qu’à 20h, le grand patron de la ligue, Adam Silver, profitera de cette première présence canadienne en finale pour faire le point sur le succès international de la NBA. Mais l’animation d’avant-match ne se limite pas aux conférences de presse.

Un bruit reconnaissable entre tous : Stephen A. Smith

Sur et autour du terrain, les émissions de télévision sont en plein travail. Pendant que Jordan Bell et Fred VanVleet tentent tant bien que mal, chacun de leur côté, de faire abstraction de la folie qui les entoure pour prendre quelques tirs et que l’équipe son de la salle fait ses derniers préparatifs pour les hymnes nationaux, d’anciens (Jerome Williams) et d’actuels (Jamal Murray et Nik Stauskas) joueurs NBA se retrouvent, des personnalités télévisées (Mike Wilbon, Jeff Van Gundy et Mark Jackson) échangent des plaisanteries, et l’attention de tout ce beau monde est soudainement attirée par un bruit agressif mais reconnaissable entre tous : Stephen A. Smith vient de se lancer, face caméra, dans un de ses fameux moments d’hystérie. Smith et ses confrères doivent faire vite : 90 minutes avant le début du match, les médias doivent évacuer la zone de jeu pour laisser les équipes s’échauffer. La conférence de presse d’Adam Silver terminée, l’agitation recommence. Juste le temps de prendre un Coca ou un café. Ou d’ingurgiter une part de pizza (tout cela, bien entendu, gracieusement offert par la NBA), et tout le monde se précipite vers les ascenseurs surchargés qui doivent nous emmener à notre mirador, où l’orgie continue. Cette fois-ci à base de popcorn. Mon confrère montréalais a visiblement choisi de regarder le match ailleurs qu’à la place qui lui est assignée. Mes voisins sont donc des locaux, employés par deux chaînes torontoises d’information. Difficile d’être plus loin du terrain, mais ça ne nous empêche absolument pas de profiter pleinement du match, et surtout du volume assourdissant des grognements de plaisir des 20 000 fans des Raptors, de plus en plus bruyants au fur et à mesure du match.

"Ça prend des longues douches, ces athlètes-là"

C’est quand le match se termine que le travail des journalistes commence, ou presque. Impossible d’être partout, il faut choisir : le vestiaire des Warriors, pas habitués à se faire malmener dans un game 1 ? Celui des Raptors, impressionnants de solidité pour leur première apparition en Finales NBA ? Pour qui n’a pas l’intention de poser des questions, les conférences de presse, au final, n’ont pas grand intérêt : dans les minutes qui suivent le passage de chaque joueur, la NBA compile questions et réponses et envoie automatiquement le tout à tous les journalistes accrédités. Je choisis le vestiaire gagnant, m’imaginant inconsciemment y trouver une certaine effervescence. Raté. Tous les joueurs sont dans la douche. « Ça prend des longues douches, ces athlètes-là », finit par s’impatienter une ‘collègue’ derrière moi. Mais peut-on vraiment leur en vouloir? Un vestiaire n’est-il pas censé être un lieu d’intimité, le refuge où des coéquipiers partagent des moments privilégiés ? Pendant qu’une bonne vingtaine de médias attendent l’arrivée devant leurs caméras et sous leurs micros de Kyle Lowry, Danny Green se change en silence. Jodie Meeks finit de s’habiller, et Kawhi Leonard passe en coup de vent.

Des fans fêtent encore la victoire quelques heures après

Dans le vestiaire des Warriors, la scène est essentiellement la même. La plupart des journalistes sont déjà partis, et quelques joueurs se changent en silence. Si je n’avais pas su qui avait gagné, je n’aurais pas pu le deviner en visitant les vestiaires. Les joueurs sont tellement blasés par l’intrusion des médias qu’ils semblent se fermer complètement en leur présence. À leur place, je ferais probablement la même chose. Dans les couloirs, joueurs, coaches et journalistes discutent. Formellement ou informellement. Certains (comme Steve Kerr ou Kawhi Leonard) sur le chemin de la salle de conférence de presse, d’autres attendant tout simplement le départ. Sur et autour du terrain, à nouveau accessible aux médias, l’énergie est radicalement différente de l’avant-match. Certaines équipes de télé tiennent leur briefing d’après-match (on reconnaît notamment Kelena Azubuike, l’ancien joueur des Warriors aujourd’hui analyste pour leur chaîne locale) pendant que le staff de la Scotiabank Arena s’affaire à nettoyer déchets et confettis. Dehors, des centaines de fans sont encore en train de fêter la victoire des leurs. Toronto se souviendra longtemps du premier match de Finales NBA de son histoire. Pour les joueurs, les coaches et les journalistes, c’est « business as usual ». Place au game 2.