De champions à l’humiliation : comment les Lakers ont sombré en quelques mois

Tentative de compréhension d'un parcours complètement raté pour les Los Angeles Lakers, champions en titre éliminés dès le premier tour.

De champions à l’humiliation : comment les Lakers ont sombré en quelques mois
Dans toute la riche et longue Histoire de la NBA, seules sept équipes ont été éliminées au premier tour des playoffs après avoir décroché le titre la saison précédente. Sept depuis la nuit de jeudi à vendredi, avec la sortie de route prématurée des Los Angeles Lakers, finalement battus en six manches par les Phoenix Suns. Dans toute la riche et longue carrière de LeBron James, jamais il n’avait perdu si tôt dans la compétition. Jamais jusqu’à hier soir, avec donc ce premier revers au premier round. Les circonstances atténuantes ont beau être nombreuses et non négligeables, ces deux constats chiffrés soulignent l’évidence : cette saison est un échec pour les mauves et ors. La logique « du titre ou rien » est facile mais pas complètement vraie pour une équipe championne. L’objectif étant évidemment de défendre son dû. Sauf que faire le doublé est une tâche bien périlleuse. Depuis l’an 2000, seulement trois formations y sont parvenus : les Lakers de Shaquille O’Neal et Kobe Bryant, le Miami Heat, avec justement LBJ, puis les Golden State Warriors de Kevin Durant et Stephen Curry. Des franchises drivées par plusieurs Hall Of Famers à chaque fois. Répéter un exploit déjà herculéen ne devrait pas être le baromètre d’une saison. Si les Angelenos étaient sortis en finales de Conférence, les armes à la main, l’impression dégagée serait évidemment bien différente du sentiment amer qui nous envahit en se plongeant sur le parcours raccourci des héros de la bulle Disney. Huit mois après le sacre, la claque est violente. CQFR : Phoenix sort les Lakers avec un Booker magique, Denver achève Portland !

Les blessures, facteur numéro d'un échec cuisant

Le premier réflexe, après un échec, c’est de trouver des explications. Qui se confondent parfois – souvent – avec des excuses.  Et pour les Lakers, pas besoin de chercher bien loin. Dès les premiers mots échangés en conférence de presse, Anthony Davis insistait sur le fait que « les blessures ont joué un rôle très important. »
« C’était différent cette saison. On n’a jamais vraiment pu présenter notre produit fini. On avait les pièces. Mais on ne pouvait pas rester en bonne santé. Et ça commence avec moi », notait l’intérieur All-Star. Même refrain chez LeBron James : « Tout ce qui compte pour moi maintenant, c’est que l’on revienne en bonne santé. Mon vrai problème, [ce n’est pas d’être sorti au premier tour] c’est de ne pas avoir pu être en pleine possession de mes moyens sur la série. (…) Si AD ne se blesse pas, je pense que nous avons toutes nos chances de gagner l’an prochain. »
Ils ont effectivement des raisons tout à fait légitimes de penser que leurs pépins physiques étaient la principale cause de cette élimination inattendue. Soixante-douze jours seulement se sont écoulés entre le titre fêté dans l’un des restaurants de la bulle et le premier match de la saison suivante. Une intersaison historiquement courte qui a évidemment laissé des traces. Après tout le Heat, l’autre finaliste, est aussi sorti au premier tour tout en paraissant complètement à bout. James et Davis ont manqué soixante-trois matches à eux deux cette saison. C’est énorme. Vingt-sept pour le premier, trente-six pour le second. Des blessures pénibles à la cheville et au tendon d’Achille (puis à l’aine pour AD). Des longues périodes de convalescence qui ont fait dérailler les champions en titre. Ils occupaient la deuxième place de la Conférence Ouest au moment de perdre une première fois leur intérieur. Une deuxième place finalement récupérée par les Suns, leurs adversaires sur ce premier tour. Des Suns qui, en parlant de blessures, ont pu compter sur un Chris Paul fortement diminué. Sans doute plus que n’importe quel autre joueur hormis Anthony Davis. Il s’est fait mal à l’épaule dans le Game 1 et ne s’en est pas vraiment remis par la suite. Des Suns qui découvraient les playoffs pour la très large majorité de l’effectif. Cette équipe de Phoenix était plus forte que celle de Los Angeles diminuée. Mais elle n’était pas invincible pour autant. Pas dénuée de lacunes. Il n’y a pas si longtemps, James menait des rosters encore plus casse-gueule quasiment tout en haut. Clairement, il ne semblait pas à 100% sur cette série, comme il avait pris soin de l’annoncer au préalable. Moins explosif sur ses déplacements, moins tranchant et donc moins dominant. Mais perdre trois matches de suite, dont deux blowouts, dépasse le cadre du simple problème de santé.

Les Lakers, des erreurs de casting

L’ironie, c’est que les dirigeants hollywoodiens s’étaient préparés pour une saison difficile. Avec un temps de repos si court, ils savaient qu’il fallait trouver des alternatives pour offrir aux deux superstars des moments pour souffler de décembre à mai. C’est pourquoi ils ont fait venir Dennis Schröder et Montrezl Harrell. Le raisonnement faisait sens. Mais dès le départ, nous avons émis un doute. Un doute sur le choix des individus et surtout sur les sacrifices que représentaient leurs arrivées. Les Lakers ont troqué le leadership et la science de Rajon Rondo pour Schröder. Mais aussi le sens du devoir de Dwight Howard (incroyable d’écrire ça) pour Harrell. Sur le papier, ce sont effectivement deux renforts du le plan offensif. Ce qui était d’ailleurs recherché. Mais Pelinka et ses assistants ont peut-être trop fait attention aux jeux et pas assez aux caractères. Quelques jours seulement après son arrivée, l’Allemand clamait déjà qu’il avait négocié à l’avance sa place de titulaire sous peine de refuser son transfert pour L.A. Il a ensuite refusé deux extensions : 34 millions sur deux ans et 84 millions sur quatre. En signalant au passage qu’il voulait rester sur place mais « au bon prix. » Une démarche logique pour un athlète qui gère une carrière avant tout individuelle – les carrières le sont, ne l’oublions pas ! Mais il s’est clairement mal évalué et cette attitude créait déjà un décalage. Les revendications étaient claires. Les performances, en revanche, n’ont pas été à la hauteur. Il a fini les playoffs avec 14 points de moyenne, 40% aux tirs et moins de 3 passes. Avec un zéro pointé dans le Game 5. C’est à se demander si ça vaut le coup de le conserver maintenant qu’il va tester le marché. Harrell ne s’est jamais vraiment intégré aux Lakers. Il jouait beaucoup pendant la saison régulière avant de disparaître de la rotation en playoffs – ce qui semblait tout à fait prévisible vu ses nombreuses lacunes défensives. Sauf que lui, contrairement à Howard ou JaVale McGee l’an dernier, acceptait mal le fait d’être laissé sur la touche. Et il n’hésitait pas à partager sur les réseaux sociaux toute sa frustration au sujet des choix de son coach. Ça peut paraître anodin mais le comportement des deux joueurs illustrent le changement d’atmosphère au sein du groupe, si soudé dans la bulle, et pourtant si fragile devant l’adversité cette saison.

Des limites tactiques

Les Californiens ont aussi rameuté un Marc Gasol complètement cuit. Encore un nom. Mais il y avait effectivement l’espoir qu’il puisse retrouver de l’envie et de la motivation en rejoignant une équipe taillée pour le titre. Peut-être qu’à ce stade de sa carrière, l’Espagnol a surtout besoin d’une bande de potes où il peut partager un esprit de camaraderie. Alors que là, ses premières semaines ont été marquées par un échange – amical et absolument pas important mais tout de même significatif – avec James par presse interposée où chacun montrait finalement que leur conception du basket n’était pas aussi proche que ce que l’on pourrait le penser. Même s’il a fini par se glisser dans la peau du soldat valeureux, l’ancien All-Star n’a pas non plus particulièrement apprécié d’être parfois relégué au second plan. Autrement dit, sur le banc. Tout ça parce que les Lakers ont pris la décision de signer Andre Drummond. « Dre » est arrivé en cours de saison pour un salaire minimum. Pour certains, ce n’est pas une prise de risque parce qu’il y – a priori – rien à perdre à le tester, surtout en l’absence de LeBron James et Anthony Davis. Mais si ! Faire venir Drummond, c’est déjà l’obligation de lui donner des minutes pour le satisfaire. Ce que les Lakers ont fait. La franchise espère le prolonger et l’intégrer dans le projet. Alors, il faut le combler. Le faire démarrer les rencontres. L’aligner au moins 20 minutes. Déjà, ça n’a plu à Gasol. Même Kyle Kuzma militait pour la présence de l’ancien Grizzlies dans le cinq majeur. Ensuite, c’est à se demander pourquoi les Angelenos se sont autant entêtés à trouver des Big Men plutôt que de jouer sur leur meilleure carte : le small ball. C’est la défense et le cinq mobile avec Davis en pivot qui leur ont offert leur dix-septième bannière. Plutôt que de chercher des shooteurs et des défenseurs polyvalents, ils ont misé sur plein de grands. Pour au final, un seul match-up : celui (hypothétique) avec Nikola Jokic. Rudy Gobert souffre plus du small qu’il n’inflige de dégâts à une équipe qui mise sur cinq petits. Les autres pivots sont généralement peu dominants dessous, Joel Embiid mis à part. En cas de finales contre les Nets, Drummond n’aurait servi à rien. Peut-être juste à jouer 10 minutes contre DeAndre Jordan. En le signant, les Lakers ont déstabilisé un peu plus un groupe qui manquait déjà de cohésion. Les minutes données au pivot auraient pu servir pour tester des cinq avec Talen Horton-Tucker, qui s’est finalement affirmé comme le troisième meilleur joueur de l’équipe en playoffs. Du temps perdu. Frank Vogel en fera peut-être les frais. Un an après le titre, le coach pourrait déjà perdre son boulot.

LeBron James, un ton en-dessous

[caption id="attachment_582656" align="alignnone" width="1155"] NBA LEBRON JAMES 2601[/caption] Après le Game 5, LeBron James déclarait que ce test à venir – le match de jeudi soir – représentait une occasion de vérifier si l’enjeu « allait tirer le meilleur » de lui-même et de ses coéquipiers. La réponse ? Une défaite de 13 points après avoir compté jusqu’à 17 longueurs de retard dans le dernier quart temps. Une partie débutée par un 45-18 en faveur des Suns. Où était la réaction après avoir pris 30 points dans la figure dans le Game 5 ? Où était l’orgueil des héros et des champions ? Certains avanceront encore une fois la fatigue, et sans doute à raison. Mais c’est sans doute plus profond que ça. James n’a vraiment pas montré son meilleur visage devant un défi qui s’est, pour une fois, avéré trop grand pour lui à ce moment de sa carrière. Il a quitté le parquet 5 minutes avant le buzzer dans le Game 5. Quel exemple pour ses coéquipiers ? Quel message est envoyé là ? Il a quitté le parquet sans serrer la main de ses adversaires dans le Game 6. N’est-ce pas ce dont Isiah Thomas est parfois encore jugé avec dédain aujourd’hui ? Surtout, une fois sur le terrain, il ne faisait parfois plus d’efforts. Il râlait, ne revenait pas en défense. LeBron n’est pas un mauvais leader. Mais ce n’est pas non plus celui qui fédère constamment ses groupes. Il essaye de donner l’image contraire, avec une communication mieux travaillée que quiconque dans le sport professionnel. Mais la vérité, c’est qu’il a souvent eu du mal dans ce rôle. LeBron James y croit-il toujours ? Son comportement sème le doute Aux Cavaliers, il a fallu faire venir Channing Frye pour créer un esprit d’équipe. C’est lui qui a lancé le groupe WhatsApp de l’équipe. C’est lui qui a remis Kevin Love dedans après les nombreuses piques de LBJ. Et c’est même aussi lui qui a parfois tenu Kyrie Irving engagé. Le natif d’Akron sait comment tirer ses camarades vers le haut. Il l’a prouvé lors des finales 2016, qui parlent pour lui. Mais il le fait selon son humeur. Très tôt, on a senti qu’il avait lâché. Parce que lui-même sentait ses propres limites. Les blessures peuvent-elles expliquer à elles seules les layups ratés, les tirs contrés par Jae Crowder ou les moments où Cameron Fucking Payne l’a mis dans le vent sur un drive ? James a 36 ans, il en aura 37 en décembre. Aussi fort soit-il, il décline. Ce n’est pas une insulte. Il part de tellement haut qu’il peut rester au-dessus du lot même en descendant de quelques étages. Mais ce n’est plus le meilleur joueur du monde et, d’une certaine manière, il le sait. Dans la foulée du titre, il avait adoubé Anthony Davis comme le nouveau patron. D’ailleurs, c’était déjà un peu le cas en attaque. Pour la première fois de sa carrière, un joueur avait fini avec plus de points que lui. Le King espérait tranquillement s’assoir sur le siège passager. D’où pour lui sa priorité « s’assurer que le grand soit en bonne santé la saison prochaine. » Les Lakers reviendront fort. James aussi. Mais peut-être que pour la première fois, ça ne suffira plus. Peut-être que ça ne dépend plus tout à fait de lui.