Paul’s Boutique

Nous sommes en janvier 2008. Kevin Garnett et Ray Allen viennent de rejoindre Paul Pierce aux Boston Celtics. Dans quelques mois, ils remporteront le titre, portés par The Truth, logique MVP des Finales NBA.

Paul’s Boutique
Allen peut prendre le tir décisif si l'on travaille pour lui, KG peut dominer la raquette, mais aucun des deux n'est fait pour endosser le costume du « lead scorer » d'un contender. Paul Pierce, lui, est capable, par sa polyvalence, de débloquer les situations dans les moments chauds, quand les matches sont verrouillés. Car ce qu'apporte P-Dub et ce dont Boston a besoin pour aller au bout, c'est du pur scoring, quelle que soit la pression défensive. Ce qui implique forcément par moment, par la nature de son jeu, des choix étranges, des turnovers, de la confusion, avec des situations où il rompt la fluidité de l'attaque pour monopoliser la balle. Et régulièrement des observateurs en concluront qu'il est la faille dans l'armure du Big Three, passant complètement à côté de la vraie nature de cette équipe : Ray Allen et Kevin Garnett sont là pour compenser, par leurs jeux propres et leurs rôles clairement définis, les inconvénients du jeu imprévisible, mais nécessaires pour viser le titre, de Pierce. Car les Celtics iront aussi loin qu'il les emmènera. C'est en ce sens que, malgré tout ce qu'on peut lire, The Truth est toujours le vrai boss des Celtics. Un patron à l'ancienne, même si la petite enseigne de Beantown s'est transformée en machine de guerre pour être compétitive. Et c'est peut-être ce qu'il y a de plus fascinant chez lui.

LET'S TAKE IT BACK TO THE OLD SCHOOL

Comme ces petits boutiquiers qui résistent face aux chaînes d'hypermarchés, Pierce nous offre un voyage dans le temps salvateur. Et pas besoin de shorts moulants comme les Lakers face à Boston pour nous faire visiter les années 1980. The Truth nous ramène à une époque où une star restait toute sa carrière dans une équipe. Alors que toutes les jeunes divas courent derrière le contrat ou veulent quitter le navire dès la moindre difficulté, il s'est démené pour éviter aux siens de sombrer définitivement. Et s'il a émis le souhait de partir si un coéquipier d'impact ne le rejoignait pas, c'est qu'il considérait que cet ultimatum était le seul moyen de sauver SA maison verte. Il nous ramène à une époque où les joueurs avaient de la classe, du style, une putain d'attitude et savaient rendre la saison passionnante. Racé, élégant, P-Dub joue avec émotion, intensité. Son comportement, comme lorsqu'il chambre le public de Detroit début janvier, est à des années lumières de celui ultra-lisse des gendres idéaux que sont Wade ou James. Un James qui ne sort de ses gonds que quand il affronte le 34 des C's. Car entre Detroit et BronBron, il nous ramène encore une fois back in the dayz, à une époque où la NBA fascinait grâce à ses grandes rivalités. Et si l'on nous vend des pseudos duels à chaque fois que LeBron affronte D-Wade, Melo ou KB24, la seule vraie rivalité aujourd'hui en NBA, la seule à ne pas être un outil marketing monté de toutes pièces, est la moins médiatisée : celle qui oppose King James et The Truth, avec en points d'orgue un 43-12-11 de James pour contrer le record en carrière de Pierce (50 pts) en février 2006 ou encore des coups échangés lors d'un match de pré-saison il y a deux ans.
Pierce a autant d'armes offensives dans sa boutique que les Beastie Boys avaient de samples dans Paul's Boutique.
Cette rivalité le prouve, il nous ramène à une époque où il ne fallait pas être un athlète exceptionnel pour être un joueur d'exception. Au milieu des Howard, LeBron, Wade, Bryant ou encore KG, Paul Pierce a quelque chose de désuet. Ni rapide, ni vertical, ni athlétique, il est pourtant l'un des plus gros taffeurs de la ligue. Il nous ramène à une époque où les stars du basket étaient avant tout des putains de basketteurs. S'il n'est pas le plus athlétique des défenseurs, sa compréhension du jeu lui permet de tenir son homme, de couper les lignes de passe, et d'être l'une des rares stars à être performante sur les rotations et aides défensives. Un peu comme l'ancien tenancier de la maison verte, Bird. Mais c'est surtout l'étendue de son jeu d'attaque qui tranche avec la nouvelle génération, plus spécialisée et forte sur deux-trois points. Paul Pierce a autant d'armes offensives dans sa boutique que les Beastie Boys avaient de samples dans Paul's Boutique. Adroit à 3-pts comme à 4-5 mètres où son pull up jumper peut faire des dégâts, il est également très fort en pénétration. Malgré un premier pas quelconque, il arrive à attaquer le cercle à volonté, grâce à un handle et des feintes diaboliques en début de drive, et une capacité incroyable à changer de direction une fois lancé ; ce qui lui vaut d'aller très souvent enquiller ses points sur la ligne des lancers-francs. Ce n'est pas tout : contrairement à la plupart des 2 et 3 de la ligue, il a un jeu exceptionnel poste bas. Bref, The Truth a tout en magasin. Et ça tombe bien. Parce que la seule époque que les fans de la Green Team souhaitent revisiter, c'est celle où leur équipe dominait et engrangeait des titres. Et peu importe si les médias et le grand public n'ont d'yeux que pour Garnett, dont l'arrivée fait à nouveau de Beantown un prétendant sérieux, les fans hardcore de Boston, eux, le savent : le vrai patron, celui qui les guidera quand les matches seront étouffants et ira leur chercher le titre, c'est ce baller à l'ancienne qui aurait pu ne jamais être un Celtic, mais dont le destin est lié à jamais à la maison verte. Car, Big Ticket ou pas, la vérité, c'est que « The Truth » détient toujours les clés de la boutique.