Pourquoi Wembanyama aurait gagné beaucoup plus d’argent il y a 30 ans

Si Wemby avait été drafté en 1994 plutôt qu’en 2024, c’est peu dire qu’il aurait touché le pactole. Le cas Glenn Robinson le prouve.

Pourquoi Wembanyama aurait gagné beaucoup plus d’argent il y a 30 ans

Décrocher 55 millions de dollars alors que l’on vient tout juste de souffler sa vingtième bougie, beaucoup en rêvent. Pour Victor Wembanyama, c’est une réalité. Pourtant, et bien qu’il ne vienne à l’idée de personne de le plaindre, ce dernier aurait pu empocher beaucoup (beaucoup) plus d’argent s’il était né dans les années 90.

Pensez qu’en 1994, le numéro 1 de la draft Glenn Robinson était passé à deux doigts de signer le premier contrat à 100 millions de dollars de l’histoire du sport professionnel (210 millions de dollars actuels), et ce sans avoir participé à un seul match !

L’engouement autour de sa personne avait d’ailleurs été tel qu’il continue de faire sentir 30 ans plus tard.

Retour sur une séquence qui a changé à jamais la NBA.

« Des comme lui, c’est un par génération. Et encore. »

Ça, c’est ce que répétaient en sourdine tous les scouts NBA au sujet de Glenn Robinson dès ses années lycée. Et franchement, au regard de ses performances, il était difficile de leur donner tort.

Né le 10 janvier 1973 à Gary dans l’Indiana (S/O Michael Jackson), si celui que l’on ne surnommait pas encore Big Dog n’a pas débuté avec tous les atouts de son côté (père absent, mère mineure, taux d’homicide de sa ville parmi le plus élevé du pays...), la balle orange lui sauve ensuite la vie.

Élu meilleur lycéen des États-Unis en 1991 (25,6 points, 14,6 rebonds et 3,8 contres de moyenne !), il remporte au poste d’ailier toutes les distinctions individuelles possibles et imaginables (Indiana M. Basketball, McDonald’s All American, MVP de l’US Olympic Festival...). Attendu comme le Messie à l’université de Purdue (il a fait le choix de rester au pays), Glenn Robinson doit malheureusement faire l’impasse sur son année de freshman pour cause de résultats scolaires insuffisants.

Qu’importe, après une saison passée à regarder ses coéquipiers en tribune et bosser ses notes, il confirme tous les espoirs placés en lui en sophomore (24,1 points, 9,2 rebonds), puis déchaîne les enfers en junior en plantant 30,3 points par match (meilleure moyenne de l’année, personne n’a fait mieux depuis) assortis de 11,2 rebonds.

Objet de tous les superlatifs (« homme parmi les enfants » pour reprendre les mots du coach Lefty Driesell), Glenn Robinson décide alors de sauter dans le grand bain de la NBA sans terminer son cursus NCAA.

Habillé le jour de la draft d’un costume doré qui annonce clairement la couleur, malgré une cuvée 1994 plutôt relevée (Jason Kidd et Grant Hill sont également de la partie), les Milwaukee Bucks le sélectionnent comme une évidence en première position, convaincus de réaliser là le coup du siècle.

100 millions sinon rien

Aussi surprenant que cela puisse paraître, à cette époque, aucune règle n’encadre les contrats entre rookies et franchises. La durée, le montant, les primes, les options, les garanties... tout est laissé à la discrétion des intéressés, à la seule condition qu’un accord soit trouvé avant la fin de la saison – si tel n’était pas le cas (fait rarissime), le rookie retente alors sa chance à la prochaine draft comme si de rien n’était.

Tandis que jusqu’au début des années 90, les négociations se déroulent sans accroc, la popularité nouvelle de la NBA couplée à une hausse significative des revenus incitent les futures stars de la NBA (et leurs agents) à se montrer plus gourmands

Réticents à l’idée de s’engager à long terme avant même d’avoir achevé leur plein potentiel (dix ans plus tôt, Michael Jordan avait par exemple accepté un très modeste 6,3 millions de dollars sur sept ans avec les Chicago Bulls), conscients de leur valeur aux yeux d’équipes de bas de tableau pour qui les premiers tours de draft constituent le seul espoir de renouer avec l’élite, ils imposent un nouveau rapport de force.

En 1992, c’est Jim Jackson, cinquième choix de draft, qui n’hésite pas à manquer les 54 premiers matchs de la saison pour faire plier les Dallas Mavericks. En 1993, c’est Shaquille O'Neal qui arrache 17,4 millions de dollars aux Orlando Magic pour quatre ans.

Sûr de son fait, Glenn Robinson débarque ainsi dans le Wisconsin avec un plan bien arrêté : obtenir 100 millions de dollars pour 13 ans. Ni plus, ni moins.

À Milwaukee, c’est la stupeur.

À titre de comparaison, Robinson demande à l’instant T plus que le joueur le mieux payé de la ligue – Larry Johnson, All-Star certifié, 84 millions de dollars sur 12 ans avec les Charlotte Hornets.

Propriétaire des Bucks, Herb Kohl s’emporte en off d’un cinglant « À ce prix-là, autant lui donner la franchise ! »

Le Big Dog n’en démord cependant pas. Déterminé à faire exploser les compteurs, il refuse de participer au training camp, puis zappe carrément les matchs de pré-saison.

Le couteau sous la gorge à moins de trois semaines du début de la saison régulière, les Bucks organise le 17 octobre une improbable conférence de presse au cours de laquelle le staff admet, penaud, que Robinson a décliné une offre à 60 millions de dollars.

L’histoire ne dit pas s’il s’agissait là de lui mettre la pression en le faisant passer aux yeux du grand public pour le grand méchant, mais la stratégie fonctionne. Le 4 novembre 1994, 24 heures avant le premier match officiel des Bucks, les deux parties parachèvent un accord à 68 millions de dollars sur 10 ans.

L’honneur est sauf. La carrière professionnelle de Glenn Robinson est lancée.

La goutte d’eau qui fait déborder le vase

Ces 68 millions de dollars (141 millions en dollars constants !) font toutefois très vite tousser. Bien qu’en deçà des espérances de Robinson, ils demeurent en effet inédits dans le monde du basket dans le monde du sport.

Paniqués, les propriétaires de franchise s’imaginent avec effroi les prochains rookies réitérer des exigences aussi folles. Vexés de voir un type de 21 ans à peine engranger des émoluments dix fois supérieurs aux leurs, les vétérans craignent en sus de voir leurs salaires bloqués par cette inflation galopante – salary cap oblige, plus un rookie gagne, moins il reste d’argent disponible pour ses coéquipiers.

La réaction ne se fait pas attendre : sitôt la saison finie, les propriétaires décrètent une grève patronale du 1er juin au 12 septembre. Complices, les hautes instances de la NBA et le principal syndicat de joueurs, le National Basketball Players Association, laissent faire.

Leur objectif ? Plafonner les contrats des rookies.

La manœuvre fonctionne, et, dès la saison suivante, le Collective Bargaining Agreement (la convention collective qui en NBA régit les rapports entre organisations syndicales et employeurs) fixe un barème des salaires pour les nouvelles recrues – on parle de rookie scale.

Fini les négociations, fini les dramas. Tout est désormais planifié en amont.

Et c’est ainsi que le numéro 1 de la draft de 1995, le pauvre Joe Smith, est sommé d’accepter un tout petit deal à 8,4 millions de dollars de la part des Golden State Warriors – oui, c’est 60 millions de moins que Glenn Robinson.

Trois décennies plus tard, nonobstant moult amendements, ce principe continue de prévaloir.

Pour la faire simple, les 30 joueurs sélectionnés au premier tour de draft se voient offrir des contrats de quatre ans. Les deux premières années dudit contrat sont garanties, les troisième et quatrième années sont optionnelles (l’équipe choisit ou non de poursuivre la collaboration).

Une grille de rémunération s’applique ensuite en fonction des revenus générés par la NBA (plus ces revenus sont importants, plus l’enveloppe allouée aux rookies est importante) et de la position à laquelle le joueur a été choisi (plus un rookie a été choisi haut, plus il gagne d’argent).

Une certaine flexibilité est néanmoins admise. Il est d’une part possible de négocier chaque contrat entre 80% et 120% de la valeur proposée (la majorité des joueurs signent pour 120%), et de l’autre, lors de la quatrième et dernière année, il est possible de renégocier sa rémunération en fonction d’un pourcentage indexé sur les gains de la troisième année (petit twist, plus un joueur a été drafté bas, plus ce pourcentage est haut, ce qui permet en cas de bonnes performances de combler les écarts de salaire avec un joueur drafté plus haut).

Si l’on prend l’exemple de la rémunération à venir des 15 premiers rookies de la dernière loterie, cela donne le tableau ci-dessous (prime à la signature, bonus et avantages inclus).

Bien sûr, pas de quoi verser une larme à la vue des montants proposés, d’autant que le salary cap, et par ricochet la rookie scale, ont drastiquement augmenté depuis Joe Smith (Lebron James a signé pour 18,8 millions de dollars en 2003, Zion Williamson pour 45 millions en 2019...), mais il est acté qu’un joueur NBA ne deviendra vraiment « riche » qu’à compter de son deuxième contrat pro.

Tout ça à cause de Glenn Robinson.

Les Bucks en ont-ils eu pour leur argent ?

Difficile de répondre de manière catégorique.

Auteur d’une première année très correcte (21,9 points, 6,4 rebonds, 2,5 passes), si le titre de Rookie of the year lui est passé sous le nez, deux ans plus tard, Robinson était sélectionné aux Jeux Olympiques d'Atlanta de 1996 avec la Dream Team III (une blessure de dernière minute l’a malencontreusement privé de l’aventure).

All-Star en 2000 et en 2001, brièvement considéré comme MVP de la saison régulière 1998/1999 (1 vote), sur huit saisons passées à Milwaukee, il peut se targuer d’avoir passé la barre des 20 points de moyenne à sept reprises (dont un pic à 23,4 en 1997/1998).

Collectivement en revanche, le bilan est beaucoup plus mitigé. À l’exception de la saison 2000/2001, où, en compagnie de Ray Allen et Sam Cassell, les Bucks se sont hissés en finale de conférence après avoir remporté la Division Centrale (50 victoires, 32 défaites), la franchise n’a jamais réussi à s’extirper du ventre mou de la ligue.

[La faute à son individualisme un peu trop prégnant et son m’en-foutisme en défense ?]

Transféré chez les Atlanta Hawks en 2002, puis chez les Philadelphie Sixers l’année d’après, Robinson a remporté un peu malgré lui le titre avec les San Antonio Spurs en 2005 (9 matchs joués en saison régulière, 3,8 points de moyenne en playoffs).

Miné par les blessures à répétition au genou, il a alors aussitôt pris sa retraite – 20,7 points, 6,1 rebonds, 2,7 passes, 1,2 interception en carrière.

Pas de quoi rougir donc, d’autant plus qu’avec les prolongations de contrat il a cumulé 80 millions de dollars de gains, mais au regard des espoirs suscités onze ans plus tôt, la déception domine : Glenn Robinson n’a clairement pas été le Michael Jordan qu’il aurait dû être.

Preuve en est, les livres d’histoire se souviennent aujourd’hui plus de lui pour ses exploits en dehors des terrains que sur les terrains.

Sources : Purdue Sports, Behind The Buck Pass, Forbes, The Big Lead, NBA Maniacs, We Sport, Sport Next Gen

 

Salut Aurélien,
Il y a une coquille ;)
Sous-titre de l'article : "Si Wemby avait été drafté en 1994 plutôt qu’en 2024,"
fin de la dernière phrase du premier paragraphe : "...plus d’argent s’il était né dans les années 90."
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Article tout simplement contre factuel : non Wenbanyama n'aurait pas gagné plus d aargent si il avait débarqué en NBA en 94 plutôt qu'en 2023.
Certes son premier contrat aurait pu être plus important en quantité de $ total, mais rapporté à l'année, pas du tout.
Et je ne parle même pas de la quantité d'argent amassée sur toute une carrière (toute chose égale par ailleurs) qui démarre en 94 vs 2023.
Un gars comme Cooper Flagg sera probablement milliardaire simplement avec ses salaires NBA à la fin de sa carrière.
Impensable il y a de ça 30 ans (même si on ajuste la valeur des $ à l'inflation).
Donc bravo pour l'article pute à clic et la désinformation pour les esprits les plus naïfs.
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l'article dit-il qu'il aurait gagné plus d'argent sur l'ensemble de sa carrière ? Non.
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Mauvaise journée au boulot?
Moi j'ai bien aimé l'article, je ne connaissais pas l'histoire et j'ai passé un bon moment. Le titre est un peu intense mais rien de bien méchant.

Bonne journée à toi aussi.
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Très bel article, merci!! Perso, j'ai toujours bien aimé le joueur car c'est la première draft que j'avais suivie et en tant qu'ado, javais pris parti pour le numéro 1, devant Kidd et Hill donc. J'ai toujours regretté le manque de hype dont il souffrait par rapport à ses deux compères... Et j'avoue que je ne connaissais pas du tout cette histoire.
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Un vrai joueur des année 90 le big dog, le genre qui shootait peu à 3pts mais pouvait t'en coller 35 juste sur des jump shots à 5 mètres
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