Russell Westbrook : abus de « power »

Russell Westbrook et Kanye West, même combat, même trajectoire folle.

Russell Westbrook : abus de « power »
En signant une deuxième saison de suite en triple-double, Russell Westbrook s'est assuré une place au Panthéon. Mais ce qu'il démontre aujourd'hui sur le terrain, on le pressentait depuis bien longtemps. Voici le portrait que nous avions fait de lui en janvier 2012 dans le numéro 34 de REVERSE, alors qu'il commençait seulement à entrevoir l'étendue de son pouvoir. Russell Westbrook a tout le talent et bientôt tout l’or du monde, seul lui manque encore le pouvoir. Mais sans contrôle, à quoi cela sert-il ? Mais qui est Russell Westbrook ? Le Derrick Rose de l’Ouest ? Un Gilbert Arenas qui pourrait (vraiment) jouer meneur ? Le nouveau Stephon Marbury ? Tiny Archibald version tunée ? Ou un prototype encore jamais vu de combo-guard qui aurait le talent pour être All-Star aussi bien comme meneur que comme deuxième arrière scoreur ? Pour l’instant, personne ne le sait réellement, pas même Russell et c’est ce qui rend sa vie et celle du Thunder si compliquée.

Late Registration

Après tout, c’est assez compréhensible, puisque Russell est un joueur tout neuf. Alors que son partenaire Kevin Durant fait parler depuis le lycée, tout comme Carmelo Anthony, LeBron James, Dwight Howard et la grande majorité des superstars actuelles avec lesquelles Westbrook se sent en concurrence, Russ, lui, est un late bloomer qui cherche encore à trouver ses limites. Et quand on dit late bloomer, c’est un énorme euphémisme. Imaginez un peu, le meneur du Thunder a dû attendre sa troisième année de lycée pour enfin intégrer le cinq majeur de son équipe… et il n’avait encore jamais dunké avant qu’une poussée de croissance tardive ne lui permette d’atteindre sa taille actuelle, 1,91 m, l’été avant sa saison sénior. Incroyable pour un joueur qui terrorise tous les 7 pieds de NBA à l’idée de se faire littéralement afficher par lui et dont Jacques Monclar déclare qu’il est « probablement le plus bel athlète de toute la ligue ». [caption id="attachment_417412" align="alignright" width="300"] Retrouvez notre t-shirt et notre sweatshirt Russell Westrbook dans notre boutique[/caption] A ce prix-là, oubliez la hype virale et les unes de Sports Illustrated, Russell était déjà bien content que UCLA lui propose une bourse pour remplacer Jordan Farmar, tout juste parti tenter sa chance en NBA. A la fac, même chose, coincé derrière Darren Collison, il devait se contenter de jouer les energizers en sortie de banc et assumer des missions principalement défensives. Ses stats durant sa saison freshman parlent d’elles-mêmes : 3,4 points, 0,8 rebond et 0,7 passe. Uglyyyyyy ! Pendant ce temps, OJ Mayo, Michael Beasley et Kevin Love faisaient déjà saliver tous les GM’s NBA alors qu’ils étaient toujours au lycée. D’ailleurs, l’année suivante, c’est bien Love la grande star de UCLA et Russell ne doit qu’à la blessure de Collison de pouvoir enfin intégrer le cinq de départ et commencer à se faire remarquer. Et même là, ce n’est pas en signant « simplement » 12,7 pts, 3,9 rbds et 4,3 pds qu’on peut être garanti de tracer ensuite son chemin jusqu’en NBA et encore moins rêver ouvertement de All-Star Game. Personne ne sait d’ailleurs vraiment si, dans ses propres songes, il s’imaginait alors pouvoir monter si haut. Les scouts devaient lui avoir quand même laissé entendre qu’il avait de bonnes chances d’être appelé tôt le soir de la draft pour qu’il fasse le grand saut, mais personne ne pensait qu’Oklahoma irait le chercher en 4ème position, un spot plus tôt que Kevin Love… Chose rarissime pour un joueur pro, Russell Westbrook n’a jamais autant brillé et dominé que maintenant, en NBA. Quand la plupart de ses collègues devaient faire la transition entre avoir été la star de l’équipe et réussir à se fondre dans un collectif, Russell faisait l’expérience inverse et découvrait, comme tout le monde, que son potentiel était bien plus large que quiconque aurait pu l’imaginer. Une chance énorme, sauf quand on a la « malchance » d’évoluer aux côtés d’un joueur indiscutable du Top 5 All-NBA.

A Beautiful Dark Twisted Fantasy

« Shoote ! Shoote ! », « Vas-y drive, fonce, y’a une brèche là, qu’est-ce que t’attends putain ?! », « Pas besoin de regarder, Kevin va sortir de derrière l’écran dans 3… 2…1… maintenant ! »

Quand on est le meneur titulaire d’une des équipes NBA les plus talentueuses de la ligue, le plus difficile, c’est de faire les bons choix dans le parfait timing, encore et encore, alors que tous les projecteurs sont braqués sur vous et que vos coéquipiers, les fans, les coaches, les médias, votre famille, vos amis, vos voisins ou votre boulangère essayent tous de vous dire quoi faire. Alors imaginez un peu quand les voix qui résonnent le plus fort viennent de l’intérieur de votre boîte crânienne. A voir jouer Russell Westbrook, on a souvent l’impression qu’il est tiraillé de l’intérieur dans 100 directions différentes, comme s’il n’était pas tout seul à l’étage supérieur. Une cacophonie ingérable, surtout quand on a le pied constamment collé au plancher et qu’on déboule dans la raquette avec la densité d’un Hummer et la vitesse d’une Testarossa.

« Parfois, je vais trop vite pour mon propre bien », reconnaît-il lui-même.

« Il faut que j’arrive à choisir les moments où je dois accélérer. Mais je dois rester agressif. »

Si Russell Westbrook était resté plus longtemps à UCLA, il aurait peut-être été amené à méditer sur cette citation d’Alain : « Tout pouvoir sans contrôle rend fou ». Mais au fond, on comprend assez bien le chaos qui habite Russ et le fantasme inavouable qui doit hanter ses nuits. L’an dernier, il a vu Derrick Rose étaler son talent à la face du monde sans le moindre complexe en tirant le meilleur de ses qualités athlétiques hors du commun et récupérer un trophée de MVP au passage. Dans le même temps, lui se faisait allumer aux quatre coins du globe dès qu’il essayait d’en faire autant.

« Russell Westbrook a la vitesse d’un arrière, la puissance d’un ailier fort et le shoot en progression constante d’un ailier. Comme Derrick Rose, il représente cette nouvelle race de créateurs qui sont des athlètes tellement incroyablement doués qu’on croirait qu’ils ont été assemblés en usine », s’ébahit Chris Mannix de Sports Illustrated.

Un simple coup d’œil aux stats des deux joueurs en 2010-11 permet de constater que cette comparaison n’a rien d’une vue de l’esprit.
  • D-Rose : 25 pts à 44,5% + 4,1 rbds + 7,7 pds + 1 steal + 3,4 bps + finale de conférence = MVP.
  • Westbreezy : 21,9 pts à 44,2% + 4,6 rbds + 8,2 pds + 1,9 steal + 3,8 bps + finale de conférence = croqueur sans vergogne.
Avouez que la différence de traitement de ces deux équations a de quoi énerver…