Le plus beau titre des Spurs

Après être passés si proche de remporter le titre la saison dernière, les San Antonio Spurs ont su se relever de la défaite cruelle pour décrocher le plus beau titre de leur histoire.

Le plus beau titre des Spurs
Derrière une grande victoire se cache souvent une défaite. Une douleur. Pour mieux comprendre l’euphorie liée au cinquième titre de l’histoire des San Antonio Spurs, il faut remonter à la source. Pas au premier point de départ – l’arrivée de Tim Duncan – mais à ce qui aurait pu être la fin d’un cycle, la fin d’une équipe. Cette fameuse finale perdue la saison dernière. Ce fameux Game 6. Ce rebond de Chris Bosh. Le regarde de Duncan, cantonné sur le banc au même moment. Ce tir maudit – selon le point de vue – de Ray Allen. Ce même Duncan qui frappe du poing avec rage sur le parquet de l’American Airlines Arena après avoir manqué un tir près du cercle à quelques secondes de la fin du Game 7. Cette défaite cruelle. Et puis la rédemption.
« C’est incroyable. La défaite de la saison passée est désormais effacée », s’exclamait Tim Duncan quelques secondes après la fin du match cette nuit.
La douleur a hanté les joueurs des Spurs. Gregg Popovich n’a cessé d’y repenser tous les jours depuis ce fameux Game 6. Puis la souffrance a laissé place à la motivation, au désir de revanche. Les larmes de peine ont disparu, remplacé par les larmes de joie de Tony Parker, enlacé par ses coéquipiers. La peine s’est effacée et les Texans ont pu savourer leur victoire.

La cinquième symphonie des San Antonio Spurs

On raconte que c’est dans un désir de « saisir le destin à la gorge » que Beethoven a composé la Cinquième Symphonie. Comment ne pas y voir un lien avec ces San Antonio Spurs collection 2013-2014 ? Le titre de la saison passée leur était destiné. Pendant des années, Parker, Duncan, Ginobili, Popovich et consorts ont couru après un nouveau titre. Pendant des années, la presse et les fans les ont considérés comme trop vieux, trop fatigués, trop usés. Mais les Texans se sont maintenus au plus haut niveau. Malgré les désillusions, ils ont continué à parfaire leur collectif pour s’offrir une nouvelle opportunité de remporter une bague. Ce devait être la dernière. La finale 2013 leur semblait promise. L’histoire était belle : Gregg Popovich et Tim Duncan sacrés une dernière fois ensembles avant d’annoncer leur retraite. Ils étaient à 28 secondes du titre. Et le destin en a voulu autrement. Ray Allen est passé par-là. La légende des éperons a croisé la route de celle de LeBron James et du Miami Heat, en route vers l’histoire. La plupart des êtres humains normalement constitués ne se seraient pas remis de sitôt d’une telle défaite.
[superquote pos="d"]"Il fallait que l'on surmonte cette douleur" R.C. Buford[/superquote]« Il fallait que l’on surmonte tout ça. Ce ne serait pas partie tant que nous ne nous serions pas regardés dans une glace. Nous voulions aider Manu, Tim et Tony à gagner encore une fois ici pour les remercier de tous leurs sacrifices et de leur engagement au sein de cette organisation », témoigne R.C. Buford.   « On s’est tous demandé si on pourrait surmonter cette douleur. Tout a changé lors du training camp. « Pop » les a mis au défi. Nous avons affronté la réalité de la saison dernière. Nous avons affrontés la réalité de nos erreurs. Il a empêché les joueurs de se cacher. Nous avons tous reconnus que nous aurions pu mieux faire. Que nous aurions dû mieux faire. Il a repris l’équipe en main pour que ce genre de choses ne se reproduise plus jamais. »
Les San Antonio Spurs ne se sont pas écroulés. Ils sont au sommet de la NBA depuis dix-sept ans. Depuis l’arrivée de Tim Duncan le soir de la draft 1997. Dix-sept saisons consécutives à plus de 50% de victoires. Trois titres étalés sur trois décennies différentes. Et une perpétuelle évolution.

L’une des meilleures équipes de tous les temps

Dans la Cinquième Symphonie, Beethoven voulait « retranscrire la lutte de l’homme sur son destin et le triomphe final. » Il voulait également retranscrire une unité harmonique parfaite. Là encore, on peut y trouver un rapport avec les Spurs. Les hommes de Gregg Popovich se sont remis au travail. Ils sont revenus encore plus forts de cette défaite. Chaque joueur de l’effectif a progressé de Kawhi Leonard, jeune superstar, à Patty Mills en passant par Tiago Splitter et Boris Diaw.
[superquote pos="d"]"Je n'ai jamais vu une équipe jouer aussi bien" Chris Bosh[/superquote]« On a gardé cette défaite en tête, on a travaillé justement sur ces détails, et cette année ça a payé », explique « Babac ».
Le staff texan a profité du training camp pour parfaite encore un peu plus l’attaque en mouvement des Spurs. Sur le terrain, les cinq joueurs ne forment plus qu’une note, qu’un instrument qui pratique un basket fluide, rythmé. La Texas Symphony est née. Toutes les statistiques parlent en faveur de Tony Parker et ses coéquipiers. Ils forment l’attaque la plus efficace de toute la NBA. Leur jeu collectif fait saliver les fans et les compilations à l’honneur des Spurs font le tour de la planète depuis quelques semaines. Ils ont impressionné le public et les joueurs.
« Je n’ai jamais vu une équipe jouer aussi bien », reconnait Chris Bosh, beau joueur.   « Ils étaient simplement plus forts que nous. Ils ont dominé tous les aspects du jeu. C’est pour ça qu’ils sont les champions », ajoute LeBron James.

Une perpétuelle évolution

Il y a 15 ans, un jeune Tim Duncan portait une équipe de vétérans sur le toit du monde. Les San Antonio Spurs décrochaient leur premier titre NBA au cours d’une saison marquée par le lockout. Un titre « tronqué », pour reprendre les termes de Phil Jackson. Duncan avait déjà l’étoffe d’un futur Hall Of Famer mais son équipe ne faisait pas rêver les foules. Les Spurs étaient présentés comme une équipe ennuyeuse et défensive. Et c’est vrai, les hommes de Gregg Popovich s’appuyaient avant tout sur leur défense de fer et sur leurs intérieurs dominants pour faire la différence. Les arrivées successives de Tony Parker et Manu Ginobili ont marqué le début de l’internationalisation de la franchise. Pour un succès toujours aussi impressionnant sur les parquets. Les Spurs ont renversé les New Jersey Nets en 2003 après s’être cassé les dents sur les superstars hollywoodiennes des Los Angeles Lakers les saisons précédentes. En 2005, ils sont venus à bout des Detroit Pistons au terme d’une finale très serrée mais surtout… marquée par les guerres de tranchées entre les deux équipes habitués à ne pas dépasser les 90 points par match. Enfin, en 2007, ils ont vaincu une première fois LeBron James et les Cleveland Cavaliers. 4-0, un sweep. Les Spurs étaient au sommet de leur art. Enfin, c’est ce qu’on pensait. Mais la finale n’a pas passionné les foules. Malgré un basket de plus en plus tourné vers l’attaque, les éperons ne séduisent pas le grand public.
« Heureusement que nos gars n’écoutent jamais ce que les gens disent’ », rappelle R.C. Buford.
Les San Antonio Spurs ont continué à se façonner un nouveau style, plus en adéquation avec le basket moderne. Ils ont même dépassé les standards. Ce sont eux qui fixent les règles. Ce sont les modèles des autres franchises. Ils ont développé un basket total. Gregg Popovich a profité de la saison régulière pour parfaire son système et ses rotations. Les Texans ont tout testé : différents groupes de départ, « small ball », « tall ball », etc, etc. Ils ont atteint les finales avec une envie de revanche, même s’ils s’en sont cachés.
« Cette fois-ci, on ne perdra pas », avait prévenu Tim Duncan.
Il avait vu juste. Les Spurs ne pouvaient pas perdre. Ils ont forcé le destin. Ils ont constitué l’une des plus belles équipes avec l’un des meilleurs coaches et l’un des meilleurs joueurs de l’histoire. La douleur qui a mené à ce cinquième titre était terrible. Mais la victoire n’en est que plus grande. Cette cinquième symphonie, ce cinquième titre, restera sans doute le plus beau de l’histoire de ces San Antonio Spurs.