John Amaechi : “Les homosexuels ne sont pas acceptés dans les sports de haut niveau”

Si Jason Collins est le premier joueur en activité à avoir révélé son homosexualité, John Amaechi reste le premier NBAer avoir fait son coming-out.

BasketSessionPar BasketSession  | Publié  | BasketSession.com / MAGAZINES / Focus
John Amaechi : “Les homosexuels ne sont pas acceptés dans les sports de haut niveau”
Le coming-out de Jason Collins hier a fait énormément de bruit et, de façon générale, a plutôt suscité des réactions positives, que ce soit au sein même de la NBA ou venant du monde de la politique ou du spectacle. Si Collins est devenu, de fait, le premier athlète en activité d'un sport pro collectif aux Etats-Unis à déclarer ouvertement son homosexualité, John Amaechi avait quant à lui ouvert la porte en faisant son coming-out quelques années après la fin de sa carrière. Il y a tout juste trois ans de cela, dans le numéro 25 de REVERSE, nous avions réalisé une enquête sur l'homosexualité dans le basket, dans laquelle John Amechi nous avait accordé une interview. La voici dans son intégralité.

John Amaechi "Man In The Middle"

John Amaechi est le premier joueur NBA à avoir révélé son homosexualité. Même s’il a attendu pour cela d’avoir pris sa retraite, son livre autobiographique « Man in the Middle » a suscité des réactions très vives. Propos recueillis par Syra Sylla  REVERSE : Pourquoi avoir décidé de faire votre coming-out ? JA : Le plus important pour moi était de montrer qu'il ne faut pas avoir peur des homosexuels. Mon coming-out a ouvert les yeux de certaines personnes sur d'énormes clichés stupides. Regardez-moi ! Physiquement, je suis loin de correspondre au stéréotype de l'homosexuel. Je fais un sport assez violent avec pas mal de contacts. En me voyant, les gens sont loin d'imaginer que je puisse être homo. La plupart était surpris de savoir que j’étais gay parce que je suis grand, costaud et noir. Je voulais montrer qu'il n'y avait pas un type d'homosexuel et lancer une réflexion pour que les gens se rendent compte de la stupidité de certaines idées reçues : le fait qu’un homosexuel veuille forcément te faire des avances dans le vestiaire ou qu'un homosexuel soit forcément efféminé. Que les joueurs soient d'accord ou non avec le fait que je sois gay, je m'en fiche. Ce n'est pas mon problème. REVERSE : Pourquoi avoir attendu d’avoir pris votre retraite ? JA : Parce que je ne voulais pas perdre mon job. J’ai travaillé tellement dur pour arriver là où j’étais. Aux Etats-Unis, dans certains états, le fait d'être homosexuel est un critère suffisant pour être licencié. Je ne voulais pas prendre ce risque sachant que j'étais presque sûr que ça me serait appliqué. Ce n’est pas pour rien que les homosexuels ne sont pas inclus dans les sports de haut niveau. Ils ne sont tous simplement pas acceptés. [superquote pos="d"]"Jerry Sloan a été particulièrement horrible avec moi"[/superquote]REVERSE : Vos coéquipiers savaient-ils que vous étiez gay ? JA : Les joueurs et les coaches le savaient dans chaque équipe où j'ai joué. Je ne l'ai jamais dit, mais les gens l'ont su, je ne sais pas comment. Du côté des joueurs, c'est « Don't ask, don't tell ». C’est vite devenu un « secret connu ». On n'en parlait jamais. A Utah, le coach Jerry Sloan ne l'a pas accepté. Je suis passé de 25 à 5 minutes de temps de jeu et je savais que c'était pour ça. Il m'a dit un tas de choses horribles. Il employait des mots très crus et très homophobes que je ne veux pas répéter pour ne pas leur donner de sens, il a été particulièrement horrible avec moi. REVERSE : Mais il le savait parce que vous lui aviez dit ou c’était juste une rumeur ? JA : Je ne lui avais pas dit. Il l'a su, enfin il a écouté les rumeurs. Je ne faisais pas semblant de sortir avec des filles pour faire taire ces rumeurs mais je ne m’affichais pas avec des garçons non plus. Parfois, la suspicion suffit à vous rendre « coupable ». Il m'a traité en tant qu'homosexuel sans savoir si je l'étais vraiment ou non. Si je ne l'avais pas été, ça aurait été la même chose, j’aurais eu le droit au même traitement. REVERSE : Comment le viviez-vous? JA : Ça a été une période très douloureuse parce que j'avais travaillé extrêmement dur pour arriver en NBA, et j'ai tout simplement été exclu. Mais bon, tu l’acceptes ou tu pars. Je me suis souvent demandé si faire mon coming-out ne pourrait pas m’aider. Et j’en venais toujours à la même conclusion : absolument pas ! Ça aurait même été pire. A la fin de ma deuxième saison à Utah, j’en étais presque venu à espérer qu’un journaliste le découvrirait et ferait une déclaration. Mais l’homophobie n’est pas propre au sport. Elle est accentuée dans le sport à cause du contexte, mais c’est quelque chose qui existe partout. Il y a de l’homophobie dans le sport parce qu’il y a de l’homophobie tout court. REVERSE : A la suite de votre coming-out, vous avez reçu des appels ou messages de vos anciens coéquipiers NBA ? JA : Personne ne m'a appelé pour me soutenir ou me féliciter d'avoir eu le courage de le faire. Des gars avec qui je jouais à Penn State m’ont appelé. Doc Rivers et d'autres se sont exprimés dans les médias. De toute façon, je n'avais pas besoin de leur soutien. Ça m'aurait fait plaisir évidemment, mais tout ce dont j'avais besoin, je l'avais auprès de moi. J'ai reçu, et je reçois encore aussi pas mal de messages stupides, mais je les ignore complètement. J'ai continué ma vie en faisant tout ce que j'avais l'habitude de faire avant mon coming-out. REVERSE : Avez-vous reçu le soutien d’autres sportifs homosexuels ? JA : Des gens comme Sheryl Swoopes m'ont soutenu. Les athlètes homosexuels qui n'ont pas fait leur coming-out m'ont montré du soutien, mais sont restés à l'écart parce qu'ils ont ressenti une certaine pression. Ils ne voulaient pas devoir le faire aussi et devenir des porte-paroles. REVERSE : Vous avez joué dans plusieurs pays. Comment vous avez vécu le fait d’être sportif de haut niveau et homosexuel dans chacun de ces pays ? JA : L'Angleterre et la France sont les pays les plus ouverts. En Grèce, c'était très difficile à vivre. C'est un pays très macho. Pourtant, avec son histoire, la Grèce devrait être plus ouverte sur l'homosexualité. Mais c'est le passé. Maintenant, ils sont beaucoup plus fermés sur tout ce qui est différence. Je ne m'affichais vraiment pas là-bas. En France et en Angleterre, c'était plus facile à vivre. Je suis sorti avec un Français pendant un bon moment. Même si on n’en parlait pas, les gens acceptaient le fait que je sois homosexuel et ça ne les dérangeait pas. REVERSE : Après votre coming-out, quelle est la question qu’on vous a le plus souvent posé ? JA : Aaaah la fameuse « Comment ça se passait dans le vestiaire ? ». C'est exactement le genre de stéréotypes qui me révoltent. Cette histoire de peur du vestiaire. Alors tous les blacks sont stupides ? Et les Algériens sont tous des criminels ? Je ne comprends pas, pourquoi les gens pensent qu'un homosexuel est forcément attiré par tous les hommes. Le problème, c'est qu'on nous assimile à des prédateurs. Nous ne sautons pas sur tout ce qui bouge. Un hétérosexuel n'est pas attiré par toutes les femmes. C'est pareil pour un homosexuel. Quand j'étais dans le vestiaire, j'étais au travail. Et j'étais traité en tant que professionnel, pas en tant qu'homosexuel. C'est complètement absurde d'exclure un joueur d'un vestiaire ou des douches sous prétexte qu'il est gay. REVERSE : Que pensez-vous des "Gay Games" ? N’est-ce pas une manière de ghettoïser les homosexuels ? JA : Bien sûr que c'est du communautarisme, mais ont-ils le choix ? Ils ont dû trouver un endroit où ils sont respectés. Un endroit sûr. Il n'y a que cette solution. Retrouvez l'intégralité de notre dossier dans le numéro 25 de REVERSE.
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