Miami Heat : la meilleure équipe de l’histoire au shoot ?

S’il est impossible de déterminer de manière objective quelle équipe a affiché la plus belle attaque all-time, le Miami Heat 2012-13 est la plus efficace au tir de l’histoire de la NBA.

Miami Heat : la meilleure équipe de l’histoire au shoot ?
Cette équipe 2012-13 du Miami Heat est désormais entrée dans l’histoire. Parce qu’elle a remporté le titre et réalisé le back-to-back ; parce qu’elle a été la seule à infliger une défaite en Finales NBA aux magnifiques San Antonio Spurs ; parce qu’elle a réalisé une improbable et historique série de 27 victoires ; parce qu’elle avait à sa tête l’un des tout meilleurs basketteurs à avoir foulé un parquet, et qu’il a réussi un Game 7 ahurissant ; pour plein de raisons, en fait. Mais l’une des principales raisons pour lesquelles il faudra se souvenir de cette team, c’est son incroyable efficacité au tir : le Miami Heat 2012-13 est peut-être bien la meilleure équipe au shoot de tous les temps. C’est en tout cas la plus efficace de l’histoire de la NBA, comme le souligne Tom Haberstroh dans un papier très intéressant sur ESPN. Durant cette saison régulière, le Miami Heat a tourné à 49,6% aux tirs, ce qui en soit est une performance énorme. C’est tout simplement 1,5 point (ça ne paraît pas grand-chose comme ça, mais à ce niveau de compétition quand tout se joue sur des détails, et sur à peu près 80 shoots par match, c’est remarquable) au-dessus de ses poursuivants directs, les San Antonio Spurs et le Oklahoma City Thunder (48,1). Impressionnant donc, mais un peu trompeur puisque ce pourcentage se calcule en faisant le rapport entre shoots réussis et shoots tentés, sans que ne soient distingués les tirs à 2-pts et ceux à 3-pts. En revanche, dès lors qu’on prend en compte le fait que les 3-pts valent un point de plus que les 2-pts (simple évidence, mais les stats ne le prennent pas en compte), alors l’attaque du Miami Heat prend une toute autre dimension. En pondérant le pourcentage en fonction de si le tir est pris derrière la ligne ou pas, le Heat a une ahurissante efficacité de 55,2% à ce que les statisticiens appellent l’effective field goal percentage. Soit tout simplement la meilleure moyenne de l’histoire de la Ligue. Les champions NBA 2012-13 devancent de très peu les Lakers 84-85 et les Suns 2006-07 (55,1% chacun). Derrière le podium, aucune équipe n’arrive à faire mieux que 53,6% (Orlando 2009-10).

Erik Spoelstra, un visionnaire

Et pour ceux qui douteraient encore des qualités de stratège d’Erik Spoelstra, il faut se rappeler que c’est grâce à lui que ce Heat-là est devenu la machine la plus efficace de tous les temps en NBA. Il y a onze mois et quelques, alors que Miami venait de décrocher son premier titre de sa période Tres Amigos, tous les observateurs n’ont pas manqué de souligner que la franchise floridienne avait absolument besoin de recruter un intérieur pour renforcer cette raquette trop juste. Pat Riley (l’homme qui avait un temps hésité à drafter Chris Kaman plutôt que Dwyane Wade car il est convaincu qu’on ne gagne pas de titre sans un intérieur dominant…) le pensait également. Et Brian Windhorst, d’ESPN, rappelait dans un podcast de Grantland, que Spo avait dû le convaincre d’enrôler un shooteur plutôt qu’un big man. Malgré la présence dans l’effectif de Shane Battier, Mike Miller et Mario Chalmers, il avait donc poussé pour recruter Ray Allen. La raison ? La prise de conscience de ce que les Spurs ont compris depuis des années : l’importance du tir à 3-pts, et plus particulièrement de ceux pris dans le corner, dans l’efficacité d’une attaque. Tout d’abord, tout connement, un 3-pts rapporte plus qu’un 2-pts (ouais, fallait y penser…). Ensuite, les 3-pts dans le corner sont plus proches du cercle qu’à n’importe quel autre endroit derrière la ligne. Enfin, ce spot est celui qui étire le mieux la défense, et par conséquent qui libère le plus les couloirs de 1 contre 1 pour les slashers et qui implique les choix les plus difficiles pour le défenseur quant au fait d’aider ou pas face à une attaque qui joue le pick-and-roll. C’est pour cette raison que les Spurs ont depuis des années un spécialiste du tir longue distance planté dans le corner, avec succès.

Le Miami Heat a supplanté San Antonio dans les « corners threes »

C’est également pour cette raison que le Heat a préféré faire venir le meilleur spécialiste de ces tirs plutôt que de blinder une raquette avec un intérieur qui aurait bouffé les couloirs de 1 contre 1 de LeBron James ou Dwyane Wade et donc limité leur efficacité. Et c’est pour cette raison également que l’action dont tout le monde se souviendra est le tir dans ce fameux corner de Ray Allen en fin de Game 6 pour arracher la prolongation, sauver la saison du Heat et éviter qu’on interroge LeBron James sur son 1/3 à 3-pts dans les derniers instants et surtout sur ses deux balles perdues en fin de 4ème quart. Avec ce choix, quelque part inspiré des équipes de Don Nelson ou des Suns de D’Antoni, comme nous l’analysions dans notre dossier de REVERSE #39 sur la manière dont le Heat changeait la donne en termes de jeu avec son basket total et son « pace and space », principe de jeu qui repose sur le rythme et le spacing (théorie à l’origine directe de la volonté de faire venir Ray Allen), le Heat a finalement battu les Spurs à leur propre jeu. San Antonio, le spécialiste ultime depuis 10 ans, a vu son record de 3-pts dans le corner marqués en Finales (24, en 2004-05) être explosé par les Floridiens : alors que SA s’est « contenté » d’en mettre 14, les coéquipiers de LeBron James en ont planté 29, avec un pourcentage de 51,8% (37,5% pour les Spurs) ! Quand vous savez que votre adversaire va en gros tenter à chaque match 10 tirs à 3-pts dans les corners et en planter 5, vous réfléchissez à deux fois avant de venir en aide sur un joueur qui attaque le cercle…

Un Big Three redoutablement efficace

Bien évidemment, on ne devient pas l’équipe la plus efficace au tir avec uniquement des spot-up shooters calés dans les coins du terrain à attendre sagement que la balle leur arrive dans les mains. Le Big Three, qui comptabilise une grande majorité des tirs tentés par l’équipe, a joué un rôle prépondérant. Longtemps critiqué pour son tir et son jeu au poste bas, LeBron James a bossé dur pour progresser, et le taf a payé. Toujours aussi inarrêtable quand il agresse le cercle pour des paniers à haut pourcentage, le King d’Akron a considérablement amélioré sa réussite au tir extérieur (à 4-5 mètres comme derrière la ligne) et dos au cercle. Résultat, il n’a jamais été aussi adroit que cette saison : alors qu’il avait amélioré de plus de 2 pts sa meilleure adresse en atteignant les 53,1% de réussite sur les tirs en 2011-12, il a atteint cette année le total ahurissant de 56,5%. A 3-pts, ses progrès sont tout aussi notables puisqu’il est passé de 36,2% l’an passé (son meilleur pourcentage jusque-là à 40,6%). Si Dwyane Wade n’a toujours pas un tir fiable à longue distance, son jeu de slasher lui permet d’obtenir des paniers à haut pourcentage. Et, entre un léger mieux dans le tir, la présence à ses côtés d’une équipe à plusieurs menaces (puisqu’elle est la plus efficace de l’histoire – argument qui joue pour chaque joueur, mais encore plus valable pour lui, qui a un grand volume de shoot, mais qui est maintenant déchargé de la responsabilité de leader offensif de l’équipe) qui empêche les défenses de se focaliser uniquement sur lui comme il y a quelques années et une meilleure sélection de tirs, Dwyane Wade vient de réaliser sa meilleure saison en termes d’adresse aux field goals, avec 52,1% (il avait atteint une fois les 50%, en 2010-11). Même chose pour Chris Bosh qui a atteint son meilleur pourcentage (53,5%, contre 51,8 en 2009-10) cette saison. Si par ces stats les Tres Amigos contribuent très largement à faire du Miami Heat la machine offensive la plus efficace de l’histoire au tir, ils doivent également ces stats à la stratégie du « pace and space » d’Erik Spoelstra et à sa volonté de recruter des shooteurs extérieurs plutôt que des intérieurs. Très clairement, ces principes de jeu, évoqués plus haut, libèrent les trois stars de Miami de la possibilité systématique de prise à deux et, dans le cas de Dwyane Wade et LeBron James, désengorgent la raquette et leur permet de pouvoir attaquer le cercle sans retrouver sur leur chemin un big man du Heat et son défenseur.

Un supporting cast soigneusement constitué

A ce titre, la signature de Chris Andersen au mois de janvier a tout du coup de génie le moins reconnu de l’année. Très souvent dominé au rebond, le Miami Heat a pu compter avec le Birdman sur un joueur capable de leur apporter 4,1 rbds en un peu moins de 15 minutes par match, ainsi qu’une énergie et une intensité indispensable au pace and space de Spoelstra. Son positionnement en attaque était d’ailleurs symptomatique de cette volonté de ne pas engorger la raquette, de laquelle il était loin en début d’attaque. En outre, c’est un joueur qui tourne en général autour des 55% d’adresse depuis 2005 et cette année il était encore à 57,7% en saison régulière. Mais c’est en playoffs qu’il a vraiment marqué les esprits avec une pointe à 88,9% aux tirs lors des finales de conférence, pour 7,2 pts par match. Au final, sur l’ensemble des playoffs, Chris Andersen a tourné à 80,7% ! Hallucinant et tout simplement le meilleur pourcentage de l’histoire en postseason pour un joueur ayant pris plus de 50 tirs (ce qui correspond quand même à 3851 occurrences), très loin devant les 69,6% en 1987 d’Antoine Carr, second. Bref, pas le genre de remplaçant qu’un coach va hésiter à envoyer sur le terrain par peur de nuire à l’efficacité de son équipe. Et le pendant intérieur idéal à un groupe de substitutes parfaitement construit pour étirer les défenses. Car, hormis Norris Cole, tous les remplaçants majeurs du Heat sont ultra efficaces. Si le jeune meneur a un pourcentage au tir de 42,1% et tout de même un effective field goal (eFG) percentage (le pourcentage prenant en compte le distingo qu’un tir à trois-points rapporte un point de plus qu’un tir à deux points) de 46,2%, les autres ont sont redoutables, même Rashard Lewis (41,4% et 51,6% aux eFG) : Ray Allen (44,9% et 55,5% aux eFG), Mike Miller (43,3% et 59,6% aux eFG) et surtout Shane Battier (42% et 60,8% aux eFG, numéro 1 de l’équipe devant LeBron James et ses 60,3% !) sont des joueurs parfaits pour étirer les défenses. D’ailleurs, après des Finales particulièrement frustrantes passées sur le banc, faisant écho à un Game 7 des finales de conférence où il n’a foulé le parquet que quatre minutes pour cause d’adresse perdue, Shane Battier a comme un symbole réalisé un record de trois-points dans un match 7 des Finales avec 6 banderilles, dont deux plantées du corner. Le meilleure moyen de rappeler pourquoi et comment le Miami Heat 2012-13, s’il s’est inspiré de la manière dont les Spurs ont misé sur le spacing pour laisser un Big Three s’exprimer au mieux au sein d’une attaque productive, est devenue l’attaque la plus efficace au tir de l’histoire de la ligue.