NBA et cannabis, la révolution verte est-elle en marche ?

Et si la NBA devenait la première ligue pro à encourager l’usage du cannabis thérapeutique ?

NBA et cannabis, la révolution verte est-elle en marche ?
Depuis quelques années déjà, la NBA est la ligue de sport US qui vit le plus dans son époque. Le mandat de David Stern avait préparé le terrain. Celui d'Adam Silver, entamé en 2014, pourrait bien briser les barrières les plus tenaces autour de questions majeures de société. La tâche est importante. Les temps sont complexes aux Etats-Unis et on ne bouleverse pas un échiquier comme celui-ci en un clin d'œil. Mais la NBA a au moins le mérite d'être du côté des progressistes. [caption id="attachment_408695" align="alignright" width="298"] Cet article est extrait du numéro 65 de REVERSE[/caption] En 2013, elle avait favorisé le coming-out du premier joueur homosexuel en activité dans le sport américain professionnel, Jason Collins. L'année suivante, une chasse aux propriétaires racistes et discriminants avait débouché sur l'éviction très médiatisée de Donald Sterling, le patron des Los Angeles Clippers, et de Bruce Levenson, celui des Atlanta Hawks. Un an plus tard, la question des violences domestiques s'était trouvée au centre des discussions, alors que la puissante consœur de la NFL était stigmatisée pour son laxisme sur le sujet. En 2016, Silver avait osé délocaliser le All-Star Game de Charlotte quelques mois seulement avant sa tenue parce qu'une loi anti-LGBT avait vu le jour en Caroline du Nord. Puis, là encore en opposition avec la très conservatrice NFL, la NBA avait accompagné et soutenu les joueurs qui souhaitaient exprimer leur colère face aux violences policières et aux discriminations contre la communauté afro-américaine. Si le Commish a émis le souhait que les joueurs ne s'agenouillent pas pendant l'hymne, il les a encouragés à manifester leur intérêt pour la cause. Enfin, la ligue a constamment soutenu ses membres dans leurs critiques féroces contre Donald Trump, notamment le choix des Golden State Warriors de ne pas se rendre à la Maison Blanche pour fêter leur titre comme le voulait la tradition. Aujourd'hui, c'est un sujet différent et potentiellement épineux sur lequel doit se pencher l'institution. Là aussi, l'idée est de se montrer avantgardiste et de composer avec la réalité sociale, tout en prenant des pincettes sur le plan sanitaire. Alors qu'à travers le pays de plus en plus d'états ont assoupli leur posture vis-à-vis du cannabis, des voix s'élèvent pour rendre son utilisation légale en NBA. Prudence toutefois. On parle ici de cannabis à usage strictement thérapeutique. La NBA ne peut pas se permettre, après avoir mis en place un règlement impitoyable pour éliminer le fléau des drogues dures dans les années 80, d'être considérée comme un nirvana pour amateurs de drogues récréatives.
« Beaucoup de gens se servent du cannabis à des fins médicales. Il est temps que les institutions comme la NBA le comprennent. » Jay Williams
La marijuana n'est pas une drogue dure et ses effets sont évidemment sans commune mesure avec les ravages provoqués par la cocaïne, par exemple. On se souvient des carrières tronquées de John Drew ou David Thompson, stars en leur temps, à cause de leur addiction. La NBA reste toutefois précautionneuse avec l'image que doivent renvoyer ses acteurs. On peut d'ores et déjà affirmer qu'aucun joueur n'aura de blanc-seing pour arriver « stone » aux matches ou même avoir une consommation décomplexée en dehors des terrains. Pour l'heure, les sanctions pour les contrevenants sont néanmoins plus de l'ordre de la petite tape sur le poignet que de l'énorme gifle. Ce n'est qu'au bout d'un troisième contrôle positif au cannabis qu'un basketteur est généralement suspendu et jamais pour plus de cinq matches. Un signe que l'instance est consciente de la réalité.

CBD mon amour

En 2016, Jay Williams, l'ancien joueur des Bulls, estimait que plus de 75% des joueurs NBA avaient une consommation ne serait-ce qu'occasionnelle, de cannabis. L'ancien n°2 de la draft avait visé large mais, surtout, avait apporté une nuance importante.

« Énormément de personnes s'en servent à des fins médicales. Il est temps que les institutions comme la NBA le comprennent. Je ne suis pas un drogué. J'utilise juste de l'huile de cannabis contre les inflammations et l'anxiété.

Pendant plus de cinq ans, on m'a soigné à l'Oxycontin. J'y ai été accro. Les médecins vous prescrivent pourtant ça sans aucun problème, alors que le cannabis reste diabolisé », racontait celui qui avait vu sa carrière brisée par un accident de moto en 2003.

Al Harrington, 18 saisons en NBA, est allé plus loin dans la réflexion. Le jeune retraité est devenu entrepreneur dans le business du cannabis et s'est fait l'avocat de cette cause.

« A Denver, je me suis blessé au genou. On m'a opéré et j'ai malheureusement eu une infection. Il m'a fallu quatre opérations supplémentaires juste pour nettoyer l'articulation. J'étais en souffrance. La vicodine ne marchait pas.

On m'a recommandé de me soigner avec le CBD, ça a été un changement incroyable. J'ai pu jouer aussi longtemps grâce à ça et aucun contrôle anti-dopage que j'ai pu passer n'a été positif », raconte Harrington dans le média Uninterrupted.

Mais le CBD, qu'est-ce que c'est au juste ? Petit cours de chimie. Le cannabis est composé de deux substances dominantes, le THC (tétrahydrocannabinol) et le CBD (cannabidiol). Le THC est responsable de l'effet relaxant provoqué par la fumette. En revanche, il a des effets psychoactifs (donc influe sur le comportement, l'humeur, la perception et l'activité mentale), augmente l'appétit et crée fréquemment, à plus ou moins long terme, des problèmes d'ordre neurologique. Tout ce contre quoi les organismes de santé publique mettent en garde à juste titre.
« J'ai développé une addiction aux opioïdes qui s'est poursuivie même après ma retraite. S'il y avait eu la possibilité de se soigner au CBD à l'époque, je n'aurais pas eu à en passer par là. » Bas Rutten
Le second, celui autour duquel Harrington a axé son investissement de 3,5 millions de dollars, n'a pas d'effets psychoactifs, est anti-inflammatoire et réduit la douleur et les nausées. C'est en congelant la plante, en extrayant le fameux CBD et en l'exposant à une forte chaleur, que les exploitants employés par Harrington – l’un des nombreux entrepreneurs qui se sont lancés dans ce secteur luxuriant (7,1 milliards de dollars générés aux Etats-Unis en 2016) – façonnent leur gagne-pain. Il peut être utilisé sous forme d'huile, de pâte, de crème ou de poudre. Une méthode appelée « dabbing » permet aussi l'inhalation de concentré de CBD. L'e-cigarette avec de la vapeur de CBD est par exemple très en vogue chez les combattants MMA, que l'Agence Mondiale Anti-dopage autorise désormais à avoir recours au cannabis thérapeutique. Un substitut évidemment moins problématique que les opioïdes fréquemment ingérés par les free-fighters de haut niveau.

« J'ai développé une addiction aux opioïdes qui s'est poursuivie même après ma retraite. Au début, tu prends une pilule. Puis deux, puis quatre, puis sept, puis dix... Lentement, mais sûrement, tu augmentes la dose et tu n'es plus toi-même.

S'il y avait eu la possibilité de se soigner au CBD à l'époque, je n'aurais pas eu à en passer par là. J'espère que tous les athlètes pourront avoir recours à ça à l'avenir », témoigne l'ancienne star néerlandaise de l'UFC Bas Rutten dans son blog sur Champions.co.

Al Harrington, qui vit dans le Colorado, l'un des états précurseurs en matière de légalisation du cannabis, ne voit que des effets bénéfiques à la consommation de CBD, même si ses proches ont d'abord été interloqués en le voyant se soigner par ce biais.

« Un jour, ma fille m'a un peu pris de court en me demandant pourquoi je prenais ça. J'ai dû lui dire que son papa avait eu une longue carrière et avait beaucoup d'anciennes douleurs et des genoux en mauvais état. Et puis je lui ai montré que son arrière-grand-mère, qui est diabétique, va beaucoup mieux depuis qu'elle se soigne comme ça. »