Nemanja Bjelica, une explosion à retardement

Nemanja Bjelica est l'un des plus grands espoirs européens. Pourtant, l'ailier affiche déjà 25 ans au compteur. Portrait d'un joueur au parcours atypique.

Vincent RicardPar Vincent Ricard  | Publié  | BasketSession.com / MAGAZINES / Focus
Vassilis Spanoulis prolongé par l'Olympiacos, le joueur le plus courtisé d'Europe se nomme désormais Nemanja Bjelica. Un temps approché par le CSKA Moscou d'Ettore Messina, l'ailier fait l'objet d'appels du pied de la part du FC Barcelone et du Fenerbahçe Ulker. Courtisé également par les Timberwolves du Minnesota, le Serbe de 25 ans voit sa cote grimper en flèche et son club, Saski Baskonia, renvoyer tous ses courtisans à sa clause libératoire dépassant le million d'euros. Pourtant, Bjelica ne semble pas encore avoir atteint la moitié de son potentiel maximum. La faute aux blessures et à un parcours chaotique.

Des quartiers de Belgrade aux montagnes autrichiennes

Découvert par le Partizan en 2000, au cours d'un camp de détection, le gamin de Neo Belgrade fait toutes ses gammes chez les noirs et blancs, avant de voir son destin basculer à 17 ans. Passé à tabac sans raison par un groupe de quinze personnes alors qu'il rentre de l'entraînement, il se retrouve sur le flanc quatre mois, la faute à une fracture du coude. La sanction tombe : viré, en compagnie de toute sa génération.
« Ils m'ont dit que je ne serai jamais un basketteur, que je n'avais pas de talent, que personne ne s'intéressait à moi en catégories jeunes. Je ne savais plus quoi faire », expliquait-il sur le site de l'ACB.
De quoi jeter encore un peu plus de discrédit sur la formation au Partizan, où, par delà le potentiel intrinsèque, seule la valeur marchande du joueur revêt un intérêt. Starisé à 14 ans, Nemanja Aleksandrov explosera en plein vol. Même profil, pas la même hype, dans l'indifférence général, Bjelica est lui mis à la porte.
« Beaucoup de mes amis sont retournés dans les rues », lâchait-il en 2010 sur le site de l'EuroCup. « J'ai été oublié, puis j'ai rejoint coach Bogdan Tanjevic à Rimini, un club de seconde division italienne. Mais je ne pouvais pas jouer car ils avaient déjà deux étrangers. Ils m’ont alors envoyé en Autriche, où j’ai joué 2 ans dans un club nommé Arkadia. Je me demandais si les Autrichiens jouaient au basket. La première saison, je n’ai pratiquement pas joué à cause de problèmes de papiers et de visa. Après j’ai bien entamé la saison 2007-08. »
Puis le coup du sort frappe à nouveau : fracture de la jambe, saison terminée. Un mal pour un bien.
« J'ai passé trois mois à Fenerbahçe en rééducation (Tanjevic était alors l'entraîneur, ndlr). Je disais que je ne voulais plus revenir en Serbie, que je voulais retourner en Autriche ou en Allemagne. Tanjevic a insisté pour que j'aille à l'Etoile rouge car Pesic voulait me voir. Finalement, j'y ai fait un essai et ils étaient intéressés. Ils se demandaient comment c'était possible. Pesic disait « bordel, c'est quoi cette histoire ?! ». Personne ne croyait que j'étais un Serbe venu d'Autriche. », racontait-il récemment à MozzartSport.
Le sniper Mario Keselj titulaire à l'aile, il se voit décaler à la mène, lui et ses 2m09, à 20 ans. Le Grobari est devenu un Delije. Même salle. Même fanatisme. Pas le même vestiaire. Plus le même maillot. Appelé pour la première fois en sélection pour l'Eurobasket 2009, Bjelica décroche une médaille d'argent et s'attire les louanges de Jose Manuel Calderon, venu en simple visiteur : « ce Nemanja Bjelica est un miracle, il a un grand talent, une excellente attitude. Il peut beaucoup progresser, je ne lui vois pas de limites ». Un an plus tard, le gamin de Belgrade se fait drafter par Washington et signe un bail longue durée avec Vitoria, pour imiter le parcours de Splitter et Scola.

Bombe à retardement ou éternel espoir ?

Pourtant, au Pays basque, les choses tournent vite au vinaigre. Prises de bec avec l’entraîneur, blessures, entrées en jeu décevantes, il se retrouve bloqué au bout du banc et doit se battre pour sauver ses cinq minutes de temps de jeu.
« Honnêtement, même si j'avais bien joué la première année, ça n'aurait pas été suffisant », confesse-t-il aujourd'hui. « Le club a son propre système de fonctionnement où de jeunes joueurs talentueux signent des contrats longue durée. Dusko Ivanovic a peut-être passé dix ans à Vitoria, et tout le monde sait qu'avec lui, aucun joueur, pas même Mirza Teletovic ou Stanko Barac, n'a immédiatement sa chance. »
Finalement, Ivanovic se décide à lui lâcher la bride et le laisse gambader sur les parquets espagnols en fin de saison 2011-12, après une première partie d'exercice marquée par une élimination prématurée en Euroligue. Nemanja Bjelica en profite alors pour faire montre de toutes ses qualités : vision du jeu, handle de folie malgré sa taille, capacité à tirer à très longue distance, premier pas surprenant. Le Serbe est un vrai Point Forward. Avec tous les défauts qui vont avec. Trop lent pour jouer en 3, trop mou pour tenir face à des intérieurs physiques, d'une nonchalance presque insolente, l'ailier est surtout une tanche en défense. Enfin fixé au poste d'ailier-fort cette saison, le bonhomme a prouvé qu'il pouvait être efficace au moment de protéger le cercle grâce à sa grande carcasse. Rebonds, interceptions, contres, Bjelica sait faire; non sans s'être au préalable fait remonter les bretelles par Ivanovic puis Zan Tabak.
« L'évolution de Nemanja est lente mais certaine. Même s'il a moins joué avec Zan Tabak, il a progressé en défense et fait de meilleurs choix dans ses sélections de shoots ou départs en un-contre-un. Il a ce petit quelque chose en plus, il sort vraiment du lot. Même s'il n'a pas cette rage qu'il avait à l'Etoile rouge, on parle là d'un ailier qui n'a pas encore montré le meilleur de lui-même. Saski Baskonia en est conscient et ne le laissera pas partir sans avoir une indemnité », nous déclarait à son sujet Mario Gómez Fernández de solobasket.com.
Récemment prolongé avec une clause libératoire revue à la baisse, il ne devrait toutefois plus évoluer sous les couleurs de Saski Baskonia la saison prochaine. De là à le voir traverser l'Atlantique ? Pas encore.
« Un jour, j'irai en NBA. Mais je veux d'abord laisser une marque en Europe. Gagner quelque chose ici. Après cela, je penserai à aller en Amérique. »
Les voilà prévenus.
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