Jeremy Lin : « J’espère devenir plus sage et plus intelligent »

Lin a laissé derrière lui la Linsanity. Il veut maintenant se réinventer à Houston où il a retrouvé la sérénité.

Jeremy Lin n'est pas un joueur comme les autres. Il pourra toujours essayer de se fondre dans la masse, mais sa trajectoire restera unique dans l'histoire du basket. Pourtant, il n'a connu qu'un mois de gloire avec les Knicks, devenant l'idole du Madison Square Garden en enchaînant les coups d'éclats d'une manière aussi étincelante qu'éphémère. Transféré à Houston cet été, il a retrouvé une vie de basketteur un peu plus normale que celle qu'il avait à Big Apple où il était devenu l'objet de toutes attentions et de toutes les curiosités. Le meneur des Rockets s'est confié à Yahoo ! Sports et il est revenu sur la fameuse Linsanity, durant laquelle il s'est révélé aux yeux du monde entier. Une période aussi courte qu'intense qui aura marqué le jeune joueur, pas mécontent que l'engouement médiatique à son sujet ait fini par s'essoufler.
« J’avais peur d’être au centre des attentions. J’avais peur d’être sous le feu des projecteurs », se souvient-il. « Et je ne parle pas de ce qui se passe sur le terrain. J’ai été sous le choc quand tout ça est arrivé. J’ai été surpris. Je me suis dit que ça allait trop vite. Avec le temps, je m’y suis habitué. J’étais plus averti et donc en mesure de mieux appréhender tout ça. J’ai pu m’ouvrir davantage. »
Tout est allé tellement vite que le jeune homme a parfois eu du mal à garder les pieds sur terre.
« C’est comme si ça paraissait trop beau pour être vrai. Le coach se préoccupait de comment j’aimais jouer. Il m’envoyait même des messages durant les jours de repos pour voir comment j’allais. Tout ce genre de choses qui font que c’était trop beau pour être vrai. »
Passé du statut d'inconnu à celui de superstar sur laquelle toute les fans comptaient pour redresser une équipe en perdition, Lin a difficilement réussi à maîtriser sa nouvelle notoriété. Et si son ascension fulgurante lui a permis de faire son trou en NBA, elle lui a aussi montré immédiatement le revers de la médaille. Sollicité de toutes parts, l'ancien pensionnaire d'Harvard, contraint de dormir sur le canapé de son coéquipier Landry Fields quelques semaines plus tôt, était devenu le chouchou des médias mais également la poule aux oeufs d'or d'un entourage pas toujours bien intentionné. Une situation qui l'a contraint à prendre du recul et à s'isoler.
« J’étais dans ma bulle pendant quelques mois à New York. Je suis passé par une phase où je ne voulais plus parler à personne. Je n’avais plus envie de parler à mes amis. Je ne voulais pas donner l’opportunité à mes proches de gâcher notre relation. J’ai vu comment la publicité et la notoriété ont changé certaines personnes autour de moi et comment la façon dont les gens me regardaient avait aussi changé. J’ai détesté ça. »[superquote pos="d"]« Je ne laisserai aucun ami devenir un fan. » Jeremy Lin[/superquote]
Forcé de faire le tri parmi ses proches, Jeremy Lin est aujourd'hui plus méfiant, conscient que l'argent et la célébrité faussent les relations dans le monde impitoyable de la NBA.
« Maintenant, je suis arrivé à un point où, quand je rencontre quelqu’un, je regarde sa réaction. S’il en fait trop, je brandis le drapeau rouge. Je ne laisserai aucun de mes amis devenir un fan. Pour moi, vous êtes un ami ou un fan. Ça ne veut pas dire que mes amis ne peuvent pas m’encourager, car ils le font tous. Mais ils ne peuvent pas me traiter différemment des autres. Aucun de mes amis ne m’admire. »
Et s'il doit prendre ses distances avec ceux qui voudraient profiter de sa réussite, il sait également que son profil atypique de joueur asiatique, un peu frêle et au Q.I. certainement plus élevé que la moyenne générale des joueurs NBA, ont toujours fait de lui un joueur à part. Anonyme à Golden State, puis élevé au rang de phénomène pendant la Linsanity, Lin estime qu'il est désormais attendu par ses adversaires qui analysent ses forces et ses faiblesses pour mieux le contrer.
« J’ai toujours été une cible. Tout le monde me regarde et se dit : 'Je ne vais pas laisser ce gamin asiatique m’embarrasser. Je vais lui montrer'. Ça a été comme ça toute ma vie. Mais c’est différent maintenant. Je suis sur les rapports des scouts. Les gens ont commencé à faire attention à ce que je pouvais ou ce que je ne pouvais pas faire. »
Les équipes adverses savent désormais à quoi s'attendre et celui qui surprenait ses adeversaires va devoir faire évoluer son jeu s'il veut confirmer que ses performances avec les Knicks n'étaient pas qu'un feu de paille. Après un départ houleux de New York et des débuts délicats avec Houston, il prend peu à peu ses marques dans une équipe jeune où on a très vite énormément attendu de lui.
« Je dois  changer […] J’espère devenir plus sage, plus intelligent [...] Je viens d’avoir 24 ans et je suis à peu près dans la moyenne d’âge ici. Je suis le deuxième ou le troisième plus jeune. Je suis dans une position dans laquelle je dois être un leader tout en continuant à apprendre. […] Je suis dans une meilleure position à Houston. »
Avec une moyenne de 10,5 points,6,1 passes et 4,5 rebonds par match, il est bien sûr loin de ses stats à New York et des attentes de ses dirigeants qui voyaient en lui un futur All-Star lors de son arrivée. Mais après avoir lutté pour gagner sa place dans une franchise, il espère maintenant emmagasiner de l'expérience pour contribuer à la réussite des Rockets.
« Ici nous apprenons ensemble. C’est un peu comme si on vous jetait dans le feu et que vous deviez vous en sortir. L’important c’est que nous avons Kevin McHale qui sait exactement ce qu’il fait et qui nous guide. C’est différent car nous sommes très jeunes donc nous commettons des erreurs mais nous allons grandir. » 
Plus à l'aise dans une équipe bien moins médiatisée que les Knicks, Lin a été soulagé par l'arrivée de James Harden, sur qui les dirigeants texans ont misé gros, faisant de l'ancien barbu du Thunder, le nouveau chef de file de la franchise. Jeremy Lin peut maintenant s'épanouir dans un rôle plus en retrait qui correspond davantage à sa personnalité.