LeBron James, (encore) trop seul ?

Les Cleveland Cavaliers ne manquent pas de talent. Mais l'effectif très large des Warriors, la blessure de Kyrie Irving et l'absence de soutien offensif pourrait peser lourd sur les épaules de LeBron James.

LeBron James et Kyrie Irving ont monopolisé le ballon en attaque pendant quarante-huit minutes. Ils ont joué le pick&roll chacun à tour de rôle, espérant ainsi percer la défense bien en place des Golden State Warriors. Ils sont si talentueux qu’ils y sont parvenus à de nombreuses reprises. Au point d’accrocher la prolongation sur le parquet de la meilleure équipe NBA de la saison. En OT, et sans Irving, sorti sur blessure, le plan de jeu des Cavaliers avait des allures d’un scénario d’un mauvais film de série B. LeBron a dribblé autour de la ligne à trois-points, a posté ses adversaires loin du cercle et a fini par bazarder des tirs longue distance dans un élan de désespoir. Cleveland a manqué ses huit premiers tirs en prolongation et a alors encaissé un 10-0 synonyme de défaite. Le manque d’énergie, le manque d’option offensive et de créativité en attaque ont finalement puni une équipe passée proche de l’exploit grâce à sa rigueur défensive et au talent incroyable de sa superstar. [caption id="attachment_270915" align="alignright" width="318"] LeBron James devra peut-être composer sans Kyrie Irving lors des prochains matches.[/caption] Les meilleurs basketteurs de la planète sont susceptibles d’effacer les lacunes de leur formation. Ils sont capables de gagner des matches et même des séries de playoffs à la force de leur coup de poignet. Mais lorsqu’il s’agit de remporter un titre NBA, aucun d’entre eux n’a pu y parvenir sans l’aide précieuse d’autres stars de leur niveau ou de précieux lieutenants et soldats expérimentés. Les détracteurs de LeBron James peuvent toujours lui reprocher la manière dont il a quitté Cleveland pour Miami en 2010 avant d’effectuer le chemin inverse cinq ans plus tard. Ils peuvent regretter que le King ait « trahi » sa franchise pour s’associer avec deux autres superstars de la trempe de Chris Bosh et Dwyane Wade. Mais ces mêmes détracteurs ne doivent pas perdre de vue que TOUTES les légendes de cette ligue ont pu compter sur des coéquipiers très talentueux, de Scottie Pippen à Dennis Rodman pour Michael Jordan à Kevin McHale ou Danny Ainge pour Larry Bird. LeBron James a souvent été esseulé. Le supporting cast du Heat se faisait vieillissant la saison dernière et les Spurs ont donné une leçon aux Floridiens. Quelques années auparavant, ces mêmes texans avaient balayé une équipe de Cleveland emmenée par une starlette de 22 ans entourée de Larry Hugues, Daniel Gibson et Sasha Pavlovic… Cette équipe des Cavaliers est incontestablement plus forte que celle guidée par James en 2007 mais elle a de nombreuses limites. Le King a inscrit 44 points à 18/38 aux tirs hier soir. Une performance d’exception qui n’a pas suffi.
« On doit mieux l’entourer », reconnait David Blatt.

Un manque de profondeur aux Cavaliers

[caption id="attachment_276285" align="alignleft" width="318"] Timofey Mozgov a beau être un bon joueur, il ne peut pas être la troisième option offensive en finale NBA. C'était le cas hier soir.[/caption] Cleveland ne manque pas de talent sur le papier. Kevin Love est un All-Star mais il est blessé. Kyrie Irving a lui aussi été touché au genou. Tristan Thompson, J.R. Smith, Iman Shumpert, Matthew Dellavedova et Timofey Mozgov sont tous de valeureux joueurs de devoir mais leur potentiel est limité – à l’exception de Smith. C’est bien de ce côté du parquet que James s’est parfois senti esseulé hier soir. Irving a mis ses points mais le meneur s’est blessé en fin de rencontre et les Cavaliers ont complètement perdu pied en son absence. James a alors enchaîné les tentatives héroïques sans trouver la mire. Ses coéquipiers étaient déjà sur les rotules. C’est peut-être là, LA différence fondamentale entre Cleveland et Golden State. Les deux équipes peuvent compter sur un joueur extrêmement talentueux susceptible de les sortir de n’importe quel faux pas. Mais à la différence de LeBron James, Stephen Curry a la possibilité de s’économiser par séquence et de laisser ses lieutenants porter le coup de grâce. Le banc des Warriors a dominé – haut la main – celui des Cavaliers. Andre Iguodala a inscrit 15 points tout en défendant dur sur James. Festus Ezeli a fait son boulot dans la raquette et Marreese Speights a lancé son équipe dans le troisième QT. Au final, les remplaçants des Californiens ont inscrit 34 points contre seulement 9 – tous marqués par J.R. Smith – pour ceux de l’Ohio. Mais même au-delà du banc, Curry a pu compter sur les bons passages de Klay Thompson, Harrison Barnes et Draymond Green quand LeBron était le plus souvent obligé de composer seul en attaque. Ce dernier a multiplié les pick&roll, les drives et les post-ups sans réellement se renouveler. La balle circulait moins à Cleveland et des shooteurs comme Smith et Shumpert n’ont pas trouvé leur rythme pendant cette rencontre (5/19). Alors les Cavaliers manquent-ils de talent ou exploitent-ils mal les ressources dont ils disposent ?

Un manque d'ingéniosité

[caption id="attachment_271213" align="alignleft" width="318"] J.R. Smith va devoir hausser son niveau[/caption] Sans doute un peu des deux. Le collectif est au point en défense et, comme nous l’avions mentionné plus haut, les hommes de David Blatt ne sont pas passés loin de la victoire. Mais on a tout de même le sentiment que cela nécessite un LeBron James surhumain. Les Cavaliers ont proposé très peu d’alternative à leur jeu stéréotypé si ce n’est de poser un écran sur le vis-à-vis de James avec un arrière (Smith, Irving ou Shumpert) afin d’obliger les Warriors à switcher et de laisser un joueur comme Stephen Curry défendre sur LeBron. C’est trop peu pour espérer inquiéter durablement une équipe aussi bien en place que Golden State. Là encore, est-ce une stratégie subie ou imposée ? [superquote pos="d"]Le supporting cast des Cavaliers est-il trop limité ou mal exploité ? [/superquote]David Blatt était considéré comme un génie offensif en Europe et son équipe pratique désormais un basket axé sur le pick&roll dans l’axe avec un ou deux shooteurs positionnés à l’opposé. Un style qui convient parfaitement à LeBron James mais est-il suffisamment efficace pour décrocher une bague ? Le staff des Cavaliers va encore devoir se creuser les méninges après cette défaite. Plus qu’une rencontre, les troupes de l’Ohio ont perdu Kyrie Irving, le seul membre des Cavs – avec James bien sûr – à se hisser parmi les dix meilleurs joueurs de cette finale. Tristan Thompson et Timofey Mozgov sont solides et précieux mais leur confier des ballons dans le money time, comme ce fut le cas cette nuit, démontre le manque de solution à disposition. La rotation de Blatt est déjà resserrée au maximum (huit joueurs utilisés) et elle pourrait l’être encore plus avec la blessure d’Irving. Seul hic, ses joueurs sacrifient de l’énergie et ils étaient déjà cuits au moment d’attaquer la prolongation hier soir. Le « small ball » dynamique et mobile des Warriors les a achevés en moins de cinq minutes. On attend de certains joueurs qu’ils haussent leur niveau de jeu, à commencer par J.R. Smith. L’ancien sixième homme des Knicks a été bon en défense – et il ne faut pas négliger cet aspect primordial du jeu – mais il n’a pas réussi à prendre le dessus en attaque. Il DOIT contribuer plus au scoring si les Cavaliers souhaitent éviter une sortie de route prématurée. Mais on ne peut pas soudainement à Smith, aussi doué soit-il, de remplacer au pied levé un meneur All-Star comme Kyrie Irving. Iman Shumpert est un défenseur solide et un shooteur correct mais il ne peut pas rivaliser avec Klay Thompson. Tristan Thompson n’a pas la panoplie offensive de Kevin Love. Il reste LeBron James. Encore. Toujours. Il est tellement fort qu’on refuse d’enterrer les Cavaliers. Pourtant, si l’on lit entre les lignes, on s’est bien rendu compte hier soir qu’une des deux équipes étaient plus complète, mieux organisé et sans plus à même de décrocher le titre NBA dans quelques jours.