Toronto, terre d’accueil

La 4e plus grande ville d’Amérique du Nord est aussi l’une des plus diversifiées au monde. Et les Raptors ont eu l’excellente idée de construire leur équipe à l’image de la population locale.

Toronto, terre d’accueil
C’est une ville gigantesque mais en pleine expansion, une métropole majeure d’Amérique du Nord dont on a tendance à sous-estimer l’importance pour la seule raison qu’elle se situe au Canada, et que le Canada, depuis toujours la cible de l’humour prétentieux et rabaissant de ses voisins du sud, fait son bout de chemin sans faire de vagues. Mais Toronto est plus grande que Chicago, plus diversifiée que New York ou Los Angeles, et maintenant bien meilleure au basket que ses trois principales rivales et Mexico City (la plus grande ville d’Amérique du Nord) dans la compétition démographique nord-américaine. Elle est surtout emblématique de la terre d’accueil qu’a toujours été le Canada, et du virage qu’a pris le pays dans les 35 dernières années. En 1981, moins de 14% de la population de Toronto faisait partie d’une « minorité visible ». Aujourd’hui, c’est le cas de plus de la moitié de ses habitants ! La ville est un impressionnant melting pot dans lequel tous les continents et quasiment tous les pays ont voix au chapitre. Et comme n’importe quelle communauté, celle de la plus grande ville canadienne attend deux choses de ses équipes sportives : des résultats et la possibilité de s’identifier à elles. Seuls les Raptors satisfont les deux conditions.

De terre de hockey à terre de basket

Traditionnellement terre de hockey, Toronto s’éloigne de plus en plus de ses Maple Leafs. Ils restent extrêmement populaires auprès d’une partie de la population, évidemment, mais ils n’ont plus gagné le titre NHL (la fameuse Stanley Cup) depuis 1967 et ne sont pas même allés en finale depuis. 52 ans sans succès notable, donc, et un autre problème, inhérent au hockey et particulièrement flagrant à Toronto : le gouffre qui sépare le visage de l’équipe et celui de la population. Le hockey n’a rien du sport mondial qu’est devenu le basket. C’est une niche culturelle qui intéresse essentiellement le nord de l’Amérique et celui de l’Europe. Le baseball aurait pu s’imposer comme l’attraction majeure de la ville après les deux titres consécutifs des Blue Jays en 1992 et 1993, mais il a ensuite fallu attendre la saison 2015 pour que la franchise retrouve les playoffs. Et le baseball, si le portrait démographique de ses joueurs est plus diversifié que celui du hockey, n’en reste pas moins lui aussi un sport très peu populaire en dehors des États-Unis, de l’Amérique latine et du Japon. Reste donc le basket. Depuis leur création en 1995, les Raptors ont consciemment cherché à piquer l’intérêt des fans potentiels locaux en signant régulièrement des joueurs étrangers, ciblant d’abord les Européens et en particulier les Italiens, Toronto abritant la deuxième plus grande communauté italienne d’Amérique du Nord après New York. Dès leur première saison NBA, les Raptors comptent donc dans leur roster Vincenzo Esposito et Zan Tabak, et il n’y a pas eu une seule saison depuis dans laquelle leur effectif n’a pas contenu au moins un joueur non-américain. La tendance s’est largement accélérée depuis 2010.

Un visage international assumé

Cette saison-là, les Raptors font jouer à un moment ou à un autre huit joueurs étrangers de huit nationalités différentes : un Italien (Andrea Bargnani), un Français (Alexis Ajinça), un Espagnol (Jose Calderon), mais aussi un Brésilien, un Australien, un Nigérian, un Lituanien et un Serbe. Paradoxalement, il faut attendre la saison suivante pour que la seule équipe canadienne de la ligue (les Grizzlies sont partis de Vancouver en 2001) accueille enfin son premier joueur canadien (Jamaal Magloire). La diversité a toujours fait partie de l’identité des Raptors, mais jamais elle n’avait autant contribué à leur succès. Trois joueurs de leur effectif actuel (Marc Gasol, Pascal Siakam et Serge Ibaka) jouent un rôle essentiel dans le succès de l’équipe, et l’ascension fulgurante de Siakam symbolise à elle toute seule le « rêve canadien » auquel s’identifient d’innombrables immigrants et enfants d’immigrants locaux. Ce qui a fait du Camerounais l’un des joueurs les plus aimés des Raptors. À Toronto comme ailleurs au pays, puisque de plus en plus de Canadiens suivent le parcours de la franchise, de Vancouver à Halifax en passant par Montréal. Si le basket n’a pas encore supplanté le hockey dans le grand nord, sa popularité, grâce notamment aux Raptors et aux efforts qu’ils ont fait ces dernières années pour éveiller l’intérêt de fans partout dans le pays (ils jouent par exemple des matchs de présaison dans les principales villes canadiennes), ne cesse de grandir. Un titre NBA ne ferait pas de mal.