NBA et cannabis, la révolution verte est-elle en marche ?

Et si la NBA devenait la première ligue pro à encourager l’usage du cannabis thérapeutique ?

NBA et cannabis, la révolution verte est-elle en marche ?

David Stern, improbable soutien

Si les témoignages d'anciens joueurs font réfléchir, celui de David Stern, le Commish historique, a fait du bruit ces derniers mois. Mentor d'Adam Silver, qui a été son adjoint pendant près de huit ans, Stern a encore de l'influence auprès du nouveau boss et sa prise de position en faveur de l'usage du cannabis thérapeutique pourrait bien accélérer le processus.
« Je pense aujourd'hui que la marijuana devrait être retirée de la liste des produits interdits. » David Stern

« A l'époque, le cannabis était considéré comme une drogue-passerelle vers d'autres choses plus lourdes. Et beaucoup de joueurs venaient nous voir en nous disant, untel ou untel joue sous influence du cannabis, c'est dangereux, etc... On a donc serré la vis.

Après en avoir appris plus sur le sujet, je pense aujourd'hui que la marijuana devrait être retirée de la liste des produits interdits. Beaucoup de gens très intelligents ne savent pas ce qui est bien ou non à ce sujet. Mais tout le monde s'accorde à dire que c'est médicalement bénéfique sous l'une de ses formes.

Il faudrait changer le CBA pour laisser chacun faire ce qui est légal dans son état », a proposé Stern, là aussi sur The Uninterrupted, avant de suggérer que les staffs médicaux des franchises NBA soient formés sur la question pour appréhender au mieux une possible réforme.

L'un des prérequis pour que les soins au CBD se démocratisent est évidemment l'encadrement de la prise du produit par des professionnels de santé. C'est un peu là que le bât blesse. Si l'emploi de la marijuana thérapeutique ne s'est pas encore généralisé chez les athlètes, c'est aussi à cause du scepticisme de la part d'une frange non-négligeable du corps médical. En novembre dernier, le collège des médecins de l'Alberta, au Canada, remettait même en cause l'absence d'effets secondaires avancée par les défenseurs de la méthode. Des essais effectués par l'équipe du docteur Mike Allan évoquaient la récurrence d'hallucinations, de paranoïa, d'étourdissements et d'hypotension artérielle.

« La plupart des autres études ont sous-estimé les effets indésirables parce qu'elles ont été menées auprès de patients habitués à la marijuana et donc possiblement moins susceptibles que les autres de les ressentir », prévient Allan dans Metro Canada.

Aujourd'hui, 29 des 50 états américains autorisent la consommation de cannabis à des fins médicales. Parmi ceux qui hébergent des franchises NBA, l'Utah (le Jazz), le Wisconsin (les Bucks), l'Indiana (les Pacers), le Texas (les Spurs, les Rockets et les Mavs), la Caroline du Nord (les Hornets) et la Géorgie (les Hawks) n'ont pour l'heure aucune législation favorable à une quelconque utilisation de la substance. On peut supposer que les joueurs de ces équipes en demande de soins ou qui se les seront vus recommander s'arrangeront pour obtenir des dérogations ou être traités en dehors de ces juridictions. Un autre point soulevé par Stern, qui ne manque jamais de rappeler qu'il est un businessman dans l'âme, n'est pas à négliger : l'aspect financier.

« En changeant la réglementation, la NBA générerait un bénéfice énorme. Imaginez une seconde si toutes les superstars pouvaient jouer une année supplémentaire dans leur carrière grâce à ça ? »

Certaines légendes du jeu, comme Larry Bird, freiné par de violentes douleurs au dos en fin de parcours, auraient probablement pu en bénéficier en leur temps. Peu après la sortie médiatisée de Stern, justement à la suite d'une discussion avec Harrington, Adam Silver s'est déclaré « très intéressé par cette question scientifique et les applications possibles en NBA ». De quoi laisser penser que le sujet sera rapidement discuté lors de réunions entre le board, le syndicat des joueurs et les propriétaires.

Il n’existe pas de produit miracle

Il n'y a finalement même pas besoin d'être personnellement concerné pour militer en faveur d'une évolution du règlement. Ni de faire partie d'une génération gavée aux antidouleurs aux effets indésirables. Karl-Anthony Towns, 22 ans, n'a pas encore connu le moindre pépin physique majeur depuis son arrivée dans la ligue. Pourtant, celui qui avait débuté des études de kinésiologie à Kentucky a livré un avis assez éclairé sur la question dans un entretien accordé à ESPN.

« Je n'ai jamais fumé, mais ma famille est dans le médical et je connais le sujet. Il n'y a pas besoin de transformer le produit en joint. On peut en revanche utiliser les propriétés chimiques de la substance pour améliorer le quotidien de beaucoup de gens.

C'est hors de mon contrôle, mais Adam Silver devrait légaliser la marijuana médicinale. Il a déjà montré qu'il était toujours à l'écoute et pour le dialogue. Moi, je ne parle pas d'une consommation où les gens fumeraient comme des pompiers. Simplement, d'une utilisation comme un facteur bénéfique pour le corps des athlètes. »

Et KAT d'évoquer le cas du neveu de sa petite-amie, autiste, dont le traitement contre les troubles neuro-développementaux est à base de cannabis.

« Je n'ai vu que des effets positifs à ce jour sur lui. Il trouve du réconfort dans ce traitement et je suis heureux pour lui. Il y a certains athlètes pour lesquels cet usage serait bon. Nous ne sommes pas surhumains », explique-t-il.

L'idée n'est pas de dire que le CBD a réponse à tout et est une sorte de produit miracle. Steve Kerr, dont on connaît les graves problèmes de dos depuis deux ans, a eu recours à cette méthode mais sans succès. L'important, du point de vue du coach des Warriors, est que les joueurs aient la possibilité d'utiliser cette alternative s'ils le souhaitent.

« J'ai essayé deux fois. Je souffrais énormément. Ça n’a pas eu d’effets sur moi. J’aurais aimé que ça marche parce que les opioïdes n'ont pas fonctionné non plus et ont été très néfastes. Cela dit, ça ne fait aucun doute que c’est nettement mieux pour le corps que la vicodine ou d’autres antidouleurs. Pourtant, on continue de filer ça aux joueurs comme si c’était de la vitamine C. Tout est une question de perception.

La NFL, la NBA et la MLB sont dirigées par des businessmen qui ont une image à respecter. Du coup, ils ne veulent pas que l'on puisse penser que leurs joueurs sont des junkies. Il faut que le public soit éduqué sur ce sujet. Pour moi, ce n'est qu'une question de temps avant que le cannabis médical ne soit autorisé dans les ligues sportives. L'éducation va l'emporter sur le préjugé », a affirmé Kerr sur NBC Sports.

Si des joueurs influents, le coach des champions en titre et l'ancien patron de la ligue sont en faveur de l'arrivée du cannabis thérapeutique en NBA, pourquoi les choses n'ont-elles pas encore bougé ? C'est assez simple. Les grands groupes pharmaceutiques doivent d'abord trouver le moyen d'exploiter ce filon financièrement. Quand ce sera le cas, la mise en place d'essais cliniques sur les athlètes et la légalisation iront probablement beaucoup plus vite...

Cet article est extrait du numéro 65 de REVERSE, actuellement en kiosques

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