Pourquoi Rudy Gobert est l’avenir du Jazz

Rudy Gobert a pris une nouvelle dimension cette saison et s'affirme comme l'un des intérieurs du futur du Utah Jazz. Analyse.

Pourquoi Rudy Gobert est l’avenir du Jazz
La deuxième saison NBA de Rudy Gobert a débuté le soir du quart de finale entre la France et l’Espagne. Devant un public acquis à la cause de Pau Gasol, le pivot tricolore a muselé la star locale avec sa défense, ses rebonds et ses blocks. L’ascension de Rudy sautait aux yeux d’un plus grand nombre. Et pourtant, son émergence ne remonte pas à la Coupe du Monde mais bien avant. Nous avions rencontré le jeune joueur du Jazz lors de la préparation de l’équipe de France à l’INSEP. Il nous avait alors fait part de sa progression et de sa confiance grandissante. Il était déjà prêt, il ne lui manquait plus qu’une opportunité pour se montrer. Une large partie du public français a changé son fusil d’épaule au sujet de Gobert après le quart de finale contre l’Espagne. Mais la Coupe du Monde demeure un événement suivi de loin aux Etats-Unis. Heureusement, Quin Snyder, coach du Jazz passé par le CSKA Moscou, a une approche « européenne » du basket. Les performances du fils de Rudy Bourgarel ne lui ont pas échappées. Le tacticien sait qu’il tient dans son effectif un monstre en évolution constante. Un pivot long aux bras gigantesque qui lui confèrent une envergure presque sans équivalence en NBA. Un intérieur taillé dans le moule d’un Tyson Chandler. La défense est évidemment la caractéristique première du jeu de Rudy Gobert. C’est son point fort le plus visible. Ses blocks sont spectaculaires et ses rebonds ressortent sur sa feuille de statistiques. Il est actuellement le quatrième meilleur contreur de la NBA (2,2 blks) derrière Anthony Davis, Serge Ibaka et DeAndre Jordan. Aucun autre membre du top 10 ne passe moins de 25 minutes en moyenne sur le parquet chaque soir (Hassan Whiteside n’a pas encore joué assez de match pour prétendre au classement mais il cumule 2 blocks de moyenne en 15 minutes). Gobert est un protecteur du cercle et il excelle sur la défense en pick&roll. Surtout, son équipe se porte nettement mieux de ce côté du terrain lorsqu’il est sur le parquet. Illustration avec ce tableau. [caption id="attachment_207733" align="alignright" width="300"] Le Jazz a l'une des 10 meilleures défenses de la ligue avec Rudy Gobert sur le parquet.[/caption] A l’exception de John Wall et Paul Pierce (le cinq de Washington est présent en masse dans le graphique), aucun joueur NBA n’est plus « indispensable » à son équipe en défense. Le Jazz encaisse 100,6 pts sur 100 possessions lorsque Rudy Gobert est sur le parquet, une statistique qui classerait la franchise dans le top 10 des meilleures défenses NBA (Le Jazz est l’une des cinq plus mauvaises équipes dans ce domaine, 107 pts encaissés sur 100 possessions). A titre de comparaison, la formation de Salt Lake City prend l’eau lorsqu’Enes Kanter, habituel titulaire au poste de pivot, est sur le terrain (111,9 pts encaissés sur 100 possessions). Hier soir encore, la présence de Rudy Gobert a été bénéfique à son équipe. Le Français affichait un différentiel de +6 à l’issue de la rencontre perdue face aux Golden State Warriors, terreurs de la Conférence Ouest. Tous les autres joueurs du Jazz à avoir passé plus de cinq minutes sur le parquet présentaient un différentiel négatif. Enes Kanter a terminé la partie avec un fâcheux -27.

Un attaquant au service de l'équipe

Gobert monte en puissance depuis le début de la saison. Ses statistiques sont en hausse chaque mois et son récent passage dans le cinq – en l’absence d’Enes Kanter – lui a permis de démontrer qu’il était en mesure d’avoir un impact significatif même avec un temps de jeu imposant. Il a frôlé le double-double de moyenne sur cette courte période (9,8 pts, 9 rbds et 5,3 blocks en 33 minutes sur quatre matches). Son apport ne se limite pas à la défense. Le jeune homme est de plus en plus complet. Son PER – indice qui mesure la production d’un joueur chaque soir – le prouve : avec 21,27 de PER, il se classe septième parmi les pivots derrière des joueurs reconnus comme DeMarcus Cousins, Marc Gasol, Nikola Vucevic, Marreese Speights, Tyson Chandler et Chris Bosh et devant des stars ou jeunes stars comme Andre Drummond, Al Jefferson, Al Horford, Dwight Howard, DeAndre Jordan, etc. [superquote pos="d"]Rudy Gobert lit mieux le jeu et il est de plus en plus efficace[/superquote]Le Français n’est pas un scoreur et son jeu dos au panier est assez rudimentaire. Mais il a d’autres atouts en attaque.  C’est d’abord un excellent finisseur près du cercle (63% de réussite aux shoots, 70% dans la restricted area). Les mauvaises langues diront qu’il est difficile de manquer des tirs lorsque l’on ne fait que tenter sa chance de près. Soit. L’efficacité de Gobert est due à ses nombreux dunks mais justement, il sait comment obtenir les paniers faciles.
« J’ai progressé sur le pick&roll, je me sens mieux sur mes jambes, je suis beaucoup plus rapide et le fait de rouler vite (vers le cercle) me permet – même si je n’ai pas le ballon à chaque fois – d’avoir des rebonds offensifs, de fixer la défense ou de ressortir à l’opposé pour des shooteurs », nous affirmait l’intéressé en juillet dernier.
Il lit de mieux en mieux le jeu sur les pick&roll. Il ne fonce pas tout droit vers le cercle après avoir posé son écran comme pourraient le faire DeAndre Jordan ou Andre Drummond. Il marque un temps d’arrêt, anticipe les mouvements de la défense et n’hésite pas à servir un coéquipier mieux placé après avoir hérité de la balle à quatre ou cinq mètres du cercle. Illustration. [caption id="attachment_229845" align="alignnone" width="640"] Rudy Gobert coupe vers le cercle après avoir joué le pick&roll avec Dante Exum.[/caption] [caption id="attachment_229847" align="alignnone" width="640"] A peine servi, Rudy Gobert attire l'attention de la défense. Il n'a plus qu'à glisser la balle à Derrick Favors, libre près du cercle.[/caption] Le géant fluidifie le jeu du Jazz en attaque et ses qualités à la passe résolvent en partie les craintes liées au spacing de l’attaque de Salt Lake City en cas d’association avec Derrick Favors dans le cinq. Le Jazz a remporté deux des cinq rencontres disputées avec Gobert dans le groupe de départ (dont une victoire contre Chicago et deux défaites serrées face à Indiana et Golden State). L’équipe tourne bien avec lui. Il a d’ailleurs battu son record de points hier soir avec 16 unités au compteur face à Golden State. Le joueur de 22 ans ne sera jamais le franchise player du Jazz, un rôle qui semble encore confiné à Dante Exum (avec qui le tricolore a un bon feeling sur le parquet). Mais son explosion chamboule sérieusement la hiérarchie au sein de la raquette mormone. Pendant encore combien de temps le Jazz peut-il se permettre de laisser Enes Kanter dans le cinq ? Le Turc sera restricted free agent en juillet prochain et l'émergence de Gobert pourrait pousser les dirigeants à ne pas casser leur tirelire pour conserver l'ancien troisième choix de draft. S'il continue de faire ses preuves et de progresser à ce rythme, l'intérieur de l'équipe de France pourrait toucher la pactole d'ici deux ans et faire son trou pour de bon au sein de la franchise de Salt Lake City.

Le record en carrière de Rudy Gobert

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