[ITW] On a parlé culture, dépaysement et carrière avec les frères Wagner

On a passé un chouette moment avec Moritz et Franz Wagner, les frères d'Orlando, pour parler culture, dépaysement et choix de carrière en marge de leur participation au programme Jr. NBA Play Like a Pro.

[ITW] On a parlé culture, dépaysement et carrière avec les frères Wagner

Voir deux frères, qui plus est européens, jouer dans la même équipe en NBA n'est pas banal. Moritz et Franz Wagner sont coéquipiers depuis l'arrivée de l'aîné, "Mo", au Magic en avril 2021, et la Draft de Franz par Orlando avec le 8e pick quelques semaines plus tard.

Dans le cadre de leur participation au programme Jr. NBA Play Like a Pro avec Gatorade, au cours duquel ils participeront à des séances pédagogiques et d'entraînement avec des jeunes basketteurs via une plateforme vidéo (voir à la fin de l'article), on a pu discuter avec les deux frangins, très sympathiques et intéressants au moment d'évoquer leur parcours et les différences culturelles auxquelles ils ont dû faire face depuis qu'ils ont quitté l'Allemagne pour les Etats-Unis.

C'est amusant de vous parler alors que Michigan, la fac dans laquelle vous avez été tous les deux, est en train de faire un run dans le Tournoi NCAA (ils sourient et Moritz pointe l'écran et secoue son doigt en mode "Yeah, you know it !") Est-ce que vous pouvez parler un peu de votre expérience en tant qu'Européens à la fac et de votre carrière là-bas ?
Franz Wagner : "On suit bien sûr le Tournoi et ça convoque des superbes souvenirs en nous. Ca rappelle à quel point la fac était une expérience cool et unique. Tu créées des liens incroyables avec des gens, des coéquipiers, les coaches... Ann Harbour (la ville dans laquelle est située le campus de Michigan, NDLR) sera toujours un endroit où on sera heureux de revenir et toujours les bienvenus. C'est particulier en tant qu'étranger de savoir que tu auras toujours un lieu aux Etats-Unis où les gens t'accueilleront avec plaisir jusqu'à la fin de ta vie.

Franz, ça n'a pas été trop difficile de gérer les attentes nées du fait que ton frère a été un joueur très respecté à Michigan ?
Franz : Les attentes ont un peu changé après ma première saison je trouve. Pendant un an on a beaucoup parlé du fait que j'étais le frère de Moritz. Avec le Covid, il y avait moins de monde pour parler de ça lors de la deuxième année. Ce n'était pas dérangeant et je m'y suis habitué au final. Le plus important, c'est que ça ne nous a jamais dérangés tous les deux.

Tu es drafté et d'un coup ça devient ton métier et ta responsabilité. L'amour pour le basket semble soudainement secondaire et c'est à toi de le faire revenir.

Vous venez de Berlin, l'une des plus grandes villes d'Europe, et vous avez dû vivre dans une petite ville universitaire américaine comme Ann Harbour. Quel impact cela a-t-il eu sur votre vie et sur votre développement personnel ?
Moritz Wagner : C'est une question super intéressante. Franz et moi on parle souvent du fait que les deux cultures sont tellement différentes... Je suis là depuis quelques années maintenant et il y a du coup des choses qui interpellent Franz mais que moi je ne remarque même plus. L'une des premières choses qu'il m'a dites en arrivant, c'est : "Mo, il y a des parkings absolument partout !" On vient d'une grande ville, mais on n'a pas de malls comme ici avec des places de parking gigantesques. Ici, tu dois tout faire en voiture, alors qu'en Allemagne mes parents n'ont même plus de voiture et peuvent tout faire en métro ou en vélo. On marche pour tout là-bas. Quand je rentre à Berlin pour 15 jours, j'ai simplement besoin d'une carte de métro. Ici, on vit dans sa voiture. A Ann Harbour, je ne savais pas où trouver de la nourriture comme chez moi parce que l'alimentation est différente. Et il y a tout un tas de subtilités qui font que la vie est très différente.

Franz : Ann Harbour est une petite ville, mais je ne l'ai jamais considérée vraiment comme telle. L'université est tellement grande et tout est dans un format démesuré. Tout est lié à Michigan et du coup tu sens que cela va au-delà d'une simple ville et de milliers de personnes. Je confirme qu'il faut bien une voiture pour faire la moindre chose aux Etats-Unis (rires).

Qu'est-ce qui a été le plus difficile pour vous en termes d'adaptation entre la NCAA et la NBA ? 
Moritz : C'est plus récent pour toi, je vais te laisser répondre.
Franz : Pour moi, c'est probablement les déplacements et les voyages, avec beaucoup de road trips, de vols en avion... L'un des plus gros ajustements, c'est aussi le temps que tu passes seul quand tu es en déplacement. Je commence à m'y habituer en cette fin de saison. La difficulté c'est de trouver aussi le moyen de déconnecter avec le basket. Parce qu'à la fac, tu n'as pas le choix, tu es en cours la moitié du temps et tu as des devoirs à faire après l'entraînement. En NBA, il faut trouver d'autre moyens de s'occuper l'esprit.

Moritz : Là où j'ai eu du mal lors de ma première année en NBA, à Los Angeles, c'est avec l'entraînement. Parfois, à la fac, j'allais me faire des séances en nocturne même si on avait entraînement le lendemain. J'adorais ça et ça m'aidait à entretenir mon rêve d'être drafté et d'aller en NBA. Puis tu es drafté et d'un coup ça devient ton métier et ta responsabilité. L'amour pour le basket semble soudainement secondaire et c'est à toi de le faire revenir. J'ai eu du mal avec ça au début. Quand tu joues peu et que tu ne fais pas une bonne saison pour ta première année en NBA, mais que tu es quand même tout le temps en déplacement, comme disait Franz, c'est quand même ton métier et tu es payé pour ça. Et tu le ressens comme ça. Retrouver la passion de jouer au basket quelle que soit ta situation professionnelle, c'est très important et ça m'a beaucoup aidé par la suite et encore aujourd'hui.

Les arbitres mentionnaient ton nom PENDANT les matches. Moi j'étais concentré, mais on me sortait ton nom. Tu leur avais fait forte impression.

L'Allemagne est devenue au fil des ans une terre de basket beaucoup plus visible, avec des gars comme Detlef Schrempf, Dirk Nowitzki, Maxi Kleber, vous deux, Dennis Schröder ou Satou Sabally en WNBA. Est-ce que vous sentez que le basket rattrape un peu le foot, qui est le sport roi chez vous ? Est-ce que vous sentez que la nouvelle génération d'Allemands vous suit ?
Franz : Je n'utiliserais pas le mot rattraper, par rapport au foot (rires). Je dirais que l'on essaye d'être le sport n°2 en Allemagne. Je pense que le foot sera à jamais n°1 chez nous. Par contre, il est très clair que l'intérêt grandit et que de plus en plus de gens jouent au basket en Allemagne, avec des joueurs en Euroleague, aux Etats-Unis... Voir des athlètes qui réussissent a un impact fort. Je sais que ça en a eu sur moi. On espère continuer à avoir de l'impact. Cela dépendra aussi de la fréquence à laquelle les meilleurs joueurs allemands arriveront à être présents en équipe nationale.
Moritz : Le basket grandit en Allemagne, mais le football et le championnat d'élite qu'est la Ligue de champions sont en Europe, c'est plus facile d'accès. La NBA ne pourra jamais toucher les fans allemands d'aussi près. On est en bonne voie pour devenir le sport n°2.
Franz : Je pense qu'il faut voir quel est le nombre de licenciés pour chacun des sports, comme le basket et le handball. Je n'ai pas les chiffres, mais c'est à mon avis un bon moyen de se rendre compte de la situation.

Sur le terrain, vous avez des rôles et des styles différents, mais selon la légende vous avez un point commun majeur : celui de vous plaindre tout le temps aux arbitres. Info ou intox ? 
(Ils rient tous les deux) Moritz : Il se plaint plus que moi ! Tu dois l'admettre, tu parles plus aux arbitres que moi.

Franz : Tu parles de cette saison ou en général ? Parce que je pense que tu es plus réputé que moi pour te plaindre.

Moritz : C'est parce que j'ai joué plus de saisons que toi.

Franz : Tu avais quatre ans pour faire en sorte que les gens ne disent pas ça de toi !

Moritz : Je dirais qu'en termes de densité, tu râles plus que moi.

Franz : OK, il est possible que tu aies raison... Par contre, à la fac les arbitres m'avertissaient souvent à cause de toi.

Moritz : Je me suis calmé en passant de la fac à la NBA. J'ai réalisé que ça avait moins d'impact chez les pros. En NBA je suis un role player alors qu'à la fac j'avais plus de minutes et j'étais un peu LE gars. J'essaye aujourd'hui de mûrir là-dessus et d'avoir une meilleure relation avec les arbitres. C'est le pire job du monde parce que c'est très dur et que tu ne peux pas gagner. Tu dois prendre des décisions instantanées, face à des joueurs expressifs et émotifs.

Franz : Les arbitres mentionnaient ton nom PENDANT les matches. Moi j'étais concentré, mais on me sortait ton nom. Tu leur avais fait forte impression.

Quand vous avez été draftés tous les deux, est-ce qu'il y avait des joueurs en particulier que vous aviez hâte de rencontrer ou d'affronter ?
Franz : La réponse évidente pour moi, même si je n'avais pas du tout hâte de défendre sur lui (rires) mais plutôt d'être en même temps que lui sur le terrain, c'est LeBron James. Il y a Kevin Durant aussi. Ils sont tellement forts. Sans LeBron et l'impact qu'il a eu sur notre génération, je n'aurais peut-être pas joué au basket.

Moritz : Il y a trois ans, c'était la dernière saison de Dirk et c'aurait été cool de l'affronter, mais ça ne s'est pas fait. Il a eu un tel impact sur notre génération et sur les athlètes en Allemagne... Le fait d'être en NBA en même temps que lui était déjà super. Si j'avais pu, j'aurais aimé jouer contre Kevin Garnett aussi, mais il avait déjà arrêté quand je suis arrivé en NBA. C'était mon joueur préféré.

Qu'est-ce qui a fait que le basket universitaire américain a fait l'objet de votre choix à l'époque, plutôt que de tenter de rester en Europe, peut-être jusqu'à évoluer dans une place forte d'Euroleague ?
Moritz : Plus jeune, je regardais beaucoup la March Madness. La NBA était toujours un sujet de conversation à la maison. Nos deux parents ont fait des études de médecine et j'ai toujours gardé en tête que je devais faire autre chose en parallèle du basket. J'ai dû prendre une décision au moment où il est devenu évident que j'avais une chance de devenir professionnel. Le scouting n'était pas aussi pointu et ce n'était pas une certitude pour un gamin allemand comme moi d'arriver à coup sûr en NBA. Luka Doncic n'était pas encore passé par là.

Franz : Il faut aussi dire que ça dépend du coach sur lequel tu tombes en Allemagne. S'il est là pour développer les jeunes, tu as une chance, mais en majorité ils font jouer des Américains coûte que coûte.

Moritz : Je n'étais pas sur les radars et je voulais l'être. Rester en Europe en tant que 12e homme d'une équipe, avec peu de minutes, ne m'aurait pas permis de le faire. J'ai poursuivi mon rêve et Michigan, qui était la seule offre que j'ai reçue. Et c'était idéal. John Beilein jouait un basket très européen, altruiste. Quand tu es un big man tu as toujours peur qu'on te demande de rester sous le cercle pour essayer de contrer des gens, mais ce n'était pas ma force. J'ai eu la chance que Coach Beilein ne soit pas comme ça et aller à Michigan a été la meilleure chose de ma vie. Ma première année a été difficile, mais je ne regrette pas.

Franz : J'ai réfléchi entre les deux options. J'ai eu la chance de jouer pour Aito Garcia à l'Alba Berlin qui est connu pour développer des joueurs et les laisser commettre des erreurs sans les pénaliser. J'ai beaucoup appris pendant mon année là-bas. Mais je voulais connaître une autre culture, d'autres systèmes. Mon rêve était de jouer en NBA et apprendre la culture américaine à la fac, absorber l'état d'esprit et tout ce qu'il y avait là-bas m'a semblé être une meilleure option pour moi.

Le programme Jr. NBA Play Like a Pro présenté par Gatorade® est une ressource virtuelle et une plateforme de contenu proposant des exercices, des vidéos pédagogiques et des sessions d'entraînement en direct, ainsi que des séances de questions-réponses avec les coéquipiers et frères du Orlando Magic, Moritz et Franz Wagner. La bibliothèque de contenu est disponible sur OWQLO, l'application officielle de la Jr. NBA League en Europe et au Moyen-Orient.