Kevin Durant : après la pluie de Brooklyn, le soleil de Phoenix

Le transfert de Kevin Durant aux Suns apparaît comme une brillante décision pour les deux camps.

Kevin Durant : après la pluie de Brooklyn, le soleil de Phoenix

Contrairement à la dernière fois, les enchères pour Kevin Durant n’ont pas été rendues publiques. Il n’y avait aucun doute sur la destination du joueur le plus convoité du marché. Pour les Phœnix Suns, les Brooklyn Nets et l’ailier lui-même, ce transfert apparaissait comme la chose à faire.

La chose à faire pour les Suns, tout d’abord, qui n’ont eu de cesse de rêver de ce moment depuis que KD a laissé échapper le mot "trade" cet été. Un fantasme qui converge avec le regret de ne pas avoir réussi à conclure de la bonne manière des Finales NBA dans lesquelles ils menaient pourtant de deux matches, en 2021.

Pour les Nets, cette solution s’imposait presque. La franchise a dû se résigner, après les échecs successifs de Kyrie Irving, James Harden et Ben Simmons, à tirer un trait sur ses plans. Il aurait été particulièrement éprouvant de continuer dans la peur constante que leur star dise "stop" du jour au lendemain. Au lieu de cela, le front office de Sean Marks a eu la sagesse de saisir un momentum favorable afin de marquer lui-même le coup d’arrêt. Et puisqu’il le lui devait bien, autant finir en bons termes en donnant à son joueur ce qu’il veut.

Kevin Durant s’y retrouve parfaitement lui aussi. Toujours en quête de greatness, il aura beaucoup plus de chances de la trouver à Phoenix qu’à Brooklyn. Il y intègre par la même occasion un groupe qui lui correspond sur toute la ligne.

Kevin Durant à Phoenix, comme si c'était écrit

Dans le cas présent, la destination n’a pas été le choix du front office seul. Durant a été entendu sur ses préférences, et visiblement écouté. Lui et son camp ont directement établi l’Arizona comme leur cible, d’après Adrian Wojnarowski d’ESPN, pour de nombreuses raisons.

Si l’ailier n’avait pas communiqué explicitement sur ses désirs lors de sa demande de transfert, il paraissait clairement intéressé par Phoenix il y a quelques mois. L’attirance, déjà partagée à ce moment, n’a fait que se renforcer avec le temps. Sa relation préexistante avec plusieurs cadres de l’équipe a fini par le mener auprès de personnalités qu’il estime.

Cela passe d’abord par Monty Williams, le coach en chef des Suns, qu’il a côtoyé pendant une année à Oklahoma City et avec Team USA. Les deux hommes ont, depuis longtemps, un respect mutuel. Il se sent à travers les déclarations de Kevin Durant, qui n’a que des bons mots pour l’entraîneur. Celui-ci lui a beaucoup appris, et réciproquement. Il s’étend même plus loin dans le coaching staff, avec Mark Bryant, ancien assistant du Thunder que le joueur tient également en estime.

Dans ses passages avec la sélection nationale, le triple médaillé d’or aux Jeux olympiques a aussi noué des liens avec certains athlètes. Il a partagé sa première campagne olympique, en 2012, avec Chris Paul. Les deux stars sont ensuite restées en contact, bien que le meneur n’ait plus rejoué sous le maillot des États-Unis.

Heureusement, l’arrivée de la génération lui a permis de faire de nouvelles rencontres. Parmi elles, un arrière dont il appréciait déjà le style et le comportement beaucoup plus tôt. À Tokyo, à l’occasion des derniers Jeux, Devin Booker et lui se sont grandement rapprochés. On le ressent à de petites attentions, comme le fait de l’avoir sélectionné en premier lors de la draft des remplaçants pour le All-Star Game l’année dernière. On le comprend aussi à travers les mots doux qu’il a souvent à son égard depuis ce voyage au Japon.

"Pour commencer, son jeu est beau. Je trouve qu’il a complètement compris qui il était désormais. Il sait jouer à un niveau élite tout en gagnant des matches. Il marque toujours beaucoup de points, mais il a aussi compris comment gagner. Beaucoup de gens l’aiment parce ce qu’il fait offensivement est beau. Je trouve que ce qu’il fait, il semble le faire sans effort. C’est un érudit du basket", l’encensait par exemple Durant il y a moins d’un an, dans le podcast de JJ Redick, "The Old Man and the Three" de JJ Redick.

Finalement, cette réunion n’aurait peut-être pas pu se concrétiser sans la main tendue d’un parfait étranger. À son arrivée, Mat Ishbia, le nouveau propriétaire des Suns, a annoncé qu’il serait très agressif sur le marché. Alors, tandis que la franchise n’était pas loin de réaliser un trade pour récupérer John Collins, celui-ci a décidé d’appeler Joe Tsai, à la tête des Nets, pour tenter un ultime passage en force. Avec succès.

"Nous allons faire [de Phoenix] une franchise NBA d’élite. C’est l’objectif. Pourquoi pas nous?", s’interrogeait rhétoriquement l’homme d’affaires, à son arrivée, moins de 48 heures avant de conclure ce trade.

Kevin Durant à Phoenix : les gagnants et les perdants du trade

Les Suns, élites de la NBA

Chris Paul, Devin Booker, Kevin Durant et Deandre Ayton ne constitueraient-ils pas le meilleur quatuor de la ligue ? Les Suns semblent tenir là un collectif digne du titre qui leur a échappé il y a deux ans.

Un joueur du calibre de Durant ferait passer n’importe quelle équipe dans une nouvelle dimension. Ce sont ses statistiques (29,7 points, 6,7 rebonds et 5,3 passes, à 55,9% au tir et 37,6% à trois points) qui en parlent peut-être le mieux. À moins que ce soit l’impression de facilité permanente qu’il dégage sur le terrain.

À 34 ans, l’ancien meilleur marqueur de la ligue n’a pas encore connu le déclin dans son jeu. Il résiste encore, pour le moment, aux signaux d’alarme donnés par son corps. Sa moyenne de 1,37 point par tir tenté est d’ailleurs un record d’efficacité pour cet incroyable attaquant. Le "Slim Reaper" est le genre de star qui transforme le jeu d’une équipe, mais seulement dans le bon sens.

Entre 2016 et 2019, il a en effet appris à s’intégrer à un groupe déjà bien établi. S’il s’est fait à la philosophie des Warriors de Stephen Curry, tout porte à croire que son incorporation dans le jeu ne posera aucun problème à Phoenix. Ses liens avec ses coéquipiers et son coach devraient d’ailleurs faciliter la transition.

Kevin Durant est bien conscient qu’il arrive, initialement, dans l’équipe de Devin Booker. Si l’arrière a été considérablement freiné par les blessures, il évolue cette saison à son meilleur niveau. Au-delà de ses 26,8 points et 5,6 passes par match, le produit de Kentucky a trouvé la justesse dans son style. Défendre ces deux joueurs, terriblement dangereux en isolation, sera un véritable casse-tête pour leurs adversaires.

Il faut ajouter à cela un Deandre Ayton dominant physiquement et athlétiquement, en double-double de moyenne (18,4 points et 10,3 rebonds à 58,6% au tir). Chris Paul, sur la pente descendante, aura pour sa part la mission de ficeler le tout. On ne peut rêver de beaucoup mieux que le "Point God", toujours à 8,7 passes par match, pour mener une telle attaque à la baguette.

Avec la charge offensive que leur retira la nouvelle recrue, l’efficacité de tous ces joueurs devrait drastiquement augmenter. Il faut également prendre en considération que Monty Williams, maître du pick and roll, sera là pour assurer que son équipe ne devienne pas prévisible et maximiser le potentiel de chacun. Tant d’arguments qui classent définitivement Phoenix parmi les prétendants au titre cette année.

Leur bilan de 30-26 ne raconte pas toute l’histoire, loin de là. Gênés par de nombreux pépins physiques, les Suns évoluent en dessous de leur véritable niveau. En prenant bien cela en compte et au vu de l’ajout phénoménal qu’ils viennent de faire, ils se dégagent comme les clairs favoris dans la Conférence Ouest.

La concurrence semble désormais un cran en dessous. Les Kings, qui mettent tout leur cœur dans une potentielle qualification en playoffs, ne sont pas attendus bien loin. Les Grizzlies et les Pelicans restent globalement inexpérimentés pour leur part. Plusieurs groupes, comme les Clippers, ne sont pas sûrs de pouvoir arriver en postseason en pleine santé. Mavericks et Nuggets sont des équipes menaçantes, certes, mais tout de même moins impressionnantes sur le papier.

Phoenix apparaît ainsi en parfaite position pour retourner en finale. Avec un joueur comme Kevin Durant, qui brille dans les moments qui comptent, ils peuvent même espérer la remporter cette fois-ci. Un exploit qui serait inédit dans leur histoire. C’est en tout cas leur ambition dès cette année, mais aussi les suivantes.

Kyrie Irving sur Kevin Durant : « juste content qu’il soit sorti de là »

Une opération sur le court et long terme

Dans leur histoire, les Suns ont rarement eu l’occasion de se saisir de véritables superstars. Lorsque l’une d’entre elles se présente sur le marché, on pourrait ainsi craindre que la franchise se précipite. Combien de fois est-ce arrivé qu’une équipe tente le tout pour le tout sur le court terme et sacrifie son avenir ? Ici, il n’en est rien.

"Je suis concentré sur le fait de faire les bonnes choses, pas seulement à court terme. Je vais donc faire de bonnes choses à long terme. […] J’ai besoin de joueurs qui fit avec notre culture, qui veulent gagner et qui représentent une opportunité à long terme pour l’équipe", garantissait Mat Ishibia, avant ce transfert.

Kevin Durant, justement, est tout cela. Sous contrat jusqu’en 2026, il n’est clairement pas ici pour un one shot. La fenêtre de titre qu’offre ce transfert à l’équipe s’étend sur quatre années.

Les Suns peuvent se réjouir de leur situation salariale. Trois de leurs joueurs majeurs — Durant (34 ans), Booker (26) et Ayton (24) — sont sécurisés jusqu’à la saison 2025-2026. Ils savent ainsi qu’ils peuvent avancer sereinement dans leur projet, sans risquer de perdre l’un d’entre eux.

La franchise n’avait pas ce luxe avec Cameron Johnson, avec lequel elle n’avait pas encore trouvé d’accord pour une extension de contrat. Sa date de son départ n’a peut-être qu’été approchée de quelques mois, finalement. Celui de Mikal Bridges attriste peut-être plus les fans, mais l’ailier a déjà 26 ans et on ne pouvait attendre de sa part une progression exceptionnelle. Le choix de Kevin Durant est celui de la sécurité.

Bien sûr, les quatre premiers tours de draft sacrifiés engagent quant à eux l’équipe jusqu’en 2029. C’est toutefois un prix naturel à payer pour le meilleur joueur disponible sur le marché. Il faut également souligner que le contrat de Devin Booker l’emmène jusqu’en 2028. Cela signifie qu’au moins trois de ces picks, ainsi que le swap prévu en 2028, tomberont pendant qu’il sera — probablement, du moins — aux Suns.

De plus, la présence de KD apaise ceux qui voyaient Phoenix s’écrouler avec la perte de vitesse de Chris Paul. Le meneur de 37 ans, encore sous contrat partiellement garanti pendant deux ans, ne pouvait pas être le gardien de la réussite d’une équipe saine.

Les bienfaits de cette opération pourraient d’ailleurs se faire ressentir bien au-delà de cette génération. Destination initialement appréciée des athlètes, Robert Sarver rendait jusqu’ici le désert de l’Arizona peu attractif aux yeux des joueurs. Le changement instauré par Ishbia fait déjà tomber cette barrière. Mais si elle réussit à décrocher son premier titre avec Durant, la franchise pourrait même prendre une nouvelle dimension historique et une allure bien plus séduisante pour les décennies à venir.

On aurait presque envie de dire que le transfert de Kevin Durant est le coup parfait pour les Suns. Si c’est bien à la fin du bal que l’on paie les musiciens, on serait tenté de leur offrir une belle avance. Sur le papier, la partition a en tout cas tout d’une ode à la victoire sans précédent pour l’Arizona.

LIVE : tous les trades et les rumeurs avant la deadline