Dans le CQFR du jour, nos journalistes s’attaquent à une idée reçue devenue omniprésente : « la NBA ne défend plus ». Entre évolution du jeu, explosion du niveau technique et contraintes inédites pour les défenseurs, ils expliquent pourquoi cette affirmation passe à côté de l’essentiel.
« Aujourd’hui, tu prends un 7e ou 8e homme, il sait tout faire »
Le débat s’ouvre par un constat qui revient plusieurs fois dans l’épisode : la NBA n’a jamais été aussi dense en talent. Antoine et Théo rappellent que, comme dans tous les sports, les athlètes ont progressé.
« Aujourd’hui, athlétiquement, on est plus fort qu’il y a 20 ans. Les athlètes évoluent, profitent, de leur époque, de ce qu’il y a eu avant eux, de la science », note Antoine.
Et cette évolution ne touche pas seulement l’élite.
« Aujourd’hui, tu prends un 7e ou 8e homme, il sait tout faire », poursuit-il.
Step-back, tir longue distance, lecture de pick-and-roll, ballhandling : même les joueurs de rotation possèdent désormais des outils qui étaient autrefois réservés aux superstars.
Cette montée générale du niveau technique change la donne : les défenseurs doivent gérer plus de menaces, plus loin du cercle et plus souvent.
Défendre n’a jamais été aussi difficile en NBA
C’est le cœur du raisonnement : la défense n’a pas régressé, elle évolue dans un cadre devenu beaucoup plus exigeant.
« Dans les années 90, si tu enlèves la transition, tu défendais sur 5 ou 6 mètres », rappelle Antoine. Le jeu était plus compact, moins espacé, et les tirs lointains beaucoup moins fréquents. De nos jours, l’espace à couvrir est devenu immense.
« Aujourd’hui, les défenseurs doivent défendre sur 10 ou 11 mètres, tous les soirs. » À cela s'ajoute un rythme de jeu accéléré et un nombre de possessions bien plus élevé qu’il y a trente ans. On ne peut plus défendre 82 matchs comme dans une série de playoffs des années 90. Le rythme n’a rien à voir.
Résultat : défendre demande plus d’efforts, plus de courses, plus de prise d’informations… tout en gardant la même charge de matchs.
Une complexité tactique jamais vue
Les deux journalistes insistent également sur l’aspect stratégique. Entre les changements automatiques, les zones match-up, les défenses hybrides et les adaptations en fonction des cinq joueurs sur le terrain, l’arsenal tactique s’est considérablement enrichi. Et l’exigence des lectures de ce que fait l’attaque s’est accrue.
« Le nombre d’ajustements défensifs dans un match de saison régulière, en fonction de quel est le moment du match, de qui est sur le terrain, de quelle défense on fait, d’est-ce que l’adversaire joue le main à main alors que tel ou tel joueur est dans le corner, etc., c’est fou », explique Théo.
Et pour un défenseur NBA, il faut intégrer tout cela en temps réel, dans un contexte où chaque attaquant possède plusieurs menaces simultanément.
« Depuis notre canapé, on ne voit pas le quart de ce que le défenseur doit gérer dans la possession », conclut Théo. Ce n’est donc pas un manque d’effort, mais un surplus de contraintes.
Comparer les époques sans opposer les joueurs
Nos journalistes refusent l’idée selon laquelle les joueurs d’hier défendraient « mieux » que ceux d’aujourd’hui. Ils rappellent que le contexte détermine les styles.
« Je n’ai pas de doute sur le fait que les meilleurs défenseurs d’hier s’adapteraient aujourd’hui. Tu mets Hakeem Olajuwon ou Scottie Pippen dans la NBA moderne, ils sont dans le premier 5 All-Defensive Team. C’est des joueurs qui se seraient adaptés. »
L’inverse est vrai également : un joueur actuel placé dans la NBA des années 80 ou 90 n’aurait pas joué de la même façon. Le jeu change, les règles changent, les espaces changent.
Le débat n’est donc pas une comparaison de “volonté” ou de “dureté”, mais bien de contexte.
Alors, ça ne défend vraiment plus ?
Au vu des arguments présentés dans le CQFR, la réponse est nette : la défense n’a jamais été aussi difficile, et non, les joueurs ne défendent pas moins.
Ils font face à des attaquants plus complets, à un rythme plus élevé, à plus d’espace, et à une complexité stratégique sans commune mesure avec celle d’il y a 30 ans.
« C’est trop compliqué, c’est trop dur de défendre (aujourd’hui) », assure Théo.
Dire que « ça ne défend plus » revient donc à ignorer la transformation du jeu moderne. La réalité, c’est que les défenseurs doivent faire davantage… pour un résultat qui semble parfois similaire, parce que les attaques progressent encore plus vite.
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Et si on remonte aux 90's, encore plus.
Après, il y a plusieurs facteurs qui expliquent l'augmentation du scoring : d'abord la plus grande densité niveau skills : on ne doit faire l'impasse sur personne là ou certains joueurs avant, on devait juste faire attention à ce qu'ils ne se fassent pas oublier seuls en dessous. Et surtout, le fait que tout le monde ou presque peut mettre un shoot ouvert de loin fait qu'on est obligé de défendre plus loin et donc la raquette s'ouvre.
Mais aussi, le "niveau" des joueurs n'est pas la seule explication : l'interdiction des antennes par exemples (Pippen lui-même, référence défensive, disait que ça lui facilitait largement la tâche), la (large) plus grande tolérance sur les marchers, et la plus grand sévérité sur le fait de ne pas retomber dans le cylindre d'un joueur en contestant un shoot (ce dernier aspect est une très bonne chose cela dit) rendent la défense beaucoup plus difficile aujourd'hui.
Bref, les défenses ne sont pas moins bonnes, elles ont la tâche plus difficile. Et sur certains aspects, ça serait pas une mauvaise idée à mon avis que la ligue rééquilibre un peu la balance.
L'attaquant de maintenant a donc beaucoup plus d'options quand le défenseur en a moins (handcheck prohibé, contacts moins tolérés), si vous rajoutez à ça une attaque qui s'est écartée à outrance avec les tirs à 3 forcément c'est un peu la prime à l'attaque.