Giannis et les Bucks, pourquoi ils se sont plantés et comment ils peuvent se relever

Giannis Antetokounmpo et les Milwaukee Bucks ont vécu une terrible désillusion en sortant dès le deuxième tour. Il faut repartir de l'avant... et vite.

Giannis et les Bucks, pourquoi ils se sont plantés et comment ils peuvent se relever
« On n’aurait jamais dû venir ici de toute façon. » George Hill ne savait pas à quel point ses mots allaient s’avérer vrais, même s’il ne faisait pas référence au basket. Le meneur des Milwaukee Bucks hésitait déjà à débouler dans la bulle Disney avant même que la NBA fasse son grand débarquement sur le campus. Tiraillé par la triste situation de son pays. Touchés par la tentative de meurtre de Jacob Blake, victime d’une énième bavure policière, Giannis Antetokounmpo, Hill et leurs coéquipiers songeaient à se barrer en plein playoffs. Pour finalement opter pour un boycott express, quand même certains de leurs pairs leur reprochaient d’avoir pris cette décision sans les concerter. Les Bucks n’auraient jamais dû venir ou peut-être plutôt qu’ils n’en ont jamais vraiment eu envie. Contraints par cette épidémie à couper leur saison en deux, comme tous les autres. Sauf qu’ils n’étaient plus les mêmes à la reprise. Plus pâlots, moins conquérants, moins appliqués, moins sûrs de leur force. Avec, au bout, cette sortie de route prématurée dès les demi-finales de Conférence. Un terrible échec. Terrible parce que la franchise visait – avec insistance – le titre. Et elle pouvait y croire. Terrible dans la manière. Le Heat s’est baladé. C’est comme si Giannis Antetokounmpo et ses partenaires semblaient en fin de compte très loin de pouvoir rivaliser avec les meilleurs. Et terrible pour le timing, juste avant une intersaison décisive pour le management.

Qui pour seconder Giannis Antetokounmpo ?

Même s’il est injuste de juger cet effectif uniquement pour ses performances dans le contexte si particulier du COVID-19, le constat avec un léger recul reste très alarmant pour Milwaukee : cette équipe n’a pas ce qu’il faut pour aller au bout. Pas en l’état. Pas sans ajustements. Le (bientôt double) MVP est entouré de plusieurs bons, voire très bons, basketteurs. Mais la réalité, c’est, qu’aujourd’hui, ça ne suffit pas tout à fait. Il ne s’agit pas d’une manière de dédouaner le Grec de ses propres responsabilités dans cette déroute. Lui aussi devait hausser son niveau de jeu pendant les playoffs. Lui aussi a une nouvelle fois montré des limites, sensiblement les mêmes que par le passé. Mais il n’a pas son Anthony Davis. Ou son Paul George. Aucune autre superstar à ses côtés. Certes, il n’est pas le seul dans cette situation à l’Est. Jimmy Butler a pour lieutenant Bam Adebayo et Goran Dragic. Jayson Tatum compose avec Kemba Walker et Jaylen Brown. Kyle Lowry alterne avec Pascal Siakam et Fred VanVleet. Sauf que le profil si particulier d’Antetokounmpo nécessite la présence d’une deuxième tête d’affiche à ses côtés. Et ce aussi longtemps qu’il ne développera pas un arsenal varié et vraiment fiable sur demi-terrain. Quoi qu’en disent ses détracteurs et quoi que laissent penser les résultats ou les statistiques de ces playoffs, il a déjà fait des progrès. Petit à petit. Chaque année depuis son arrivée en NBA. Il n’hésite plus à prendre des tirs lointains quand la défense recule. Il n’en met pas assez pour représenter une vraie menace mais l’attitude est bonne. La mécanique gagne en fluidité. Autant d’éléments qui donnent envie de croire qu’il finira par passer le palier.

Eric Bledsoe et Khris Middleton montrent leurs limites

Mais en attendant, Giannis, il faut le voir comme un intérieur très athlétique et très dominant. Un Shaquille O’Neal (celui du Magic). Pas le même profil, certes. Dans l’idée, pourtant, il y a de ça. Ce grand de sept pieds (ou presque) très dominant physiquement, capable de faire exploser une défense en transition, de dunker sur les autres, etc. Shaq n’aurait jamais gagné sans son Kobe Bryant. Sans son Dwyane Wade. Sur qui le « Greek Freak » doit-il compter ? Eric Bledsoe et Khris Middleton. Pas de manque de respect. Encore moins envers Middleton, un vrai bon joueur all-around. Le problème, donc, c’est que tant que la superstar des Bucks n’est pas à même de vraiment faire la différence – avec efficacité répétée – sur demi-terrain, ce sont Bledsoe et Middleton qui se retrouveront avec de nombreux ballons importants à négocier. Et ils ne sont juste pas assez forts pour le faire à partir d’un certain stade de compétition. C’est presque aussi simple que ça. Une statistique pour illustrer : Bledsoe tourne à 11,9 points, 36% aux tirs, 23% à trois-points et 4,4 passes lors des TROIS dernières séries de playoffs perdues par Milwaukee. C’est un bon joueur de basket. Mais quand les défenses se resserrent et face à la crème de la ligue, il est en-dessous. Middleton est plus taillé pour enfiler le costumer de la troisième option que de la deuxième. Ces différences se ressentent évidemment moins en saison régulière. Certaines équipes sont en rodage, il y a beaucoup plus d’adversaires faibles, plus d’application en défense, etc. Mais en PO, Giannis Antetokounmpo a besoin de son alter ego. Pas nécessairement un joueur plus fort que lui, comme le laissait entendre Richard Jefferson qui le comparait à Scottie Pippen. Déjà parce qu’ils se comptent sur les doigts d’une main en NBA. Qui est vraiment plus fort que lui intrinsèquement ? Kawhi Leonard, Kevin Durant en bonne santé et éventuellement LeBron James. Ça ne fait pas beaucoup. Giannis Antetokounmpo, « un Pippen qui a besoin de son Jordan » pour Jefferson

Chris Paul le sauveur ?

[caption id="attachment_568136" align="alignnone" width="1155"] NBA Chris Paul Milwaukee Bucks[/caption] Ce qu’il faut à Milwaukee, c’est un autre joueur du top-15 ou top-20 NBA. Et ce n’est donc pas du tout un hasard si le nom de Chris Paul circule actuellement dans le Wisconsin. On tient là la cible parfaite. Un meneur très expérimenté, lui aussi à la recherche de sa première bague, bon défenseur, général des parquets, clutch, capable de tirer ses coéquipiers vers le haut, d’alimenter un scoreur en ballons mais aussi de se créer son propre tir et de mettre dedans. Les Bucks feraient bien plus figure de candidats au titre avec un meneur comme CP3. Sauf que le vétéran est sous contrat avec le Thunder (et un contrat bien lourd). Donc à moins qu’Oklahoma City souhaite s’en séparer… C’est tout de même une possibilité. Même si la franchise a réussi une très belle saison – avant de sortir en sept manches au premier tour – elle sera amenée à se reconstruire autour de Shai Gilgeous-Alexander à un moment ou un autre. Les Bucks peuvent fournir des picks, le contrat de Bledsoe et Donte Di Vicenzo. Difficile de dire aujourd’hui si c’est vraiment réalisable mais voilà pour la théorie. Chris Paul, un autre candidat au titre prêt à miser sur lui ? La marge de manœuvre des dirigeants est très réduite. Ils ont fait une erreur en laissant filer Malcolm Brogdon l’été passé. Ça peut paraître facile à dire aujourd’hui, surtout après l’explosion de l’ancien ROY depuis son arrivée aux Pacers, mais on sentait déjà que c’était une mauvaise idée en juillet 2019. Brogdon était l’un des joueurs les plus sûrs du groupe ! Plus que Bledsoe. Ce qui est fait est fait. Milwaukee a maintenant une masse salariale bien grasse et peu d’assets à échanger pour renforcer sensiblement l’effectif. Toutes les améliorations devront se faire à la marge. De meilleurs remplaçants au minimum, des progrès internes, peut-être un autre coach, etc. Le timing n’est pas optimal. Le temps presse. Giannis Antetokounmpo peut prolonger pour le super max cet automne. On peine à croire qu’il le fera. Dans ce cas là, il deviendrait Free Agent en 2021. Toujours dans l’hypothèse où il refuse l’extension monumentale, certains y verront le signe qu’il veut changer d’air. Pas sûr. D’autres espèrent ou s’attendent à ce que l’expiration imminente de son contrat pousse la direction à le transférer. Absolument aucune chance. On n’y croit pas du tout. Une franchise ne se sépare pas d’un joueur de ce calibre sans qu’il ne le demande. Il faut comprendre que là c’est un double-MVP. Ce n’est ni Kyrie Irving, ni Paul George. Et même eux ont été échangés seulement après avoir réclamé leur départ. Big G assure qu’il ne demandera pas à partir. Ça, on y croit. En revanche, en 2021… ça serait évidemment beau de le voir finir sa carrière au sein de la même franchise. Encore plus pour un petit marché comme Milwaukee. Aujourd’hui, on estime (pure spéculation, absolument pas une info) à 70-80% ses chances de rester aux Bucks. Un échec de plus l’an prochain et ça descend sur du 50-50. Si ses dirigeants ne sont pas en mesure de l’entourer d’un meilleur extérieur, pourquoi ne pas tenter sa chance ailleurs ? Il y a même la problématique de la ville, qu’il apprécie, au-delà du sport. Père de famille, veut-il élever son fils dans une zone autant frappée par le racisme ? C’est même lui qui avouait « réfléchir à son envie d’élever une famille ici » après la fusillade de Jacob Blake dans le Wisconsin. Par ici, il élargissait peut-être aux Etats-Unis. Mais ça tombe, une certaine franchise canadienne ferait partie des grands favoris pour le signer en 2021. Les Raptors, évidemment. Une ville de Toronto réputé pour être cosmopolite. Ou le soleil de Miami ? Voire même la culture européenne de San Francisco. Bref, les candidats seront nombreux. Les Bucks n’auraient peut-être jamais dû venir dans cette putain de « bulle » mais il faut espérer pour eux qu’ils puissent en sortir mentalement – sur les parquets c’est déjà fait – pour comprendre cet échec, en tirer les leçons et aller de l’avant. Sous peine de rester des années cette équipe qui « aurait pu » qui n’a jamais concrétisé. Avec ou sans Giannis Antetokounmpo.