Kawhi Leonard n’est déjà plus le même

Depuis son arrivée à Toronto, Kawhi Leonard est non seulement resté un formidable joueur, mais il a commencé à fendre un peu la carapace.

Kawhi Leonard n’est déjà plus le même
Kawhi Leonard est toujours un formidable joueur de basket. Possiblement l'un des cinq meilleurs de la planète et l'un des plus forts des deux côtés du terrain. Ses débuts à Toronto, alors qu'il sort d'une saison quasi-blanche et marquée par un triste imbroglio avec les San Antonio Spurs l'a confirmé. Alors qu'il ne paraît même pas encore complètement à 100%, l'ancien MVP des Finales est tout de même suffisamment affûté pour faire des Raptors la meilleure équipe de la ligue en termes de bilan. Quelque chose a néanmoins changé chez lui. Rien d'extrêmement perceptible sur le terrain, où il continue de terroriser les adversaires en réussissant plus d'interceptions qu'il ne commet de fautes. Leonard semble, petit à petit, fendre la carapace. On ne dit pas que l'ailier All-Star est devenu le joueur le plus expressif de la ligue ou qu'une grande palette d'émotions se lit dans son comportement. Mais doucement, au fil des semaines, Kawhi s'ouvre, fait passer des sentiments, des points de vue, du mécontentement, de la satisfaction. Comme si le basketteur au comportement quasi-mécanique, uniquement tourné vers la performance et l'envie de bien faire son job, faisait sa mue à 27 ans. Comme s'il faisait partie d'un de ces films hollywoodiens où le robot devient un peu plus humain chaque jour au contact du gentil héros. Dimanche, alors que Toronto menait de 20 points contre Miami, Kawhi Leonard a pris une faute technique. Il s'agissait de la première de toute sa carrière en saison régulière et de la deuxième toutes compétitions confondues après un minuscule accrochage avec Caron Butler lors des playoffs 2012. En temps normal, dans une rencontre déjà gagnée, l'ancien protégé de Gregg Popovich aurait laissé passer l'énorme erreur d'arbitrage dont il a été victime. Mais sur ce coup, voir le jeu se poursuivre alors que son bras a clairement été attrapé l'a poussé à avoir une réaction normale : un cri d'agacement, quelques mots d'énervement et d'incompréhension envers le toujours tatillon Tony Brothers. L'excès de zèle de ce dernier est manifeste et d'autres auraient parcouru le terrain en hurlant et en bondissant à la place de Kawhi. Simplement, pour lui, si placide et loin de l'idée même de contestation, c'en était trop. Devant les médias aussi, Leonard a (un peu) modifié son approche. Les réponses sont moins brèves, plus développées et franches. On ne parle pas de sa première conférence de presse un peu lunaire dans l'Ontario, avec le rire peu académique qui a fait le tour du web par la suite. Lorsqu'il est attaqué, il répond. Même lorsque cela vient de l'homme qui lui a permis de devenir celui qu'il est. Samedi, Gregg Popovich adressait un tacle un peu étonnant à son ancien joueur dans les colonnes de USA Today.

"Kawhi était un super joueur, mais ce n'est pas comme si c'était un leader. Manu et Patty étaient des leaders. On regrettera toujours son talent, mais le leadership n'était pas son truc. Ça aurait pu venir en progressant".

Là où il aurait peut-être répondu en quelques mots qu'il n'avait rien à répondre à ces déclarations il y a quelques mois ou années, l'intéressé n'a pas esquivé lorsqu'il lui a été demandé de réagir.

"J'ai entendu ça. C'est amusant pour moi parce que je ne sais pas s'il parlait juste de l'an dernier ou non, mais j'ai le sentiment que les gens oublient le leader que vous êtes quand vous ne jouez pas. Je suis un leader par l'exemple. En allant à l'entraînement tous les jours, en jouant dur et en étant prêt mentalement. Ce sont des choses qui ne se voient pas sur le terrain. Il y a des gars qui me posent des questions sur leurs duels défensifs et je leur donne des conseils. J'encourage les gars", a-t-il expliqué sur ESPN.

[caption id="attachment_442933" align="alignleft" width="300"] Voir Kawhi sourire, ça fait toujours un drôle d'effet.[/caption] Étonnamment détaillé pour un garçon aussi traditionnellement taiseux. La blague récurrente lorsqu'il portait le maillot de San Antonio concernait son incapacité totale à sourire quel que soit le contexte. Il s'était contraint à le faire pour le besoin d'une pub à l'occasion, mais le visage de Kawhi Leonard est souvent resté impassible. Face à Orlando la semaine passée, son langage corporel a lui aussi été plus intense qu'à l'accoutumée. Voir Leonard lever les bras au moment où Danny Green déclenche son shoot pour la gagne, puis être quasiment hilare en venant féliciter son camarade clutch tient presque de l'anomalie. Kawhi Leonard est de moins en moins un cyborg et de plus en plus un homme qui prend du plaisir là où il ne pensait pas pouvoir en prendre. On est encore très loin de la free-agency, mais le pari pris par Masai Ujiri durant l'intersaison prend une tournure de plus en plus intéressante.

Sa faute technique contre les Clippers en 2012