Précipitation, mauvais choix, incohérences : les Sixers vont droit dans le mur

Précipitation, mauvais choix, incohérences : les Sixers vont droit dans le mur

Avant il y avait le "process". Aujourd'hui, les Sixers avancent dans le flou... Par petits pas, mais sans vision. C'est la meilleure façon d'aller dans le mur.

Antoine PimmelPar Antoine Pimmel | Publié  | BasketSession.com / MAGAZINES / Article
Sam Hinkie avait une vision. Un plan. Il rêvait de ramener les Philadelphia Sixers au sommet. Au moment de son arrivée, en 2013, la franchise restait sur sept qualifications pour les playoffs en douze saisons depuis les finales NBA disputées en 2001. Sept qualifications pour deux éliminations en demi-finales de Conférence et cinq sorties de route au premier tour. Une équipe sympathique, solide mais pas sensationnelle, historique mais sans plus. Inintéressante. Une équipe du milieu de tableau, quoi. La place du con dans la ligue la plus relevée du monde. Celle qui permet rarement d’attirer les superstars, sauf si les lettres L.A.K.E.R.S. sont inscrites sur le maillot, et qui ne donne pas le droit à un excellent choix à la draft, l’autre manière de récupérer une superstar, sauf… ben sauf énorme coup de chance. Alors Hinkie s’est lancé dans une entreprise diabolique (aux yeux de certains détracteurs) : détruire complètement les Sixers. Les exploser. Littéralement. Se débarrasser de tous les joueurs un tantinet talentueux – Jrue Holiday, Andre Iguodala, Thaddeus Young, oui même Thaddeus Young – pour obtenir des futurs assets en l’échange. Avoir le maximum d’espace sous le Cap pour être la poubelle de la NBA, absorber les salaires mirobolants de joueurs surpayés en fin de contrat, tout en demandant un premier tour de draft dans le deal. Le fameux Process. Le put*** de Process. Le GM génial n’a malheureusement jamais pu profiter des merveilles de sa stratégie critiquée, remplacé par Bryan Colangelo (déguerpi depuis) quand l’équipe allait se mettre à gagner. Grâce à lui, les Sixers ont notamment mis la main sur Joel Embiid et Ben Simmons. Deux joueurs considérés comme des talents générationnels. Deux premiers choix de draft. Bon, le Camerounais a été choisi en troisième position en 2014 mais il était LE joyau de cette cuvée. Mais sept ans après la révolution menée par Hinkie, Philly peine à franchir le pallier suivant. Celui qui devait justement se conclure par un sacre. Le club reste sur trois désillusions successives en playoffs : deux échecs au second tour, un au premier, cette saison. Ça ne vous rappelle rien ? C’est presque comme un retour en arrière. Sauf que cette fois-ci, les stars sont déjà là. Embiid. Simmons. La « hype » était bien réelle. Jojo (pas MJ) est le pivot dominant attendu. Grand, costaud, agile et même adroit. L’Australien est bien une forme moderne – moins forte – de LeBron James. Deux joueurs de 26 et 24 ans. Deux All-Stars. Mais pour l’instant, ça coince.

Les Sixers avancent dans le flou

C’est ironique parce que ce qu’il manque aux Sixers, aujourd’hui, c’est justement une vision. Un plan. La franchise et ses dirigeants avancent dans le flou. Ou du moins, c’est l’impression qu’ils renvoient. Ils deviennent durs à suivre. Brett Brown, le coach nommé par l’oncle Sam en 2013 s’est fait virer. Logique. Le coach paye toujours en premier les échecs répétés, sauf rares exceptions. Après avoir évoqué plusieurs pistes loufoques (Mike D’Antoni ? Avec cet effectif ?), les 76ers se sont finalement amourachés avec Doc Rivers. Fraîchement licencié par les Los Angeles Clippers après avoir essuyé le troisième affront de sa carrière. Une nouvelle « remontada » après avoir mené 3-1 en playoffs. Ce choix peut déjà faire grincer des dents. Mais pourquoi pas. Rivers a déjà gagné. Peut-être qu’il saura maximiser les talents de Simmons et Embiid. Ce n’est pas comme s’il avait réussi à y parvenir avec Chris Paul et Blake Griffin. Ou encore Kawhi Leonard et Paul George. Bref. Non, ce qui est vraiment surprenant, c’est la décision de placer un coach sur le banc, et pour cinq ans en plus, juste avant… de changer de direction. De présidence. Parce que oui, quelques jours après avoir fait débarquer le Doc, les Sixers ont misé sur Daryl Morey. Lui aussi fraîchement licencié. Daryl Morey déboule aux Sixers, choix surprise ! Normalement, ça se fait dans l’autre sens. Le GM débarque et il choisit son coach. C’est juste du bon sens. Comme l’ont fait les Chicago Bulls par exemple. Parce que ces deux personnes essentielles au bon fonctionnement d’une franchise vont devoir travailler main dans la main. Il faut qu’elles se fassent confiance. Qu’elles soient sur la même longueur d’onde. C’est plus facile quand celui le plus haut dans la hiérarchie a nommé lui-même celui juste en-dessous.

Morey et Rivers, deux philosophies différentes

Là, l’équipe de Philadelphia se retrouve donc avec un entraîneur « old school » sur certaines pratiques, pas toujours ouvert aux analytiques – c’est un euphémisme – qui va devoir composer avec un dirigeant qui se veut meneur d’une nouvelle ère dans le basket et qui ne jure que par les chiffres et les statistiques avancées – c’est aussi un euphémisme. Waouh. Le mélange promet d’être explosif. C’est sans même évoquer la place d’Elton Brand, GM qui venait enfin d’avoir les mains libres, dans tout ça et qui se retrouve désormais avec Morey pour le commander. C’est à se demander si les Sixers n’ont pas juste continuellement agi dans l’urgence et la précipitation, sans direction claire. Tiens, Rivers est libre, signons-le. Tiens, Morey est libre, signons-le. Sauf que ça, traditionnellement, ça ne mène nulle part. Avec l’arrivée de l’ancien gourou des Houston Rockets se pose la question de l’avenir de Ben Simmons et Joel Embiid. En vérité, elle se posait déjà avant. Parce que même si leur vécu commun reste faible – l’équivalent de deux saisons régulières à cause des blessures de chacun – leur manque de complémentarité est souvent souligné. Morey débarque, Simmons ou Embiid sur le départ ? Les deux veulent la balle. Les deux ont besoin de la balle. Embiid parce qu’il aimerait dominer comme ces glorieux prédécesseurs Shaquille O’Neal et Hakeem Olajuwon. Simmons parce que sans… il ne sert presque plus à rien. Absolument inefficace à plus de quatre mètres du panier, le « meneur » est un poids mort quand il joue sans le ballon. Parce que son vis-à-vis s’écarte. Ainsi est décédé le spacing des Sixers depuis trois ans.

Ben Simmons et Joel Embiid condamnés à un transfert ?

En trouvant les bons fits autour, les coaches pourront peut-être sublimer ce duo très doué sur le papier. Mais dans tous les cas, le tandem ne colle pas non plus avec la philosophie de leur nouveau patron. Morey veut du trois-points, des layups ou des lancers. Embiid aime jouer dos au panier, l’une des positions les moins rentables selon les adorateurs d’analytiques. Simmons, encore une fois, raterait un hippopotame dans un corridor. Le dirigeant osera-t-il se séparer dès maintenant de l’une de ses deux stars ? Peu probable. Parce qu’il est délicat de transférer des joueurs aussi forts – même si Morey est réputé pour n’en avoir strictement rien à carrer de l’avis du peuple. C’est pour ça que Brown a sauté en premier. D’abord le coach. Toujours. Histoire de voir si le problème venait de là. Pourtant, il est évident que le mal est plus profond. Peut-être que Simmons et Embiid ne brilleront jamais vraiment ensemble. Enfin si. Mais pas au-delà du deuxième tour. Ou éventuellement une finale de Conférence. Pas le milieu du tableau, mais presque. Alors, dans un ou deux ans, après un ou deux échecs de plus, peut-être que Morey cédera en lâcher un. Ou deux. Les rumeurs circulent déjà. Le plus triste, ça reste que les Sixers, une franchise avec un passé, des couleurs, une âme, n’ont toujours pas de direction. En fait si, ils vont droit dans le mur.
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