Dans le dernier épisode de Mind The Game, Steve Nash et LeBron James ont reçu Luka Doncic. Au milieu de tout un tas de choses intéressantes et intelligentes, LBJ s’est aussi fourvoyé en reprochant à d’autres - les entraîneurs individuels - ce dont on pourrait lui-même l’accuser si on raisonnait comme lui.
Petite parenthèse, ce n’est pas une session anti-LeBron James, hein. D’ailleurs j’en ferai une demain sur les propos hyper intéressants qu’il a tenus également sur un sujet qui me tient à cœur : l’hyperspécialisation des jeunes joueurs.
A vrai dire, je partage le gros de son propos. Qui est de dire que les jeunes joueurs aujourd’hui se reposent beaucoup trop sur des entraîneurs individuels.
« Je n’ai pas eu d’entraîneur particulier avant ma deuxième, troisième ou quatrième année en NBA. Mon entraînement de basket consistait juste à être sur le terrain. Juste jouer. »
Totalement vrai et très lié à l’hyperspécialisation évoquée plus haut. Mais il va plus loin, en critiquant ces coaches :
« Beaucoup de ces coaches en développement individuel et entraîneurs personnels impliqués dans la vie de ces gamins veulent en fait être plus célèbre que le joueur. Ils pensent qu’ils sont plus importants que le joueur qu’ils entraînent. Leur motivation n’est pas pure, désintéressée. Ils veulent être reconnus. Ils veulent parler aux médias. »
Pour LeBron James, ces entraîneurs particuliers veulent attirer à eux l’attention mise sur leurs joueurs.
« Disons, par exemple, que j’entraîne Luka pendant deux étés et qu’il explose. Maintenant ils veulent faire des interviews - mais ce n’est pas le putain d’objectif, si ? L’objectif, c’est d’aider le gamin à être meilleur.
L’aider à mieux voir le jeu qu’il ne le faisait avant. Ce n’est pas pour que tu sois célèbre. Et je pense que ça a beaucoup changé le paysage - les enfants ne connaissent plus la pureté ou l’essence et la beauté du jeu. »
Ouais… Alors bien sûr, il y a des dérives. Mais on est malgré tout dans une société où beaucoup veulent avoir les lumières braquées sur eux. Du sportif/artiste/… de haut niveau à des gens totalement lambdas sans talents particuliers. Une société où influenceur est devenu un métier et, pire, une raison d’être pour certains. Les abus, on les voit partout, et clairement pas que chez les coaches.
Et qu’il le veuille ou non, en se surexposant, en amassant des centaines de millions, LeBron James a - comme beaucoup de stars de ces dernières années - exploité cette tendance, tout en contribuant à son développement. Ce qui n’est pas scandaleux en soi, sauf si c’est pour reprocher à des gens qui n’ont certes pas son talent, mais pas non plus ses revenus (et c’est logique) de chercher à faire croître leur marque, leur nom, comme lui le fait de manière démultipliée.
Je suis passé ce weekend sur le Tournoi Inter-Pôles qui regroupaient les meilleurs pôles régionaux U15 de France. Sans surprise j’y ai vu des agents autour des terrains, comme il doit y en avoir un paquets sur le circuit AAU. Et c’est normal, c’est leur taf. Un taf nécessaire d’intermédiation au moment - pour des jeunes basketteurs à qui on a dit de se consacrer toute leur vie au basket, mais pas à étudier le business ou les techniques de négociation, ni le droit du travail dans le sport - de discuter avec des clubs ou des sponsors.
Je me suis dit que dans le lot de ces talents, certains décrocheront peut-être de très gros contrats, voire le jackpot s’ils ou elles vont jouer en NBA/WNBA. Les agents aussi. Et c’est normal. Les formateurs, non. Rien, si ce n’est la satisfaction de savoir qu’ils ont contribué au développement du gamin. Certains de ces formateurs feront carrière, beaucoup resteront dans l’ombre. Parmi eux, il y a aussi bien les coaches au Pôle et les entraîneurs des premiers pas en club, que des gars qui font bosser individuellement ces enfants. Parfois, ces coaches de club et ces entraîneurs individuels sont les mêmes - qu’ils fassent payer le gamin ou pas.
Si un des jeunes qu’ils ont développés finit par percer, à quel moment c’est un scandale que de vouloir le faire fructifier ? Ces mecs-là ne sont pas milliardaires comme LeBron James, ni millionnaires comme d’autres joueurs ou des agents qui les ont aidé à gérer leur carrière. Pourquoi ne se feraient-ils pas connaître afin de développer leur réseau, de travailler avec plus de jeunes et de gagner une rémunération digne de ce nom ?
Se mettre en avant pour générer plus de business, n’est-ce pas ce que LeBron James fait lui-même ? Pourtant ses contrats sont déjà monstrueux et personne ne vient lui dire qu’il s’expose (encore plus qu’il n’est déjà exposé) pour de mauvaises raisons et qu'il a perdu de vue l'amour du jeu.
C’est comme partout : certains le font peut-être trop pour la gloire, mais il y a des joueurs, des artistes, etc., qui le font aussi pour ça. Car comme le conclut LeBron, certains enfants ne connaissent plus l’essence et la beauté du jeu. Mais dire que c’est de la faute des entraîneurs individuels, alors que tout dans cette société concourt à faire oublier l’essence des choses, c’est fort.
Le niveau de rémunération et de gloire des plus grands sportifs comme LeBron, tout le marketing, la comm’ et le business qu’ils laissent développer autour d’eux contribuent indirectement à cette perte d’amour prématurée pour le jeu chez certains jeunes. Les parents et leurs projets Mbappé au foot, on les a depuis quelques années au basket également. Et ça ne va pas s’arranger avec la gloire et les dollars que va légitimement accumuler Victor Wembanyama. Ce n'est clairement pas le genre d'ambiance qui maintient l'amour du jeu et l'innocence chez le jeune joueur obligé de s'entraîner comme un petit pro dès le plus jeune âge. Et les coaches individuels ne sont qu’un symptôme de ce phénomène. La conséquence de parents et de gamins qui rêvent de gloire en voyant les stars.
Et pour percer dans ce monde de tarés, où tout n’est qu’image, ce n’est pas étonnant qu’ils cherchent à se mettre en avant. C’est en revanche plus étonnant qu’une personne aussi intelligente que LeBron James, véritable maître dans le domaine de savoir exploiter son image, le reproche aux parents pauvres de notre sport : les coaches. Quand bien même - ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit - il y a chez eux aussi beaucoup de dérives et de mecs qui veulent vivre leurs rêves par procuration. Mais il y a aussi un paquet d'entraîneurs, y compris chez ceux qui se font rémunérer pour un entraînement individuel, de vrais passionnés qui trouvent là un moyen d'aider à transmettre leur passion tout en étant rémunéré.
LeBron James – Luka Doncic, un duo incapable de viser le titre NBA ?
Après, j'ai l'impression qu'on n'en est pas encore là en France même si la recherche du club qui permet de se montrer peut aussi occasionner des dérives, tous les prospects n'ayant pas forcément les mêmes besoins pour se développer.
Je pense qu'il ne devrait pas orienter son propos sur les coachs d'été (le joueur veut aller travailler l'été sur son développement personnel, je trouve ça bien personnellement). Le problème c'est ceux qui bossent avec des coachs perso pendant la saison. Le mec qui prend un avion pour venir faire quelques séances à Mo Bamba par exemple puis qui la semaine suivante va travailler avec Mikal Bridges, puis la suivante Z.Risacher et il revient à Bamba ...
Je ne pense pas que ces gars là gagnent des clopinettes pour le coup.
Le problème c'est que ce coach là se concentre sur toi, comment t'améliorer. Mais ce travail ne sera pas forcément en adéquation avec les besoins de ton équipe. Et au final tu te retrouves à ne jamais jouer (les exemples français ne manquent pas).
Mais en arrivant en NBA le meilleur moyen de progresser c'est de jouer comme le dit Lebron. Et pour ça les jeunes feraient mieux de s'appuyer sur l'immense staff, souvent très compétent, que les équipes possèdent. Le staff en place sait ce dont l'équipe a besoin (au moins ce qu'ils veulent mettre en place), et ils récompenseront plus facilement un joueur avec qui ils travaillent qu'un joueur qui préfère prendre un coach personnel dans son coin.
Le problème si tout le monde bosse dans son coin c'est que tu as une somme d'individualités, qui est peut-être meilleure individuellement, mais qui collectivement est plus faible. Le joueur doit écouter qui en premier ? Son coach d'équipe ou son coach individuel ?
Prend les Gomis qui se sont fait un nom en bossant avec Batum et Gobert, des gars qui étaient déjà installés. Ils ont pris Ntilikina ou Doumbouya très jeunes. Ca ne les a pas aidé à percer.
En revanche, je te trouve un peu dur. On a pas eu la même lecture. La manière dont je l'ai vue, c'est qu'il a dû voir, au fur et à mesure, autour de ses gamins, un paquet de dérives qui l'ont bien saoulé et que c'est sorti de cette manière dans le pod.
Certes, c'était peut-être maladroit mais quand tu prends l'exemple de la formation en France, c'est très différent. Toute la base de nos sports existe grâce à des bénévoles. Ça n'existe quasiment pas aux États-Unis où le coach de basket en middle school est rémunéré.