Deep in the Forest : plongée exceptionnelle dans la saison NCAA d’Olivier Sarr à Wake Forest

Olivier Sarr a achevé sa troisième saison à Wake Forest. Plongée exceptionnelle dans le quotidien universitaire d’un Français qui va compter dans les années à venir !

Deep in the Forest : plongée exceptionnelle dans la saison NCAA d’Olivier Sarr à Wake Forest
Aymeric Parker a eu l’occasion de suivre Olivier Sarr et de le photographier pendant quelques temps lors de sa troisième saison à Wake Forest, qu'il avait rejoint après son passage à l'INSEP. Il nous offre un regard inédit sur le quotidien NCAA d’un prospect français. Un Dimanche ensoleillé de Mars, Winston-Salem, petite ville de Caroline du Nord se réveille. L’Amérique s’apprête à remplir les rangs des églises du pays. La télévision d’un motel de chaîne de bord d’interstate chante les louanges d’une mega-church, église aux airs de stade de football remplis de fidèles. La veille au soir, ces mêmes fidèles étaient sûrement assis dans les tribunes d’un des campus de la Caroline du Nord, un état conservateur qui prie aussi un autre Dieu, celui de la balle orange. Bienvenue dans le « Big Four » , le coeur de la conference ACC en NCAA (National Collegiate Athletic Association) où les facultés de Duke, North Carolina State, UNC et Wake Forest, concentrées sur moins de 100 kilomètres, représentent une terre de basket comme il y en a très peu en Amérique.

« C’est la ACC man ! », me dit Olivier Sarr, 21 ans, poste 4/5, qui a posé ses bagages à Wake Forest il y a 3 ans maintenant. « C’est la conférence la plus relevée du pays. C’est la raison pour laquelle j’ai rejoint cette conférence. Tu veux être le meilleur, tu dois venir taffer les meilleurs » .

Pour Olivier, 213 cm, promu capitaine de l’équipe pour sa 3eme saison de junior, la famille c’est important. « Une histoire de valeurs et j’ai un peu retrouvé cela, ici à Wake ». Ancienne ville tabatière, les briques rouges ont repris leur éclat d’antan dans le «downtown» remis à neuf de Winston-Salem. Ces mêmes briques ornent à nouveau le centre d'entraînement flambant neuf du campus des « Demons Deacons » le surnom des équipes sportives de l’université. Les « prêtres démoniaques » sont mis dans les meilleures dispositions pour gagner.

« On a un nouveau centre, avant on partageait le parquet avec l’équipe des filles, mais avoir son propre terrain, cela permet de rester shooter avant ou après le practice. »

L’université a également mis sur pied un « nutrition center », une grande salle dédiée, entre les étages du centre d'entraînement, accessible uniquement pour les « students-athletes » qui peuvent venir tout au long de la journée récupérer, vitamines, compléments alimentaires et suivre leur protocole nutritionnel individuel. L’Amérique ne rigole pas avec les statistiques, sur le terrain et en dehors. Tout est monitoré, poids, taille, rythme cardiaque, les joueurs portant une ceinture de capteurs pendant l’entraînement. Après un FaceTime dans le vestiaire avec ses parents et son petit frère Alexandre (fraîchement débarqué chez les U16 du Real de Madrid), direction l'entraînement journalier de 3 heures. Les bannières des maillots retirés flottent au plafond du gigantesque complexe, Tim Duncan, Chris Paul, John Collins ont montré la voie de la NBA. Le capitaine Sarr a les yeux levés au ciel, comme pour mieux saisir le chemin qu’il reste à parcourir pour réaliser son rêve de rejoindre la grande ligue. Sur le parquet, le logo « WF » est d’un noir profond et Coach Manning répète que la prochaine rencontre contre les rivaux de UNC ne sera pas des plus simples. Les « Tar Heels » de Cole Anthony ne font pas la saison espérée et la tumultueuse ACC semble plus homogène que jamais. Parfait pour les démons de la forêt qui aimeraient ensorceler leur tournoi de conférence et ainsi accéder au tournoi final, accessible pour les 64 meilleures équipes de la saison, que les Américains surnomment frénétiquement « March Madness » . Pour le Franco-Sénégalais, élu joueur ACC de la semaine fin Novembre, c’est l’objectif. L'entraînement est intense. Le rythme américain peut choquer comparé à l’Europe, les allers-retours s'enchaînent. La sueur perle sur tous les fronts. Olivier est vocal, donne des consignes à ses coéquipiers des deux côtés du terrain. Après une faute lourde d’un de ses partenaires, il finit à terre. En se relevant, ses yeux sont plus déterminés que jamais. L’action suivante, feinte de départ à gauche, et il écrase violemment le ballon dans le cercle sur le fautif. Des paroles et des actes. Attitude qu’il aura peaufinée depuis tout petit dans la region bordelaise.

« Si tu rentres, tu games, si tu games pas tu sors! » m’explique-t-il. « Ce sont les mots de l’académie de Vincent M’Bassi, qui m’a vu éclore en parallèle de l’INSEP ».

La fin de l'entraînement approche, Olivier se dirige vers la salle de soins, où médecins et kinés de l’université travaillent à temps plein au service de la multitude d’athlètes du campus. L’emploi du temps du jeune Français est soutenu, entre les cours, les entraînements, les soins et les matchs, peu de place pour la détente. Actuellement en Business School, le titulaire d’une mention très bien au Bac S est aussi à l’aise avec un cahier que sur les parquets.

« On a un emploi du temps aménagé avec une douzaine d’heures de cours par semaine, alors ça va » .

La concentration est primordiale pour Olivier, et la confiance aussi. Malgré son brassard, le capitaine a été écarté du cinq majeur en début de saison, Coach Manning ayant affirmé que son énergie était meilleure en sortie de banc. Même s’il finissait les matchs, Olivier aurait pu être frustré face à ce double message - un capitaine qui sort du banc - de Danny Manning, ancien premier choix de la draft 1988, légende des Los Angeles Clippers, aujourd’hui coach des Demons Deacons qui est un adepte du basket-ball à l’ancienne et aime les revanchards. Le retour dans le cinq de départ d’Olivier en février marquera le début d’une série de victoires capitale pour la saison.

« It’s a game of runs », me dit Olivier dans un anglais impeccable.

Comprenez un sport de série, le « momentum » comme on l’aime l’appeler au pays de l’Oncle Sam. Olivier vient d’abattre les rivaux de l’université de Duke en double prolongation, une première sous l’ère Manning et Olivier avec 25 points et 5 rebonds, vient de battre son record de points sous le maillot de Wake Forest. Quelques jours plus tard, il clôture son service de la semaine par un sermon magistral face à Notre Dame en battant à nouveau son record. Il finit la partie avec 30 points et 17 rebonds, une performance quasi biblique pour l’université qui n’avait pas vu de telles statistiques depuis 40 ans. La messe est dite et Olivier recevra quelques jours plus tard une nouvelle distinction de joueur de la semaine, un honneur important et une reconnaissance nécessaire auprès des médias américains, pas forcément au fait de ses capacités de shooteur à 3 points dans un système conventionnel de Danny Manning qui limite sa sortie de la peinture alors qu’il est le meilleur 7-footer aux lancers-franc de toute la NCAA ! La folie de Mars va bientôt commencer, et du « Joe Six-Pack » - l’Américain moyen et son pack de bières - au Président dans le bureau ovale de la Maison Blanche, remplir sa grille de prédictions, son « bracket », est devenu un sport national. La NCAA, c’est une ferveur particulière, unique au monde, elle déchaîne les passions : 90,000 personnes se sont déplacés au Final Four à Minneapolis en 2019. La fin de saison approche, tournoi final ou pas, Olivier va finir sa troisième année sur les quatre années que compte son cursus. Le rêve continue, le travail aussi. Répétitions après répétitions. Shoots après shoots. Quand la forêt pousse, elle pousse sans bruit. Chaque détail compte, la draft NBA comme objectif pour cette année ou la prochaine, l’essentiel est que « le travail paye toujours ». Olivier l’a bien compris et rassurez-vous, dans sa ligne de mire, il ne voit pas que l’arbre, mais bien toute la forêt… Aymeric Parker est un insider qui vit actuellement à New York, suivez-le sur Instagram : @fraishare