Fou, hors du commun, sensible… mais qui est vraiment Dennis Rodman ?

Réputé aussi bien pour ses frasques et son extravagance que ses rebonds, Dennis Rodman est un personnage à part dans le paysage NBA.

Fou, hors du commun, sensible… mais qui est vraiment Dennis Rodman ?
Les cheveux teints en jaune. Ou en vert. Voire même en rouge. Les tatouages. Ou les piercings. C’est ce qui distingue Dennis Rodman. Mais aussi les trois titres avec les Chicago Bulls, les deux trophées de DPOY et, bien sûr, les rebonds. L’homme, déjanté, et l’athlète, incroyable. Mais qui est-il vraiment ? Et si tout ceci n’était qu’une façade ? Un personnage créé pour masquer un être humain au parcours touchant, déroutant et finalement glorieux. Essayons de partir à la découverte d’un Hall Of Famer vraiment pas comme les autres. S’il est si différent, c’est aussi parce qu’il a eu une vie difficile. Natif du New Jersey, il a grandi dans l’un des quartiers les plus pauvres de Dallas. Sans figure paternelle. Ce dernier ayant quitté le foyer alors que Dennis était encore tout jeune.

« Je n’ai pas vu mon père depuis trente ans, donc ce n’est pas comme s’il pouvait me manquer… Mais je vois ça comme ça : un homme m’a mis au monde. Ça ne veut pas dire que c’est nécessairement mon père », écrivait le joueur en 1997.

Il a donc été élevé par sa mère, seule, et ses deux sœurs. Très vite exposé à la drogue et à la violence, sans pour autant basculer dedans. Une histoire comme celle de nombreux jeunes Américains dans le ghetto.

Dennis Rodman, un parcours unique

Sauf que ça a vite pris une tournure dramatique. Sa mère était bien plus intéressée par les deux filles que par son garçon, dont elle a même voulu se séparer quand il avait quatre ans. Debra et Kim, les deux sœurs, étaient meilleures au basket (et elles ont d’ailleurs été distinguées dans le championnat universitaire). Rodman, lui, pouvait à peine « mettre un layup » selon ses propres mots. Elles gagnaient des titres au lycée tandis que l’aîné se faisait recaler de l’équipe. Un avenir en NBA n’était pas improbable mais plutôt carrément impossible. Voire même un avenir tout court. Parce que le jeune homme s’est retrouvé à la rue à sa sortie du secondaire. Brièvement sans domicile fixe et obligé de bosser comme gardien de nuit à l’aéroport international de Dallas. Puis l’adolescent gringalet a connu une poussée de croissance. Plusieurs centimètres en plus qui l’ont motivé à se remettre à son sport de prédilection. Mais comment attirer l'attention des facultés sans même avoir joué au lycée ? C’est par piston qu’il a pu intégrer l’université de Cooke County, au Texas. Il n’y est resté qu’un semestre. Pour 17,6 points et 13,3 rebonds de moyenne. Mais en l’absence de bons résultats scolaires, Dennis Rodman a dû une nouvelle fois prendre un autre chemin. Peu conventionnel. Ça l’a mené dans l’Oklahoma, et plus précisément à Southeastern Oklahoma State. Un programme qui évoluait en NAIA – comme Scottie Pippen avec Arkansas State – un échelon évidemment inférieur à la NCAA. Hébergé par une famille blanche qui ne voulait pas de lui parce qu’il était noir, mais qui l’a finalement accepté parce qu’il était très proche de leur fils, il s’est mué en cowboy capable de gérer une ferme et de conduire un tracteur. Tout en s’illustrant sur les terrains de basket grâce à ses qualités athlétiques : presque 26 points et 16 rebonds en trois saisons. Il a fini par se faire remarquer par les Detroit Pistons, qui l’ont récupéré à la fin du second tour de la draft 1986, à 25 ans. Waouh.

DPOY et champion NBA

Le signe d’un homme qui a souffert pour en arriver là. Ou peut-être celui d’un homme qui souffre toujours. Tout a dérapé en février 1993. Traumatisé par son divorce avec Annie Bakes, attristé par le départ de Chuck Daly, un père spirituel pour lui, du banc des Pistons, il finit par craquer. Enfin presque. Il a décidé de mettre un terme à ses jours. Il s'est donc rendu à la salle, armé… pour finir par s’endormir dans la voiture, pistolet à la main. La police l’a retrouvé le lendemain. C’est le début des gros titres. Et ça ne s’est pas arrêté là. Quelques mois plus tard, Dennis Rodman a demandé son transfert. Direction les San Antonio Spurs. C’est un homme nouveau qui fait son retour dans le Texas. Il avait promis de « tuer l’imposteur » qui vivait dans son corps. Il a tenu parole. Place maintenant à un individu libéré. Qui exhibe des teintures de cheveux loufoques, affiche sa bisexualité et vit même une relation passionnée avec Madonna – leurs ébats étant même très documentés sur internet. L’icône de la pop a d’ailleurs eu une influence importante sur lui et sur son développement. Elle l’a encouragé à « être lui-même. » Sans avoir peur du regard des autres. Une philosophie embrassée à 100% par Rodman. Ça ne collait pas spécialement avec les Spurs. Leur intérieur multiplie les rebonds mais aussi les sauts d’humeur. Au point d’être chassé, cette fois-ci du côté de l’Illinois.

Le rebelle des Bulls

[caption id="attachment_544685" align="alignnone" width="1155"] dennis rodman Bulls[/caption] « The Worm » menait une vie décalée. Des fêtes, de la drogue, de l’alcool, des femmes… « Un rebelle », comme le dépeint Phil Jackson dans « The Last Dance ». Mais un rebelle avec une condition physique impeccable malgré une routine hors du commun. Pour preuve cette anecdote racontée dans le documentaire diffusé sur ESPN et Netflix. Alors qu’il venait de plus ou moins imposer un « break » à Las Vegas au milieu de la saison, Rodman se pointe à l’entraînement après 72 heures de club, d’ivresse et de sexe. Pour le remettre en forme, le coach des Bulls décide de faire un exercice de course en file indienne où le dernier doit rattraper le premier à chaque coup de sifflet. Michael Jordan et ses partenaires ont mis quatre tours avant de le doubler ! Et que dire du jour où, en pleine finales NBA 97, il a décidé de se faire un autre trip à Vegas (encore) pendant deux jours de suite, tout en prenant juste le temps de faire la navette à Salt Lake City pour le shootaround ? Un sacré animal. Mais loin d’être un cas social. Ou même un cancer dans une équipe. Au contraire. Il voulait faire partie d’un groupe. Ce sentiment d’appartenance, très important à ses yeux, tout en gardant sa liberté. Et surtout, il se donnait à fond pour les autres. Un vrai altruiste. Un régal pour les coaches, parce qu’il va au combat, ne baisse pas les bras et laisse ses tripes sur le parquet. Le grand Chuck Daly l’avait pris sous son aile. Le légendaire Phil Jackson l’a fait venir à Chicago. Tout sauf un hasard. Les épreuves de la vie lui ont donné la rage de vaincre. Une détermination presque à toute épreuve. C’est ce qui le qualifie. Mais en tant que basketteur, il était bien plus que ça. « Le meilleur défenseur sur l’homme », selon le journaliste David Aldridge. Pourtant, il n’a jamais compilé ne serait-ce qu’une interception ou un contre de moyenne tout au long de sa carrière ! Et bien ça ne l’a pas empêché d’être nommé sept fois dans le meilleur cinq défensif de la ligue. Alors, bien sûr, il y avait ses rebonds. Sans doute le meilleur joueur de l’histoire dans ce domaine. Sept saisons de suite en tête de la ligue. Un record. Des pointes au-dessus des 18 prises de moyenne sur un exercice. Et plus de 13 sur l’ensemble de sa carrière. Des performances dingues qui témoignent de son agilité, de sa capacité à sauter plus vite et plus souvent que les autres, mais aussi un sacré sens du placement.

« Je m’entraînais à 3 ou 4 heures du matin avec mes amis. Je les faisais shooter et j’étudiais toutes les trajectoires du ballon selon l’emplacement du shooteur », confiait l’intéressé dans « The Last Dance. »

C’était aussi un joueur très intelligent. Capable de défendre sur plusieurs profils en anticipant les mouvements offensifs. Dur sur l’homme. Solide. Vif. Endurant. Ce qui le rapproche d’un Draymond Green. Ou plutôt l’inverse d’ailleurs.
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Comme quoi on peut être perçu comme un marginal et tout de même contribuer au succès de ses équipes. Il a cinq bagues. C’est un gagnant. Ça fait partie de son ADN. Au final, c’est un type qui était content de pouvoir faire un job qui le passionne. Content de pouvoir s’intégrer à un groupe. Content de pouvoir contribuer au succès des siens chaque jour. Un homme sensible derrière la carapace. Un homme qui voulait de l’attention, comme le jour où il a finalement mal vécu le retour de Scottie Pippen de blessure en 1997. Pendant des semaines, il était le lieutenant de Jordan. Un rôle qu’il appréciait. Parce qu’il voulait être reconnu pour son boulot. Comme tout le monde.

« Il a une personnalité différente de celle qu’il montre. Les cheveux, les tatouages, les tenues, c’est venu après. Quand on me parle de lui, je repense à qui il était quand je l’ai rencontré : un gars sensible, émotif. Un vrai bon gars », notait Chris Mullin.

« J'aurais voulu que les gens connaissent le vrai Dennis Rodman. L'un des mecs les plus gentils. Un vrai introverti », ajoutait Alex English.

Finalement, peut-être que Dennis Rodman est juste un mec… normal ? Le plus bizarre des hommes normaux de cette planète. Mais un type normal quand même.