Toronto Raptors, la surprise empoisonnée

Les Toronto Raptors réalisent une très belle saison. Championne de la division Atlantique, la franchise va retrouver les playoffs. Mais cette équipe a-t-elle vraiment un avenir ?

Toronto Raptors, la surprise empoisonnée
Arrivé l’été dernier aux Toronto Raptors auréolé d’un titre de meilleur dirigeant de la saison passée, Masai Ujiri a été très clair sur ses ambitions au sein de la franchise canadienne. Il n’est pas venu pour jouer le premier tour des playoffs de temps à autre, ni pour faire de la figuration derrière les ogres que sont Miami, Indiana ou Chicago. L’ancien dirigeant des Denver Nuggets veut gagner. Il veut le titre. Il veut peser dans la Conférence Est et malgré le manque d’attractivité de Toronto auprès d’une grande majorité des joueurs NBA. Ces déclarations et cette ambition ne collaient pourtant pas avec l’effectif des Raptors, symbole même des équipes du ventre mou du championnat. Avant le coup d’envoi de la saison, il était difficile de réellement juger les hommes de Dwane Casey. Le coach était lui-même sur la sellette (son contrat expire cet été) et les noms de plusieurs joueurs circulaient dans les rumeurs de transferts. Les Raptors semblaient trop forts pour rivaliser avec les Sixers, Celtics et Magic dans la course au premier choix de draft mais aussi trop faibles pour concurrencer le Heat ou les Pacers. Bloqué. Exactement ce que Masai Ujiri redoutaient.

Le transfert de Rudy Gay, un tournant

Lorsqu’un nouveau dirigeant débarque à la tête d’une franchise, il a pour habitude de faire le ménage. Les hommes déjà en place ont été choisis par un autre, de même que les joueurs ou le coach. Andrea Bargnani a vite déguerpi, les Toronto Raptors ont récupéré un tour de draft au premier tour dans l’échange. Bryan Colangelo, l’ancien GM, a lui aussi fait ses valises. Rudy Gay, DeMar DeRozan et Kyle Lowry étaient les suivants sur la liste. Gay et ses 18 millions de dollars annuels ont effectivement quitté le navire, direction Sacramento. Englués au milieu du classement, les Toronto Raptors (dont le bilan était négatif avant le transfert de Rudy Gay) ont complètement changé de visage. DeMar DeRozan s’est imposé comme la principale option offensive de l’équipe. Ses statistiques ont augmentés au départ de Gay, tout comme son adresse aux tirs. Valanciunas a enfin pu palper la gonfle au poste bas. Kyle Lowry, lui, a récupéré la mène. En effet, Gay, coéquipier apprécié, prenait plus d’un tiers des shoots. Il monopolisait la balle. Depuis son transfert, les Raptors jouent mieux (lui aussi) et les tickets shoots sont mieux répartis en attaque.
« Je n’ai pas pris cette décision en fonction de l’adresse au tir de Rudy. C’était plus une histoire d’alchimie d’équipe. Tout le monde a vu qu’il n’y avait pas d’entente sur le terrain. Lui et DeMar… ce sont le même type de joueurs. Ça n’a pas marché. » Expliquait alors Masai Ujiri.
DeMar DeRozan est devenu un All-Star. Kyle Lowry aurait dû être invité à l’événement, tant il s’est imposé comme l’un des meilleurs meneurs de jeu de la Conférence Est. Les Toronto Raptors ont soudainement pris confiance et ont dépassé les attentes. Parti pour remodeler complètement l’effectif – n’oubliez pas que DeRozan lui-même pensait être transféré et que Lowry a été proposé aux New York Knicks – et obtenir un choix de draft haut placé, Masai Ujiri a fait marche arrière. Cette équipe a gagné sa chance de bouleverser la hiérarchie jusqu’à l’été prochain. A quelques jours de la fin de la saison, les troupes du Canada sont installés en troisième position à l’Est. Ils ont décroché le second titre de division de l’histoire de la franchise et ils sont presque assurés d’avoir l’avantage du terrain au premier tour. Le discours et les ambitions ont changé.
« Battre les records de la franchise n’est pas un but en soi », assure Dwane Casey au Toronto Sun, alors que ses hommes n’ont besoin que d’une victoire pour terminer avec le meilleur bilan de l’histoire des Raptors. « Ce n’est pas important, on doit avant tout progresser en défense. »

Quel projet à l’avenir ?

Les Toronto Raptors sont bons. Ils sont jeunes. Mais ils ont encore beaucoup de lacunes. D’où la priorité de Dwane Casey. Sans une meilleure défense, ses joueurs n’iront pas loin en playoffs. Bien que troisièmes, ses hommes ne seraient sans doute pas favoris dans le cas d’un affrontement face à Chicago ou Brooklyn, plus expérimentés et plus féroces. La saison de Toronto est une réussite, on ne peut pas le nier. Mais que peut-on en retenir ? Doit-on volontairement oublier que les Bulls ont été privés de Derrick Rose ? Que les Knicks se sont plantés ? Que Brooklyn – meilleure équipe à l’Est depuis le All-Star Game – s’est ramassé en début de saison ? La faiblesse de la Conférence ne doit-elle pas aussi être prise en compte ? Cette saison est peut-être un trompe-l’œil pour les Raptors. Sans un véritable franchise player, Masai Ujiri aura du mal à bâtir une équipe taillée pour le titre. DeRozan est-il capable d’assumer ce statut ? On a du mal à y croire. Le natif de Compton est un artificier et il est de plus en plus complet. Mais il n’a pas les épaules pour être le patron d’une franchise qui gagne 55 matches par saison… sur la durée !!!!!!!! D’une certaine manière, les Toronto Raptors sont un peu le reflet des Denver Nuggets de la saison dernière. Un effectif jeune et talentueux mais privé d’un vrai franchise player. Les Nuggets ont fini troisièmes l’an passé. Lorsque dans nos preview d’avant-saison, nous avons pronostiqué une chute inévitable de Denver, plusieurs d’entre vous n’y ont pas cru. Les Nuggets sont désormais onzième de la Conférence Ouest (nettement plus chargée, il est vrai). Toronto a tout de même une base solide. Kyle Lowry est un meneur de talent mais il est libre de partir cet été. Ross est un ailier prometteur même s’il n’a pas non plus l’étoffe d’une star. Jonas Valanciunas est peut-être la valeur la plus sûre de l’effectif. Ujiri veut bâtir autour du pivot lituanien et de ses progrès dépendront beaucoup de choses à l’avenir. Patrick Patterson et Tyler Hansbrough sont des joueurs au profil intéressant. Les Toronto Raptors ont des arguments. Mais pourront-ils tenir le choc alors que les Bulls ou les Knicks ont bien plus de chance de faire venir des stars ou des joueurs confirmés chaque été ? Si Masai Ujiri veut « marquer la ligue » comme il l’a annoncé, il faudra bien plus que ça.