Pourquoi personne ne veut de James Harden

Excellent joueur, formidable soliste, James Harden est pourtant une superstar très difficile à transférer. Zoom sur une situation délicate.

Pourquoi personne ne veut de James Harden
La NBA appartient aux joueurs. Et chaque épisode récent impliquant une superstar « malheureuse » au sein de sa franchise vient nous le rappeler. Kawhi Leonard. Paul George. Kyrie Irving. Anthony Davis. Autant de joueurs majeurs qui, même sous contrat, ont poussé leurs employeurs à les envoyer ailleurs. Parfois même en choisissant leur prochaine destination. James Harden se joint à la liste. Mais les limites sont de plus en plus repoussées à chaque fois avec des situations de plus en plus tendues et un malaise grimpant entre joueurs stars et patrons des organisations. Que les joueurs cherchent à prendre le pouvoir, ça se comprend. Ça se défend même. Les propriétaires de franchises sont des milliardaires, les athlètes, bien que millionnaires, ne boxent pas dans la même cour. Pourtant, ce sont eux qui font la ligue. Eux qui sont adulés. Eux qui vendent maillots, tickets, etc. Et ceux qui sont un peu moins talentueux, les basketteurs lambda d’un championnat hors-normes, sont échangés comme de vulgaires objets. Les stars disposent d’un certain pouvoir et c’est logique qu’elles l’utilisent. Ça tend à équilibrer, au moins un peu, la balance. Sauf que là, avec Harden, ça va sans doute trop loin.

James Harden se moque ouvertement des Houston Rockets

Cela fait maintenant plusieurs semaines que l’arrière All-Star des Rockets aurait demandé son transfert à ses dirigeants. Au conditionnel, parce qu’il ne l’a pas fait publiquement. Mais ses agissements depuis ne laissent aucune place au doute : il ne veut absolument pas rejouer pour Houston. Qu’il soit mécontent des choix du management, c’est une chose. Acceptable. Compréhensible. Qu’il veuille partir, pourquoi pas. Mais son attitude globale est déplorable. Pendant que ses futurs ex-camarades reprenaient le chemin de l’entraînement afin de préparer la prochaine saison, Harden se faisait porter pâle. Sans que son coach, son nouveau coach, Stephen Silas ne sache pourquoi. Sans justifier quoi que ce soit. Il n’est pas le premier. Bien entendu. Insolent au possible, il s’affichait en boite de nuit. D’abord à Atlanta pour l’anniversaire du rappeur Lil Baby puis à Las Vegas. Faut-il rappeler une fois de plus que ses partenaires suaient à la salle dans le même temps ? Faut-il rappeler que le monde est frappé par une épidémie mondiale pendant qu’il se trimbalait – sans masque – dans des lieux fermés, entourés de centaines de personnes, d’un coin à l’autre du pays ? Ou faut-il justement rappeler que le protocole COVID-19 de la NBA interdit justement de se rendre dans les clubs ? Faut-il rappeler qu’il n’avait même pas pris soin d’avertir les Rockets, autrement qu’en annonçant qu’il reviendrait « bientôt » avant d’être aperçu en train de faire la fête à Vegas ? Il est jeune, il est riche, il peut faire ce qu’il veut. Tout le monde aime s’amuser. Joueur NBA ou non. Mais il reste sous contrat. Avec des règles. Et un salaire à neuf chiffres à la clé. Alors il y a forcément des limites à respecter. Là, il les dépasse.

Une diva aux caprices multiples

Surtout que c’est particulièrement gonflé de sa part. James Harden a toujours eu tous les droits aux Rockets. Il a été mis au cœur du projet. Il a été mis au cœur du jeu. Et de ce fait, il avait son mot à dire dans toutes les décisions prises par la franchise depuis plusieurs années. Malgré les échecs en playoffs – notons plutôt qu’il a surtout continuellement mené Houston dans le top-huit à l’Ouest et c’est la seule franchise à s’être qualifiée huit saisons de suite ! Il ne voulait pas jouer avec Dwight Howard. Les Rockets l’ont dégagé. Il voulait Chris Paul. Les Rockets l’ont fait venir. Puis il ne pouvait plus l’encadrer et réclamait son ami Russell Westbrook. Les Rockets l’ont écouté. En sacrifiant des tonnes d’assets à chaque fois. Aujourd’hui, la franchise ne peut même pas se permettre d’enclencher un processus de reconstruction. Parce qu’elle a légué tout son avenir au Thunder en voulant mettre bien sa star, qui la jette du jour au lendemain. Après tant de caprices. Tim MacMahon, insider qui suit l’équipe texane au quotidien va plus loin, en rappelant que la diva fixait même les heures d’entraînement, annulait certaines séances parce qu’il voulait faire la fête, etc. Les privilèges habituels des stars. Et dire que certains étaient choqués par les avantages de Kawhi Leonard aux Los Angeles Clippers. Les privilèges fous de Kawhi et Paul George qui ont mis le feu au vestiaire des Clippers Alors là n’est même pas le problème. Les meilleurs joueurs ont toujours eu et auront toujours des avantages sur leurs collègues. Le problème, c’est l’attitude affichée par le bonhomme après avoir été constamment choyé. En fait, c’est à se demander si les Rockets ne pourraient pas le virer pour faute professionnelle. Ils ne le feront évidemment pas. Pour ne pas se coller le Syndicat sur le dos. Pour ne pas être perçu comme LA franchise qui a fini par s’en prendre à sa superstar, ce qui ferait fuir toutes les autres. La ligue appartient aux joueurs.

Un MVP en saison régulière, des limites en playoffs

Après, le contexte fait que les langues se délient sur James Harden. Mais ce n’est pas un branleur pour autant. Bien sûr qu’il a aussi une éthique de travail. Bien sûr qu’il s’entraîne dur. Aucun joueur n’atteint un tel niveau sans s’entraîner dur. Encore une fois, le problème n’est pas là. Et à vrai dire, c’est même un super basketteur. L’un des plus talentueux et les plus prolifiques de la NBA. Sauf que… il présente certaines limites. Non négligeables. Que ses supporteurs les plus dévoués refusent de voir et que ses détracteurs exacerbent pour lui taper dessus. La défense n’est peut-être même pas le plus gros point faible du garçon. Et oui. C’est une zone d’ombre. Mais ce n’est même pas le pire. Des superstars qui ne défendent pas – ou qui ne défendent plus –, il y en a plein. Encore une fois, le vrai problème, c’est qu’Harden ne fait plus rien du tout quand il n’a pas le ballon entre les mains. Rien du tout. Rien de rien. Pas une coupe vers le panier. Pas un déplacement. Rien. Il attend. L’avantage, presque heureusement, c’est qu’il a quasiment constamment le ballon entre les mains. Cela fait trois ans qu’il est le joueur avec le plus de possessions jouées en NBA. Et il a beau avoir fait mine de vouloir retrouver du « beau basket », ce qu’il aurait confié à Stephen Curry, il a pourtant tout fait pour que les Rockets exploitent au maximum ses isolations. Quitte à fatiguer tout le monde, y compris ses coéquipiers. Même les plus doués d’entre eux, comme CP3. Tout pour ses statistiques. Tout pour le MVP, un trophée qui lui tient terriblement à cœur. Quoi qu’il en dise. Les faits le prouvent. Les images le montrent. Pour quels résultats en playoffs ? Harden est l’un des meilleurs joueurs de la saison régulière. Top-deux en NBA du mois d’octobre jusqu’en avril. Mais au printemps ? Il recule au sixième, septième rang. Avec Houston, en 85 matches de playoffs, il compile 28 points, 7 passes, 42% aux tirs et 32% à trois-points. Contre presque 30 points et 8 passes en saison régulière, à 44 et 36. Les stars sont censées hausser leur niveau de jeu lors des matches importants. Pas lui.

Un décalage entre l'offre et la demande pour James Harden

Il est très fort mais comment l’intégrer dans un système s’il n’évolue pas ? Et à 30 ans, les joueurs évoluent rarement. C’était un très bon élément sans le ballon à Oklahoma City. Même un défenseur correct. Mais c’est vieux maintenant. Ça remonte. Potentiellement, il pourrait être meurtrier en spot-up shooteur. Tout comme aurait pu l’être Carmelo Anthony. Et pourtant, Melo a attendu la fin de sa carrière pour le comprendre. Une fois qu’il n’était plus une superstar. Pour toutes ces raisons, les Rockets vont avoir du mal à obtenir la contrepartie recherchée. Petit rappel : ils veulent un jeune « cornerstone », autrement dit un joueur prometteur susceptible de devenir le visage d’une franchise, et une collection de picks. Une contrepartie logique pour un talent individuel aussi fort qu’Harden. Mais qui va céder l’un de ces « cornerstones » aujourd’hui ? Jayson Tatum des Celtics ? C’est mort. Bam Adebayo du Heat ? C’est mort. Donovan Mitchell du Jazz ? C’est mort. Ne parlons même pas de Luka Doncic ou Trae Young. James Harden est peut-être plus fort que tous ces mecs-là. Mais aucune de ces équipes ne lâchera son bijou. Il y aura un décalage entre l’offre et la demande. Un décalage entre son niveau de jeu et la réalité de sa valeur sur le marché. Ce décalage, c’est son attitude. C’est son style de jeu. Pour Anthony Davis, la question ne se pose pas. Une franchise qui peut le récupérer doit mettre le paquet. La suite logique, c’est le titre des Los Angeles Lakers. Mais pour Harden ? Il y a réflexion. D’ailleurs, prenez l’exemple des Brooklyn Nets, la destination préférentielle du MVP. Les avis étaient divisés. Certains estimaient qu’ils ne devraient pas céder Caris LeVert, Spencer Dinwiddie, Jarrett Allen et Taurean Prince. Et pourtant même cette offre ne convainc pas les dirigeants des Rockets. Encore une fois, le décalage.

Qui pour débloquer la situation ?

James Harden finira par être transféré. Peut-être à la deadline. Ou l’été prochain. Voire dans une semaine. Mais il risque d’être déçu. Qui peut vraiment le faire venir aujourd’hui ? Peut-être les New Orleans Pelicans, en cédant Brandon Ingram ? Les Chicago Bulls, en abandonnant Zach LaVine, Wendell Carter Jr et des picks ? Ou alors les Philadelphia Sixers en sacrifiant Ben Simmons. Mais sans doute pas beaucoup plus que l’Australien. Et encore, même là, la franchise de Philly devra se poser beaucoup de questions avant. Est-ce que ça vaut le coup de tenter ? Est-ce que ça vaut le coup pour une star qui se comporte comme ça dans les mauvais moments ? Harden a 30 ans. Sept de plus que Simmons. Une franchise ne peut plus construire autour de lui. C'est une pièce en plus, plus une pièce centrale. Plus à ce stade de sa carrière. Les Sixers viennent d’affiner leur effectif pour entourer au mieux leurs deux stars. Peut-être qu’ils voudront d’abord tester cet effectif avant de la chambouler une fois de plus. Puis les Rockets ne voudront sans doute pas faire de cadeaux à Daryl Morey. Même s’ils risquent de ne pas avoir trop le choix au bout d’un moment.