Analyse : Dallas peut-il être champion avec Rajon Rondo ?

Les Dallas Mavericks ont pris une nouvelle dimension en récupérant Rajon Rondo. Mais quelques points noirs entourent encore ce transfert. Analyse complète d'un trade spectaculaire.

Analyse : Dallas peut-il être champion avec Rajon Rondo ?
Une première « Wojbomb », ces tweets soudains du reporter Adrian Wojnarowski qui donnent l’impression de mettre toute la toile en pause, annonçait l’intention des Boston Celtics de transférer Rajon Rondo. Une fois de plus. Une dizaine d’autres informations ont ensuite été relayées tout au long de la journée par le journaliste de Yahoo! Sports, rejoint par ses confrères (et rivaux…) d’ESPN, Sports Illustrated, etc. Le transfert se précisait. Ce n’était plus du bluff : Danny Ainge était vraiment en passe de se séparer de son meneur All-Star, annoncé sur le départ chaque saison et finalement jamais parti. Jusqu’à hier soir et ce point de non-retour. Rajon Rondo a été échangé aux Dallas Mavericks en compagnie de Dwight Powell. Brandan Wright, Jameer Nelson, Jae Crowder font le chemin inverse. Les Celtics récupèrent également deux choix de draft – l’un au premier (2015) et l’autre au second tour (2016) – des Dallas Mavericks. Ce trade nous renvoie à l’intersaison 2013, lorsque les Dallas Mavericks ont cherché à mettre la main – une fois de plus – sur une nouvelle star susceptible de prendre le relais de Dirk Nowitzki. A cette époque, Danny Ainge s’était déjà « débarrassé » de trois des grandes figures de l’équipe des Celtics sacrée en 2008 : Doc Rivers, parti aux Los Angeles Clippers, Paul Pierce et Kevin Garnett, envoyés aux Brooklyn Nets en échange d’une multitude de tours de draft (principalement). Rajon Rondo n’a pas été sacrifié cet été. Chris Paul et surtout Dwight Howard n’ont pas réellement prêté attention au pitch des Mavericks. Un an plus tard, Dallas tient désormais son nouvel homme fort.

Les Mavericks parmi les favoris pour le titre ?

[caption id="attachment_149297" align="alignleft" width="300"] Dallas dépassait déjà la barre des 70% de victoires avant l'arrivée de Rajon Rondo...[/caption] Dallas a déjà fait forte impression dès… avril dernier. Les joueurs de Rick Carlisle ont poussé les San Antonio Spurs, futurs champions NBA, jusqu’à une septième manche au premier tour des playoffs. Ils ont depuis ajouté le revenant Tyson Chandler à leur effectif et ont débuté la saison en trombe avec 19 victoires et 8 défaites. Même avec 70% de victoires, la franchise texane n’occupe que la sixième place de la Conférence Ouest et elle n’a jamais été réellement considérée comme l’une des armadas susceptibles de jouer le titre. On parlait jusqu’alors d’un outsider, d’une formation poil à gratter pour les grands favoris à l’Ouest. Avec Rajon Rondo, Dallas passe un cap, premièrement dans la perception des observateurs. [superquote pos="d"]Un cinq Rondo-Ellis-Parsons-Nowitzki-Chandler ? Ça envoie ! [/superquote]Les Mavericks ont donc eu l’ambition de recruter Dwight Howard en 2013 et Carmelo Anthony cet été. Ils ont finalement acquis Monta Ellis et Chandler Parsons. Le premier a relancé sa carrière dans le Texas et le second trouve ses marques. Les deux sont talentueux et sont essentiels au succès de la franchise. Mais aucun n’est un All-Star de la trempe de Rondo. Les réseaux sociaux se sont enflammés à l’annonce de son transfert vers Dallas et ce n’est pas un hasard. Les Mavs ont désormais un assemblage colossal et effrayant de joueurs très, très talentueux. Le cinq majeur – tweeté à l’infinie cette nuit – est composé de Rajon Rondo, Monta Ellis, Chandler Parsons, Dirk Nowitzki et Tyson Chandler. Combien d’équipes NBA peuvent se targuer d’aligner pareille ligne de départ ? Mark Cuban ne se satisfait pas d’apprécier les performances de son équipe en saison régulière. Il veut gagner. Win big, comme diraient les Américains. Il veut gagner en playoffs. Même à leur niveau actuel, les Dallas Mavericks semblaient au moins un ton en-dessous des Golden State Warriors, des Memphis Grizzlies, des San Antonio Spurs et voire même du Thunder d’Oklahoma City et des Los Angeles Clippers, en considérant bien évidemment que toutes les équipes citées soient au complet au moment des joutes d’avril-mai. [caption id="attachment_120187" align="alignright" width="300"] Rajon Rondo est le meilleur passeur de la ligue (10,8 pds par match).[/caption] L’arrivée de Rajon Rondo tend à équilibrer la donne et confère aux Mavericks un nouveau statut. La mène était le point faible de l’équipe et vu les talents à cette position au sein de la Conférence (Tony Parker, Damian Lillard, Russell Westbrook, Stephen Curry, Mike Conley, Chris Paul), il était urgent de renforcer ce secteur. L’ancienne star des Boston Celtics est l’un des meilleurs joueurs de la ligue à son poste. C’est un passeur d’exception – 10,8 caviars par rencontre cette saison, premier en NBA – qui excelle sur le pick&roll, une configuration de jeu fortement appréciée et utilisée à outrance par les joueurs de Rick Carlisle. Il sait trouver des angles de passe incroyables et on l’imagine déjà distribuer les offrandes aux finisseurs que sont Parsons, Ellis ou Nowitzki (voire même Chandler en alley-oop ou après le pick&roll). Les Mavericks inscrivent 113,6 pts sur 100 possessions depuis le début de la saison. La franchise texane est de loin la meilleure attaque de la ligue et on serait tenté de penser qu’elle sera encore plus performante avec un meneur altruiste comme Rondo.

Les limites du transfert pour Dallas

[superquote pos="d"]Ellis et Rondo ont tous les deux besoin du ballon pour exister [/superquote]Une majorité de fans sont déjà prêts à envoyer leur tapis sur les Dallas Mavericks. L’euphorie du transfert, sans doute. Pourtant, les zones d’ombre sont encore nombreuses. Aussi surprenant que cela puisse paraître, on peut se demander si Rajon Rondo est la pièce idéale pour l’équipe texane. Ou plutôt si, il peut l’être mais à condition de s’adapter aux forces déjà en présence. Le meneur touche 93 fois le ballon en moyenne à chaque rencontre. Seuls Michael Carter-Williams, Kemba Walker, Chris Paul et John Wall disposent d’un plus grand nombre de « touches » par match. Rondo était au cœur de l’attaque des Boston Celtics. Il était le général sur le parquet, le rôle demandé aux meneurs de jeu. Rien d’anormal mais il était impliqué en permanence dans chaque système offensif. Ce ne sera peut-être pas le cas à Dallas. Comme son nouveau coéquipier, Monta Ellis a besoin de sentir la gonfle entre ses mains. Le scoreur passé par Golden State et Milwaukee joue le rôle du meneur depuis sa signature dans le Texas à l’été 2013. Il se classe lui aussi parmi les 50 joueurs disposant du plus grand nombre de « touches » devant des meneurs comme Goran Dragic, Jeremy Lin, etc. [caption id="attachment_113144" align="alignleft" width="300"] Rajon Rondo va devoir s'habituer à avoir un peu moins la gonfle entre ses mains et il va devoir travailler son tir.[/caption] Les Mavericks s’appuient sur une attaque en mouvement avec des pick&roll des deux côtés du parquet. Chandler Parsons et surtout Monta Ellis sont ainsi à la baguette et agressent sans arrêt la défense balle en main en profitant des écrans de leurs deux intérieurs. Rondo ne pourra pas monopoliser la gonfle comme à Boston, sous peine de diminuer fortement la fréquence des drives dévastateurs d’Ellis, joueur qui se classe parmi les meilleurs de la ligue dans toutes les statistiques liées à l’attaque du cercle en dribbles. Aucun des deux membres du nouveau backcourt des Mavericks n’est un bon joueur sans le ballon. Ellis n’est un « spot-up » shooteur (30% de réussite à trois-points et 30% de réussite sur « catch-and-shoot ») et Rondo est maladroit depuis le début de la saison (40% aux shoots et 25% à trois-points). Il est nettement moins performant que par le passé depuis la tête de raquette. Les « bons » meneurs ont pourtant pour coutume d’être adroits dans cette zone du terrain étant donné qu’ils sont souvent amenés à tirer en tête de raquette après le pick&roll – dans le cas où le défenseur adverse recule pour anticiper une pénétration. A titre d’exemple, Tony Parker et Chris Paul excellent dans cette partie du terrain.
« Les Mavericks avaient besoin d’un meneur pour faciliter la vie des scoreurs. Si Rondo fait ça, tout ira pour le mieux. Il va devoir s’améliorer aux tirs et je pense que Monta aura toujours la balle dans les quatrièmes QT », remarque un scout de la Conférence Ouest sondé par ESPN.
« Facilitateur » est exactement le mot qui définit le nouveau rôle de Rondo. Il va devoir apporter encore plus de fluidité tout en s’assurant que les différents scoreurs à ses côtés soient servis dans les meilleures dispositions. Mais il devra aussi accepter d’évoluer sans la gonfle. C’est un joueur intelligent et Rick Carlisle est l’un des meilleurs coaches NBA, ce qui donne envie d’être optimiste. Reste à savoir comment les deux hommes vont cohabiter.
« Il faut voir à quel point Rondo se laisse coacher. Ils vont devoir trouver un arrangement », estime un autre scout.
[superquote pos="d"]Dallas a l'une des plus mauvaises défenses de la NBA. Difficile de viser le titre dans ces conditions. [/superquote]Le coach des Dallas Mavericks a la réputation d’être dur avec ses meneurs. Comme nous l’avons indiqué plus haut, Rondo bénéficiait d’une liberté totale à Boston et ses responsabilités – du moins ses temps de possession – seront sans doute revues à la baisse à Dallas. Comme l’explique justement l’insider Tim MacMahon (ESPN), il est un joueur de complément pour les Mavericks, et non pas la pièce maîtresse du système. Il est bien beau de mettre en avant les talents de passeur de Jason Kidd, titulaire à la mène lors du titre des Mavs en 2011. Mais le Hall-Of-Famer, alors en fin de carrière, dépassait la barre des 34% à trois-points. Le jeu ne passait pas uniquement par Kidd, de même qu’il ne passera pas uniquement par Rondo. En revanche, « RR9 » est un excellent rebondeur pour son poste et c’est un atout non négligeable pour les Texans. Il sera une force supplémentaire en transition après avoir volé un ballon ou pris un rebond. Il guidera les contre-attaques de Dallas et les Mavericks feront sans doute beaucoup de dégâts dans cette configuration. On retient essentiellement ses talents de passeur mais c’est dans un tout autre registre qu’il est attendu. [caption id="attachment_107995" align="alignleft" width="300"] Rajon Rondo n'est plus le défenseur qu'il a été mais il est susceptible d'améliorer légèrement les Mavericks dans ce domaine.[/caption] Le staff espère que sa présence apportera un peu de ténacité à la défense des Mavericks. La franchise se classe parmi les défenses les plus poreuses de la ligue et encaissent près de 105 pts sur 100 possession. Sans une nette prise de conscience et des progrès significatifs dans ce secteur, elle ne sera pas sacrée championne NBA en juin prochain. La présence de Rajon Rondo peut-elle changer la donne en défense ?
« C’est un compétiteur, il a de longs bras, des grandes mains et il est très vif. Il n’est plus aussi bon que par le passé en défense mais il est toujours efficace », note un scout.
Il est de toute façon meilleur que Jameer Nelson de ce côté du parquet. Il peut améliorer légèrement la défense des Mavericks dans le périmètre mais sa présence ne suffira pas à révolutionner la franchise. Il vole beaucoup de ballons mais ses adversaires ont tendance à se montrer plutôt efficaces face à lui : selon SportsVU, ils shootent à 53% de réussite contre Rondo cette saison. On peut cependant penser que le fait d’évoluer pour une formation taillée pour le titre décuplera la motivation du bonhomme. Le Rondo des playoffs est un sacré personnage et on a hâte de le retrouver. Il a toujours su élever son niveau de jeu quand les circonstances le demandaient. Il a tellement marqué les esprits en playoffs que les observateurs sont restés bloqués sur ses performances spectaculaires et décisives en 2010 et 2011. On rappelle qu’il a subi une grave blessure au genou entre-temps. C’est peut-être en raison de cette « amnésie » collective qu’une majorité de fans estime que les Boston Celtics ont fait une grave erreur en récupérant « si peu » pour leur meneur All-Star.

La fin d’une ère à Boston

[caption id="attachment_222999" align="alignleft" width="300"] Le cinq majeur des Boston Celtics en 2008 n'a jamais perdu une série de playoffs lorsqu'il a été aligné au complet.[/caption] Danny Ainge n’avait pas le choix. Rajon Rondo était de toute façon free agent à la fin de la saison et il aura réclamé un contrat au montant maximum. Lui offrir n’aurait eu aucun sens pour des Celtics en reconstruction. Rondo n’est pas un véritable franchise player et il était condamné à partir si jamais le front-office ne parvenait pas à mettre la main sur un scoreur pur auquel l’associer. Les dirigeants ont essayé de faire venir Kevin Love cet été. Les Wolves ont refusé. A ce moment-là, Ainge a sans doute compris qu’un transfert de son All-Star était inévitable. [superquote pos="d"]Plus le temps passe, plus la valeur de Rajon Rondo sur le marché diminue[/superquote]Le timing de l’échange a pu surprendre mais il est finalement assez logique. Plus le temps passe, plus le contrat du joueur approch de l'expiration et plus sa valeur diminue. Il était donc essentiel de l’échanger le plus tôt possible et de ne pas attendre la deadline de février. D’autant plus que certains joueurs récupérés dans l’échange (ou d’autres de l’effectif) sont susceptibles d’être envoyés vers de nouvelles destinations. Les Celtics auraient peut-être même préféré transférer Rajon Rondo il y a un an mais sa blessure au genou a fait chuter sa valeur à l’époque. Danny Ainge a tiré le maximum possible : à savoir des tours de draft. Boston dispose désormais de trois choix au premier tour de la prochaine draft (le sien, attendu dans le top 10, et ceux des Clippers et Mavericks en fin de premier tour). La franchise a donc de quoi mettre la main sur trois rookies ou éventuellement de monter un package au moment de la draft. Tout ceci est pour l’instant assez flou. Nous sommes encore loin de la draft 2015 mais les Celtics se sont mis en position pour récupérer un nouveau prospect de qualité. [caption id="attachment_124008" align="alignleft" width="300"] Jeff Green est lui aussi susceptible de quitter les Celtics en cours de saison.[/caption] Comme indiqué plus haut, ce trade n’est que le premier d’une série à venir pour la franchise du Massachussetts. Jeff Green est susceptible d’être échangé d’ici février prochain et les Celtics seront sans doute moins compétitifs dans les mois à venir. On n’osera pas placer le mot « tanking » mais Boston a désormais de meilleures chances de tirer l’un des six ou sept premiers choix de la prochaine draft. Les Celtics avaient d’ailleurs voté en faveur de la réforme de la loterie pré-draft. Si cette mesure avait été adoptée, la franchise aurait pu prétendre au premier choix de draft (les six premiers picks auraient été tirés au sort). La maison verte n’a plus qu’à espérer récupérer un choix haut placé. [superquote pos="d"]Boston est désormais l'équipe de Marcus Smart[/superquote]En attendant, l’équipe tournera autour de Marcus Smart, le rookie talentueux drafté en sixième position en juin dernier. Avery Bradley complète le backcourt. Jared Sullinger et Kelly Olynyk intègrent eux aussi les plans de la franchise à moyen-terme, de même que Tyler Zeller. Du moins a priori. Brandan Wright, récupéré dans l’échange de Rajon Rondo, est un excellent back-up et il était parmi les cinq meilleurs joueurs de la ligue au PER (Player Efficiency Rate). Il va clairement manquer aux Mavericks (qui pourraient engager Jermaine O’Neal). Il n’y a désormais plus aucun membre de l’équipe sacrée championne NBA en 2008 à Boston. C’est la fin d’une époque. Les départs successifs de Ray Allen, Paul Pierce, Doc Rivers et Kevin Garnett ont marqué les premières étapes de la reconstruction des Celtics. Avec le transfert de Rajon Rondo, c’est une page entière de l’histoire de la franchise qui se tourne.

Le vrai vainqueur du trade ? La Conférence Ouest !

[caption id="attachment_129400" align="alignright" width="300"] En acceptant un "petit" salaire, Dirk Nowitzki a permis à son équipe de viser grand.[/caption] En conclusion, on notera donc que l’on refuse de s’enflammer autour de ce transfert. Oui, les Dallas Mavericks ont eu raison de mettre la main sur Rajon Rondo. Un tel échange ne se refuse pas, d’autant plus que le meneur All-Star semble prêt à s’engager sur le long terme avec la franchise. Une manœuvre rendu possible, on le rappelle, par le sacrifice financier opéré par Dirk Nowitzki cet été. En acceptant l’offre à 24 millions de dollars sur trois ans de ses dirigeants, l’Allemand a permis à son équipe de recruter Chandler Parsons et Rajon Rondo. Le voici donc désormais en mesure de s’offrir une ou deux campagnes héroïques en playoffs, voire même une nouvelle bague. Les Mavericks ne sont pas encore prêts à jouer le titre et ils vont devoir trouver la bonne formule d’ici le mois d’avril. A vrai dire, on saura très rapidement si la franchise texane a fait une bonne affaire en engageant Rajon Rondo. En revanche, en ce qui concerne les Boston Celtics, on ne pourra tirer des conclusions de cet échange que dans deux ou trois saisons. C’est bien là la magie de la NBA.