Houston, Get Small Or Die Trying

Houston, Get Small Or Die Trying

Les Houston Rockets tentent une expérience inédite en alignant cinq joueurs de 2 mètres ou moins sur le terrain. Analyse après une semaine.

Antoine PimmelPar Antoine Pimmel | Publié  | BasketSession.com / MAGAZINES / Analyse
« T’es grand toi, tu dois être basketteur ! » Une réplique sans doute familière pour tous ceux qui dépassent le mètre quatre vingt-dix, qu’ils soient adeptes ou non de balle orange (pour ceux-là, l’envie de répondre avec des jurons doit probablement leur traverser l’esprit). Yep, pour beaucoup, le basket, c’est pour les grands. Et ils n’ont pas tout à fait tort dans l’esprit. Ça aide. Pas qu’un peu. Qui ne s'est jamais dit « si j’étais aussi grand que ce gars-là, je serais passé pro » ? Spoiler alert : la taille compte. Même la vague du « small ball » n’a pas complètement éteint la race des géants de sept pieds, malgré l’évolution de leur rôle – et la diminution de leurs cartouches en attaque – depuis le début des années 2010. Maintenant, une équipe, Houston, veut faire exploser les codes et entamer une révolution. Les Rockets mènent le mouvement des statistiques analytiques, si chères à leur dirigeant Daryl Morey, depuis plusieurs années. Le basket moderne, pour le meilleur et aussi souvent pour le pire, est à leur image. Des trois-points, des lancers-francs et des lay-up. Une philosophie dont James Harden est le parfait ambassadeur, le visage de son époque – peut-être autant que Stephen Curry finalement. Mike D’Antoni, le coach, prônait déjà ce style de jeu quand il dirigeait les Suns il y a plus de dix ans. Un visionnaire. Mais ils n’avaient pas encore poussé le raisonnement jusqu’au bout. Jusqu’à cette saison. La franchise texane était lancée vers un nouvel échec et Morey l’a senti. Alors il a sorti son joker lors de la dernière deadline. Clint Capela, pivot de 25 ans à presque 14 points et 14 rebonds de moyenne, signé pour 90 millions de dollars sur cinq ans en 2018, a été sacrifié sur l’autel de « l’ultra small ball. » Les Rockets ont tout simplement décidé de se passer des « Big Men » pour jouer avec cinq extérieurs sur le terrain ! [caption id="attachment_301887" align="alignnone" width="1400"] Clint Capela, sacrifié sur l'autel du 'small ball'.[/caption] Robert Covington, débarqué en échange de Capela (un transfert à quatre équipes incluant douze joueurs différents) est aujourd’hui le basketteur le plus grand du cinq majeur. Il culmine à… 2,01 m. Bien au-dessus des normes humaines, mais pile dans la moyenne des standards NBA. C’est simple, une seule formation a un jour osé aligner un groupe aussi petit. Il faut remonter aux Knicks, en 1963. Autant dire que c’est donc du jamais vu. Même D’Antoni n’était pas allé aussi loin avec ses Suns, ni Don Nelson avec les Warriors et les Mavericks ou Steve Kerr, là encore avec les Warriors, voire même Erik Spoelstra avec le Heat. Que des armadas qui ont marqué l’histoire et l’évolution du « small ball » en NBA. La version aboutie est donc à Houston. P.J. Tucker, 1,96 m, est le pivot désigné, avec Covington à ses côtés. Danuel House sur les ailes. Puis Harden et Russell Westbrook dans le backcourt. Cette stratégie, justement, elle est d’abord imaginée pour eux. Les deux superstars de l’organisation. Deux des quinze meilleurs joueurs du monde. Un schéma non-conventionnel pour maximiser les performances de deux solistes extraordinaires en un-contre-un. Avant-hier, ils ont fait exploser la défense des Celtics en agressant tour à tour leurs vis-à-vis. Harden a marqué 42 points, Westbrook 36.

« C’est difficile de nous contenir, surtout quand je suis en mesure de faire ce dans  quoi je suis efficace », témoignait RW après la victoire contre Boston (116-105), équipe dominante de la Conférence Est qui restait pourtant sur cinq succès de suite.

En coulisses, les dirigeants des Rockets ne s’en cachent pas : le départ de Capela et le passage à cinq extérieurs a été pensé en grande partie pour Westbrook. L’ancien meneur du Thunder n’a jamais été un joueur très adroit de loin. Mais il est même de moins en moins en réussite depuis deux ans. 34% à trois-points en 2017, quand il était élu MVP, 29% l’an dernier et carrément 23% cette saison. Pour briller, Russ a besoin d’espaces et de couloirs dégagés pour prendre son adversaire direct de vitesse. La présence de Capela embouteillait l’accès au cercle. Depuis que le dernier match joué par le pivot, 86 de ses 136 tentatives étaient localisées dans la zone la plus proche du panier. Pour un très solide 66%.

« C’est son jeu. James a son step-back, donc il peut faire la différence même quand la raquette est blindée. Pour Russell, les espaces crées par notre cinq ‘small ball’ sont un vrai avantage », explique D’Antoni.

Le tacticien précise que ça l’est aussi pour Harden et il fait bien de mentionner le barbu. Ce jeu étiré au maximum – avec donc cinq joueurs derrière la ligne à trois-points en début de possession – lui permet d’exprimer encore plus ses qualités d’attaquant. L’arrière traverse pour l’instant une période un peu délicate. Mais on peut facilement imaginer les dégâts qu’il est susceptible de causer en étant dans un grand soir. Quand les équipes d’en face prennent la décision de faire prises-à-deux sur lui, JH remet la gonfle sur Westbrook, dévastateur sur ces situations de 4 vs 3. Les Lakers en ont fait les frais lors du premier match disputé par Covington avec Houston, juste après la deadline. Les Rockets étaient repartis avec une très belle victoire (121-111). Ce n’est que la saison régulière, certes, mais ce n’est pas complètement anodin non plus. Les Celtics ont aussi essayé de doubler sur le MVP 2018. Sans succès. Et quand ils ont arrêté de le faire, il les a dézingués en 1 vs 1. C’est clairement le meilleur système pour ce duo. Alors, évidemment, la défense – ou l’absence d’un grand pour protéger le cercle et prendre des rebonds – est pointée du doigt. Et à juste titre. Le Jazz et les Suns ont donné très peu de secondes chances aux Rockets lors des deux matches perdus consécutivement par les Texans avant qu’ils ne rebondissent contre les Celtics. Difficile, voire impossible, de gagner dans ces conditions. Le rebond est un élément-clé pour gagner. En étant plus petits, les hommes de Mike D’Antoni partent avec un désavantage. Mais déjà, ils en sont conscients. Et coïncidence ou non, ils s’arrachent beaucoup plus pour capter les ballons. Avoir un grand dominant peut rendre les autres joueurs… paresseux. Pas tous. Mais en sachant qu’il n’y aucun colosse pour assurer leurs arrières, les Rockets n’ont pas d’autres choix que de se donner à fond et de s’impliquer pleinement aux rebonds. Ça ne veut pas dire qu’ils le feront sur la durée. Ni même qu’ils tiendront leur débauche d’énergie actuelle. En tout cas, cet effectif a haussé son niveau d’effort depuis ce changement de stratégie. Pour contrer leur déficit en centimètres, les joueurs mobiles et polyvalents de Houston changent sur tous les écrans. Ça demande une activité constante, mais ça limite les opportunités pour les intérieurs adverses. Rudy Gobert n’a pris que six tirs lors du duel entre les deux équipes par exemple. La franchise mise sur la vivacité de ses extérieurs et sur la combativité des stoppeurs Tucker et Covington. S’ils sont souvent battus en 1 vs 1, Harden et Westbrook sont tous les deux robustes, forts sur leurs appuis, et capables de tenir des adversaires plus grands dos au panier. Ils n’ont pas les atouts pour se coltiner un Nikola Jokic ou un Joel Embiid, bien entendu. Mais combien de pivots sont encore réellement suffisamment techniques et costauds pour punir – avec efficacité – des défenseurs plus petits ? Il n’y en a plus tant que ça en NBA. Les Rockets ont quand même intérêt à éviter les Nuggets en playoffs. Leur schéma présente des mismatches évidents. La marge est limitée. Mais il y a encore des progrès à faire au sein même de ce système.

« Nous avons fait un gros changement et nous devons encore nous ajuster. On commence seulement à s’y acclimater et je pense que l’on va dans la bonne direction », remarque Russell Westbrook.

Les Rockets vont notamment se reposer essentiellement sur leur adresse extérieure. Il y a plein de tirs ouverts, et plein de shooteurs pour planter. Mais maintenir du 37-38% à trois-points, au-dessus de la moyenne NBA, n’est pas une tâche aisée. C’est toujours mieux d’avoir un plan B. Et tant que les dirigeants ne signeront pas un pivot sur le marché des buyouts (Tristan Thompson ?), ne serait-ce qu’un mastodonte à envoyer en mission pendant 15 ou 20 minutes, ils seront à court de solutions de rechange. Après tout, pourquoi pas. Houston peut gagner n’importe quel match. Pas n’importe quelle série par contre. Est-ce qu’ils iront au bout ? Probablement pas. Sûrement pas. Mais est-on sûr que c’est vraiment purement lié à « l’ultra small ball » ? Peut-être tout simplement qu’ils ne gagneront pas parce qu’Harden, leur meilleur joueur, n’est pas taillé pour ça. Et ce n’est même pas lui faire offense. Il y a peut-être trois ou quatre basketteurs sur cette planète à même de vraiment mener une franchise au titre NBA. 30 franchises, 1 seul champion. C’est extrêmement dur. Plusieurs grands joueurs de l’Histoire n’ont jamais été sacrés. James Harden a tendance à être nonchalant, parfois plus préoccupé par ses statistiques (et les récompenses individuelles) que la gagne, la vraie. Il lui manque aussi un petit truc en plus, l’instinct du tueur, en playoffs. C’est un attaquant phénoménal. Cette étape est peut-être juste un poil trop difficile pour lui. Imaginez seulement Kawhi Leonard dans le même système, « ultra small ball ». Ce serait absolument dévastateur. Au moins, Harden est maintenant dans le cadre idéal pour exploiter ses qualités. Comme nous l’avions écrit après l’arrivée de Covington, les Rockets ont décidé de miser sur eux-mêmes. C’est tout à leur honneur. Ils vont avoir le luxe d’aller au bout de leurs idées, ce que peu d’entre nous font dans la vie finalement. Ils mourront sans doute avec. Mais avec panache.
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